millet. Il est même remarquable que les graines de lotus ont, en Égypte, le surnom
de millet. M. Delile observe, dans son excellente Description des lotus, qu’il
a entendu appeler ces graines doh/m el bachenyn, c’est-à-dire, millet de bachenyn (i).
Ajoutons que le mot Arabe noufar, qui signifie lotus,- paroît se rapporter à la
racine n â f [être élevé, dominer], d’où nyf, nyfa, CsuJ CsuJ , qui signifie, dans
les lexiques, nombre rond, supérieur à 10, comme 100, iooo, &c. Au reste, le nombre
exact n est pas ici a considérer ; il suffit de reconnoître dans la plante des traits
qui se rapportent a un nombre élevé en général, multiple de 10, et qui ont pu
engager à le choisir comme le signe de mille (2).
Je vais rapprocher plusieurs exemples de nombres assez considérables, que
nous avons copiés sur le monument de Karnak (3) : on y reconnaîtra la même
disposition, la même marche, que j’ai décrites ; toujours les nombres sgnt écrits
■ de droite à gauche et du haut en bas ; d’abord les mille, ensuite les cents, puis
les dixaines, et enfin les unités : cest cette disposition constante qui m’a conduit
à conjecturer la valeur du signe que je regarde comme celui de la centaine (4).
La chose comptée est figurée a la suite des chiffres par deux ou trois signes
de l’espèce ordinaire, exprimant sans doute des mots simples, qui se trouvent
par-la isoles et distincts. Il faut remarquer ici l’avantage qu’on pourra tirer par
la suite de la connoissance des chiffres, pour reconnoître les objets substantifs
ou les etres quils sont destinés à enumérer, comme des hommes, des chevaux,
des vases, des poids, des jours, des années, &c.
4 4 4 trois mille
f 4 9 ^ Six cents
9 9 9
fî fi n trente-.,
a o a 0 a a . six.
9 9 deux cents
n n n
soixante -
n ru rt
00noa 0 f i seize
4 mille.
I I I trois mille
^ ^ ^
«v ^ ^ six cents '
•9 9 9
0 0 n i f i vingt-deux.
I I I • I
'IR !
f | «
9 quatre cents
011 a n (
vingt-huit.
Tous les exemples que j ai cités d après les monumens, montrent que les signes
numeiiques des Égyptiens, du moins ceux que nous connoissons, étoient employés
suivant le même système que les chiffres Grecs en lettres capitales, c’est-
à-dire, i.° que la valeur ne changeoit point avec la position; 2° que les signes
étoient au nombre de cinq, exprimant les valeurs de 1, 5 , 10, 100, 1000, avec
lesquels on composoit tous les nombres, depuis 1 jusqu’à 10000.
Il leste à découvrir s il y avoit des signes pour exprimer 10000, 100000; &c.
Il seroit possible que le nombre 10000 s’exprimât simplement par la dixaine
(1) Voyez les Mémoires d’histoire naturelle/ tome I I ,
jrng. 64 et j o j .
(2) On trouve dans plusieurs,langues Orientales, au
sujet du lotus et de sa signification numérique, divers
autres rapprochemens qui ne sont pas indignés d’attention
, mais que je crois devoir passer sous silence.
(3) Voyez pl. 38, A . vol. I I I ,fig . 26 à 3 1 , et l’explication
de la planche par MM. JoIIois, Devillierf et
moi.
(4) II seroit impossible, du moins, d’admettre une hypothèse
plus plausible.
placée à la droite du mille, | n ; 100000, par la centaine à la droite du mille, | 9,
et que par exemple. . . f 9 . . . signifiât 276000, au lieu de 1276. Il y a même
f i f i n i
R rW
S : ' mi m m
I
un exemple qui indiqueroit qu a la manière des Chinois ( 1 ) , les Égyptiens
écrivoient 300 en plaçant trois unités devant le signe de cent (2). Peut-être
trouvera-t-on d autres caractères encore dans le monument de Medynet-Abou,
sur lequel j’ai observé une quantité innombrable d’hiéroglyphes numériques, parfaitement
reconnoissables.
Je soupçonne que les fractions étoient indiquées par le signe de l’unité plus
petit et par des cercles d’une moindre proportion que les chiffres. En effet,
de petites figures de cette espèce'suivent les unités et précèdent le nom de la
chose comptée.
Le monument de Thèbes que nous venons d’examiner, est sans doute un des
lieux où les prêtres d’Égypte expliquèrent à Germanicus le dénombrement des tributs
et des dépouilles que Ramessès avoit rapportés de ses conquêtes ; ce dénombrement,
selon le témoignage de Tacite (3), étoit gravé sur les édifices de Thèbes ;
Legebantur et indicta gentibus tributa, pondus argenti et auri, numerus armorum equo-
rumque, et dona templis, ebur atquc odores, quasque copiasfrumenti et omnium utensilium
quæque natio penderet. Ce récit n’a pas besoin de commentaire. L’application
que je fais du passage de Tacite est confirmée par ceux de Diodore de Sicile et
d Ammien Marcellin. Selon le premier (4)» Sésostris avoit fait graver, sur deux
grands obélisques, des inscriptions qui marquoient la quantité des tributs qu’il
avoit perçus , et le nombre des peuples qu’il avoit subjugués.
Il est possible qu’on rencontre encore dans les monumens des chiffres pour yo,
pour 500, pour y 000, comme dans la notation Romaine, puisque nous avons
déjà le chiffre y. Ce système quinaire n’est pas particulier aux Romains; il se
retrouve aussi chez les Grecs, qui enfermoient dans un n le A , le H et le x ,
pour multiplier par y les nombres 10, 100, 1000.
Le Traité d’Horapollon ne renferme que six passages relatifs à des nombres ;
j’en ai cité trois. Dans les autres, on trouve cités le nombre 1095, et le nombre 16
simple ou redoublé (y) ; mais malheureusement, au lieu d’en définir la figure, l’auteur
en donne la signification symbolique. Il seroit curieux de rencontrer les groupes
de signes correspondans, qui, d’après nos idées, seroient exprimés ainsi :
10 0 0 0 0 n
j a a 00 0 m
f iB in û
Û Û f l f i
0 0 0 D 0 A
d 0 d 0 a 0 (
(1) Les Chinois écrivent ainsi 3 0 , ; 300. ‘ -ou ^ ^ .
u * 10 100
(2) Voye^ la planche ci-jointe-, fig. 10. (4) Liv. I , ch. 67.
(3) Annal. Iib. II . | ,lf (5) Liv. I , ch. 28, 32, 33.