environ 12 mètres. Il semble donc que ces écrivains, en parlant de portes conduisant
à des galeries, à des canaux souterrains, désignent autre chose que les
ouvertures semblables à celle qui est au nord de la grande, pyramide, et qui n a
guère qu’un mètre en tout sens. Pour ce motif, je ne chercherai pas à apprécier
l’exactitude de la mesure de i j o coudées donnée par el-Qodâ’y et par A ’bd el-
Rachyd à la longueur du canal souterrain,.
Le second de ces auteurs attribue 317 coudées de hâuteur à la grande pyramide;
trois autres écrivains confirment cette même dimension : or, a trois quarts
de coudée près, c’est la mesure exacte de son élévation totale, laquelle est d’un
peu plus de 146 mètres avec le socle , ou 316 coudées antiques un quart ( t ). .
On voit aussi dans A ’bd el-Rachyd que le côté est large, a la base, de 460 coudées.
A ’bd el-Latyf s’exprime avec plus de précision, en donnant 460 coudées à
chacun des Cotés des quatre plans triangulaires qui s'inclinent sur la perpendiculaire ;
d’autres écrivains cités par M. de Sacy disent, chacun des côtés des triangles équilatéraux
qui enferment les plans inclinés. On a toujours crû en effet que les faces
des pyramides étoient équilatérales ; ce qui n’est pas : or l’arête dont il est question
ici, a 4 6 i coudées 4 de la mesure ci-dessus (2). Il es.t remarquable que
quatre auteurs Arabes rapportent cette même mesure de 460 Coudées que donne
A ’bd el-Rachyd (3). C ’est encore une confirmation de la valeur que nous avons
assignée à l’ancienne coudée Egyptienne.
Citons encore plusieurs témoignages des écrivains Arabes. Dans la pénurie où
nous sommes de notions tirées des sources Grecques ou Romaines sur les pyramides,
et de toute autre histoire, la curiosité entraîne à consulter ces sources
( plus suspectes, il est vrai), mais moins pour y puiser dès faits certains que pour
satisfaire cette même curiosité, et encore parce quau milieu de tant de-fables les
Arabes ont consigné des observations intéressantes qu’eux seuls pouvoient faire
au temps de la conquête et de la violation des monumens.
Si l’on en crôyoit Abou-Zeyd el-Balkhy, « l’inscription gravée sur les pyra-
» mides fut traduite en arabe; elle apprenoit l’époque de la construction; c’est le
» temps où, dit-il, la lyre se trouvoit dans le signe du cancer (4 ) • en calculant
» on trouva deux fois 36,000 ans solaires avant l’hégire. »
Tous ces écrivains, au reste, sont persuadés que ces monumens ont pfecedé
le déluge : ce qui ne prouve qu’une chose, c’est l’ancienneté immémoriale de
leur construction; autrement, dit A ’bd Allah ben A ’bd el-Hokm,'les hommes
auraient conservé quelques notions sur ce qui les concerne (5).’L’incertitude sur
leur fondation a, comme on l’a vu, existé de tout temps; on la retrouve chez
les écrivains Grecs et Romains, et je pense qu’on ne peut jusqu’à présent se
décider pour aucun des systèmes, ni sur l’époque de la fondation des pyramides,
ni sur les noms des rois qui les ont fait construire L’historien Manéthon,
et Ebn Salamas ( traduction d’A ’bd el-Latyf, par M. Sil-
vesire de Sacy, p. 216).
(4 ) Cette phrase auroit besoin d’un commentaire, supposé
qu’elle soit bien traduite.
(5) Norden, Voyage, tom. I II, p. 255.
( 1 ) Voyez A . D . chap. X V I I I , pag. 66, et le Mémoire
sur le système métrique, A . AI. tom. pag. j2p
et suivantes.
(2) Ibid. pag. 52p.
(3 ) A’bd el-Latyf, el-MohalIi, Josephben-Alriphasi,
qui semblerait ici devoir nous servir de guide, nomme deux rois, savoir : Vene-
phès, le quatrième de la première dynastie après le déluge, comme auteur des
pyramides ( i ), ainsi que je l’ai dit, et plqs loin Suphis, deuxième roi de la quatrième
dynastie Memphitique (2), comme auteur de la plus grande de toutes,
auteur aussi d’un livre précieux et très-estimé que Manéthon dit s’être procuré :
comment n’y a-t-il pas trouvé des preuves positivés du fait en question! Dans
cette contradiction, nous voyons une nouvelle preuve dé l’obscurité où l’on
étoit et où l’on a toujours été à cet égard.
J’arrive à A ’bd el-Latyf, le plus judicieux peut-être des historiens Arabes : je
rapporterai sa description presque entière (d’après son savant'traducteur)', à cause
de l’importance du passage, et de l’intérêt dont il est rempli.
U n e des merveilles de ce p ays , ce sont les pyramides : elles ont attiré l’attention d’un trè s -gran d
nombre d’écrivains, qui ont consigné dans leurs ouvrages la description et les dimensions de ces édifices.
Elles sont en très-grand nombre, et sont toutes situées du même côté du fleuve que Djizeh , sur la même
ligne que l’ancienne capitale de l ’E g y p te , et dans un espace d’environ deux journées de marche. O n en
voit aussi beaucoup à Bousir. Parmi ces pyramides, il y en a de grandes et de petites; quelques-unes
sont construites de terre et de briques ; la plupart sont bâties en pierres : on en voit qui sont formées
par marches ou degrés; mais le plus grand nombre sont d’une forme exactement pyramidale, et offrent
des surfaces unies.
O n voyoit autrefois à Djizeh une quantité considérable de pyramides, petites, à la vé rité , qui furent
détruites du temps de Salah-eddin Y o u so u f, fils d’Ayyou b. Leur destruction fut l’ouvrage de Karakousch,
eunuque G r e c , qui étoit un des émirs de l’armée de ce p rince, et homme de génie. (Relation de l'Egypte
d’A ’bd el-Latyf, traduction de M . de Sacy, page 1 7 1 . )
Pou r en venir maintenant k celles des pyramides qui ont été l’objet de tant de récits , que l’on distingue
de toutes les autres, et dont la grandeur attire par-dessus tout l’admiration, elles sont au nombre
de trois, placées sur une même ligne à Djizeh , en face de Fostât, à peu de distance les unes des autres,
et elles se regardent par leurs angles dans la direction du levant. De ces trois pyramides, deux sont
d’une grandeur énorme. Les poètes qui les ont décrites se sont abandonnés à tout l ’enthousiasme qu’elles
leur inspiroient ; ils les ont comparées à deux immenses mamelles qui s’élèvent sur le sein de l’E gypte.
Elles sont très-proches l’une de l’autre , et sont bâties en pierres blanches : la troisième, qui est d’un
quart moins grande que les deux premières, est construite en granit rouge tiqueté de p oin ts , et d’une
extrême dureté. Le fer ne peut y mordre qu’avec peine. C e lle -c i paroît petite quand on la compare
aux deux autres ; mais, lorsqu’on l’aborde de p rè s , et que les yeux ne voient plus qu’e l le , elle inspire
une sorte de saisissement, et l’on ne peut la considérer sans que la vue se fatigue.
La forme que l’on a adoptée dans la construction des pyramides, et la solidité qu’on a su leur donner,
sont bien dignes d’admiration : c ’est à leur forme qu’elles doivent l’avantage d’avoir résisté aux efforts
des siècles, ou plutôt il semble que ce soit le temps qui ait résisté aux efforts de ces édifices éternels.
En e ffe t, quand on se livre à de profondes réflexions sur la construction des pyramides , on est forcé de
reconnoître. que les plus grands génies y ont prodigué toutes leurs combinaisons ; que les esprits les
plus subtils y ont épuisé tous leurs efforts; que les ames les mieux éclairées ont employé avec une sorte
de profusion, en faveur de ces édifices, tous les talens qu’elles possédoient et qu’elles pouvoient appliquer
à leur construction ; et que la plus savante théorie de la géométrie a fait usage de toutes ses ressources
pour produire ces merveilles, comme le dernier terme auquel il étoit possible d’atteindre. Aussi
peut-on dire que ces édifices nous parlent encore aujourd’hui de ceux qui les ont é levé s, nous apprennent
leur histoire, nous racontent d’une manière très-intelligible les progrès qu’ils avoient faits dans les
scjences, et l’excellence de leur g én ie ; en un mot, nous mettent au fait de leur vie et de leurs actions.
( Ibid. page 17 2 . |
C e que ces édifices présentent de singulièrement remarquable, c’est la forme pyramidale que l’on a
( 1 ) Syncell. Chranogr. p. .54-55- (2 ) Ibid.y. 56-57.