pylônes, où il n’y a que des figurés colossales. Est-ce avant de'sculpter en creux
ces figures, ou est-ce après, qu’on appliquoit l’enduit! En mettoit-on une couche
de plusieurs pouces et même jusqu’à six pouces d’cpaisseur vers les contours
des figures ! ce qui eût été nécessaire pour graver, une inscription dans un tel
endroit. Mais, en tel cas, les Égyptiens eux - mêmes auroient empêché leurs
sculptures d etre distinctes ; et de plus, la situation de ces inscriptions entre les
bras et le corps des figures suppose que toute la muraille étoit lisse avant qu’elles
fussent tracées : car qui eût voulu choisir un endroit aussi rétréci qu’un pareil
intervalle, tandis qu’à côté il y avoit et il y a encore des places nettes et beaucoup
plus étendues! En un mot, si l’enduit s’arrêtoit au relief de la sculpture, il n’étoit
pas possible d’y graver une inscription ; et s’il faisoit une surface égale et unie,
les figures Égyptiennes eussent été cachées.
Reste à supposer que les voyageurs eux-mêmes, qui venoient marquer leur vénération
pour Isis, auroient mis une épaisse couche de plâtre sur l’image de cette
déesse, afin d’y écrire qu’ils étoient venus lui rendre hommage, et qu’au lieu de
tracer leurs inscriptions à portée, iis auroient appliqué, à quinze ou vingt pieds de
hauteur, un enduit tout exprès. Mais c’est là une supposition par trop invraisemblable
et même absurde.
Il me paroît donc que les rois Grecs ont fait achever la sculpture du rang
inférieur du grand pylône de Philæ par les artistes du pays; qu’on peut leur faire
honneur d’avoir érigé les obélisques en grès, et d’avoir encore fait exécuter plusieurs
petits ouvrages d’un style analogue au style Égyptien. Cette conséquence d’ailleurs
est conforme à l’histoire, et notamment au précieux et authentique monument
de Rosette. Les Grecs ont fait des réparations aux anciens édifices; après eux, les
Romains en ont fait également : telle me paroît être l’origine des inscriptions
publiques qui appartiennent aux uns et aux autres. Mais il est bien important de
remarquer que c’est à ces ouvrages peu étendus que se bornent leurs travaux en
ce genre, et que ce sont les seuls qu’ils ont pu faire en Égypte. S’ils eussent
exécuté quelques ouvrages comparables aux monumens anciens, on en trouveroit
des restes dans lés villes qu’ils ont certainement fondées, comme l’Arsinoë de la
mer Rouge,' et sur-tout à Ptolémaïs, cette grande ville de la Thébaïde, qui, selon
Strabon, né le cédoit pas à Memphis elle-même : mais il ne reste rien ou presque
rien des monumens qu’ils ont élevés dans le style propre de leur architecture,
loin qu’ils aient laissé des monumens semblables à ceux de l’antiquité Égyptienne.
Par quel privilège ceux de Denderah, d’Ombos ou de Qâou, subsisteroient-ils, s’ils
étoient leur ouvrage! Bien plus, où faudroit-il chercher les temples que l’on sait
avoir été bâtis par les Égyptiens dans ces mêmes lieux, et que toute l’antiquité
àlloit admirer ! Plus récens que ceux de Thèbes et de Philæ, pourquoi auroient-ils
disparu, tandis qu’à Thèbes et à Philæ il y a tant de vestiges encore aujourd’hui
intacts, grâces au soin apporté dans les constructions des anciens Égyptiens,
•à la grandeur des matériaux, à la solidité de l’appareil!
Les ouvrages des Grecs étoient à peu près tous dans Alexandrie : si l’on veut
avoir une idée de ce qu’ils ont fait de moins mesquin dans la manière Égyptienne
et qui approche le plus de ce style, on doit étudier le bâtiment qui-est à Tapo-
siris. Cet- édifice est!très-curieux, en ce qu’il montre en quoi les imitateurs se
sont- écartés ou rapprochés des modèles.
• Examen des Inscriptions sous le rapport de l ’antiquité des Monumens.
Il faudroit sans doute n’avoir qu’une connoissance imparfaite de l’Égypte telle
quelle,est aujourd’hui, pour attribuer aux Grecs ou aux Romains des monumens
comme: cèux de Denderah ou d’Ombos, à cause des inscriptions, qu’ils y ont
gravées ; mais ce seroit aussi méconnoître absolument l’histoire. Strabon, . sous
Auguste, parloit du temple de Tentyris : est-ce en une dixaine d’années que l’on
a construit un édifice qui est un des plus grands de toute la haute .Égypte, et
couvert de plus de dix mille mètres carrés de sculptures, toutes d’un, ciseau
parfait! Sans doute plusieurs siècles ont eu peine à produire cet ouvrage, même
dans les temps de la prospérité de l’Empire. Mais, sous, les Grecs, et sur-tout sous
les Romains, quand les religions se confondoient et s’entre-choquoient, quel homme
eût conçu et par quels moyens eût-on exécuté le dessein delever aux dieux de
l’Égypte le temple le plus somptueux que l’on connoisse!
Les Ptolémées furent bien plus puissans en Égypte que les empereurs Romains:
mais, s’ils eussent bâti ces temples, ils auroient mis leurs noms sur les édifices ; ils
auroient associé (comme ils l’ont fait sur le monument de Rosette) les caractères
Grecs aux inscriptions en hiéroglyphes, et ils l’eussent fa|t sur des endroits très-
apparens. La preuve qu’il n’en est rien, c’est que leurs inscriptions sont en petit
nombre, et placées sur des listels étroits, seules parties nues de toute l’architecture
Égyptienne ; et ce qui n’est pas moins digne de remarque, c’est qu’elles ne contiennent
justement que le moindre nombre de mots possible, afin de s’accommoder
à la place. Ce n’est pas ainsi que sont composées les inscriptions mises par les
Grecs et les Romains sur leurs propres monumens.
Rien ne seroit donc plus déraisonnable que d’employer les inscriptions Grecques
et Romaines tracées sur les temples d’Égypte, pour déterminer l’âge de ces édifices
: ce seroit montrer que l’on ne connoît ni ces inscriptions, ni les temples
eux-mêmes , ni enfin, cette suite non interrompue de monumens qui ornent
la Thébaïde , ouvrages!" qui ont tous la même, grandeur de 'conception et le
même cachet: ce seroit oublier que le .génie de cette nation l’isole tout-à-fait
des autres; que sa religion, ses.arts,,ses connoissances,.dont elle a mis l’empreinte
sur ses ouvrages^ ne sont absolument qu’à elle, et enfin.que ses moindres comme
ses plus grands travaux portent .tous un caractère impossible: à méconnoître, et
qui, s’il les distingue absolument de,ceux des autres peuples, les fait différer encore
plus des ouvrages-des Grecs et des Romains.
L antiquité des monumens de I Égypte ^ tels.que ceux de Q ous, Ombos ou Denderah,
est une chose tellement manifeste et palpable pour ceux qui les ont vus,
quil n est venu a 1 esprit daucun des membres de l’expédition d’en douter un
seul instant. Si quelqu’un des voyageurs, avoit élevé le plus léger doute sur cette
A. tom e ii: -- B a.