tout le monde le payoit, et d’en découvrir la quotité pour en déduire ensuite la
population générale. Les passages qui précèdent renferment déjà le moyen de
résoudre la question; en effet, il résulte que la capitation fut fixée à 2 dynârs ou
pièces d’or par tête. Plusieurs auteurs confirment ce fait; Leith ( ou Yezid ) dit
qu’un impôt de 2 dynârs fut frappé sur les Qobtes au temps d’A ’mrou (1) : Abou-1-
Mahsen dépose du même fait (2). Il ne faut pas croire que l’impôt par tête fût de
4 dynârs, comme pourrait le faire croire le passage de Maqryzy extrait ci-dessus (3) :
ce n’étoient pas non plus 2 dynârs qui étoient l’impôt de chaque tête; mais cette
quantité de 2 dynârs étoit l'impôt moyen, c’étoit la somme que les Égyptiens avoient
à payer l’un dans l’autre : ainsi tel payoit 4 . tel autre 3 ou 2, et d’autres 1 seulement.
Cest ainsi quen 1798 les 90 mille assignations étoient de trois degrés :
il y en avoit 9000 à payer par les riches, chacune de 44o médins; 18000 par la
classe moyenne, de 220 médins; et 63000 par les individus indigens ou peu aisés,
chacune de 11 o médins. C ’est tout-à-fait le même rapport que j’aperçois au temps
d’el-Kodouri, puisque le riche payoit par an 48 dirhems; l’homme d’une aisance
moyenne, 24; et celui qui gagnoit sa vie à force de travail, 12 seulement (4).
Ce qui prouve tout-à-fait que la capitation de a dynârs étoit une somme moyenne,
c’est le passage suivant, relatif à la capitulation particulière de la ville d’Alexandrie :
«Maqryzy cite Hosseyn ben-Châbi, du premier siècle de l’hégire, pour le fait
» suivant : Quand A ’mrou ben el-A’âs prit Alexandrie, les habitans, sans y com
y> prendre les femmes et les enfans, étoient au nombre de 600 mille. Toute
» 1 Egypte fut soumise à une contribution de 2 dynârs par tête d’homme; il y eut
» exception pour Alexandrie, dont les habitans durent payer le kharag [ contribu-
» tion foncière] et le gizyeh [ capitation] au taux où il plairait de le fixer, parce
» que cette ville a été prise de vive force (y). »
Il n y a donc plus, selon moi, de difficulté pour comprendre le passage en
question dans la capitulation d’A ’mrou. Les Égyptiens furent assujettis à payer
une capitation totale de 50 millions de pièces, au cas où la crue du Nil serait
complète; et comme ces pièces, à l’époque dont il s’agit, étoient ou d’or ou
d’argent, et qu’il ne peut pas évidemment être question de pièces d’or, il suit que
la contribution frappée sur toute l’Égypte, d’après tous les auteurs, fut de
50000000 de dirhems.
Reste a évaluer le rapport du dynar au dirhem. La valeur relative de ces deux
monnoies n a pas toujours été la même. Quand la monnoie d’argent s’altéra, le
rapport alla en croissant; ce fut alors un signe de décadence et de misère pour le
pays. Sous el-Hakim Bimr-allah, le dirhem descendit à 34 pour un dynâr; plus
tard, on frappa un nouveau dirhem valant 1 8 : à diverses époques le dirhem descendit
a 3 1 ^ 3 6 ; mais, 1 an 363 de 1 hégire, dit Maqryzy, le dynâr moe’zzy étoit
au pair de 15 dirhems -4- Le dirhem monta aussi à 1 3 -4- et à 15. Au reste, le dynâr
(1) Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles- à 4 dynârs; mais ceux qui changeoient leurs espèces d’or
lettres (2. serîe ), tome V , page 24. en argent devoient gagner beaucoup à cette opération.
■ (2) Ibid, page 31. (4) Voyez c¡.dessus, page 121.
(3) Voyez ci-dessus, p. 121. II ne faut pas non plus (5) Mémoires de l'Académie des inscriptions et bellesr
conclure de ce passage que les 40 dirhems correspondent lettres ( zd série ), tome V , page z t .
fut long-temps en Égypte l’unité monétaire ( quoique rarement les pièces d’or
jouissent de ce privilège). Le dirhem le devint ensuite; cette pièce prit son nom
du poids auquel elle étoit égale à son origine. Enfin le médin remplaça le dirhem
comme l’unité des monnoies ( 1 ).
Je m’arrête à la valeur de 15 dirhems au dynâr pour l’époque de la conquête, et
je trouve que les 50000000 de dirhems répondent à 3333333 dynârs, qui, à 2 dynârs,
terme moyen, par tête, représentent 1666666 individus; mais ce n’est là
qu’une partie de la population de l’Égypte au temps d’A ’mrou. En effet, on a vu
que le gizyeh ne frappait point les femmes, ni les enfans, ni les pauvres incapables
de le payer, et que c’est vers douze ans qu’il faut commencer à comprendre les
habitans mâles dans la capitation. Or, d’après la loi de population, .sur 10000000
d’individus on compte 2372842 enfans d’un à onze ans; reste à 7627158 adultes
des deux sexes, ou 3813579 mâles adultes, supposé les deux sexes en nombre
égal. Ainsi le nombre cherche sera le quatrième terme de la proportion suivante :
3813579 : IOOOOOOO : : 1666666 ; x = 4369000.
Resterait à ajouter, pour les indigens, une quantité qu’il est impossible d’assigner,
mais qui devrait être fort peu considérable; et une autre quantité pour l’excès
du nombre des femmes sur celui des hommes. Celle-ci ne doit pas être calculée
d après la proportion actuelle des villes, parce que le nombre des femmes étrangères
importées en Égypte par les caravanes est beaucoup plus grand aujourd’hui
qu il ne 1 étoit dans le premier siècle de l’hégire. En prenant pour le rapport des sexes
9 à 8, c est-à-dire, en fixant l’excès du sexe féminin sur l’autre à f en sus, on accorde
une différence admissible, et 1 on arrive à une population totale de 4630000 environ.
Tel est, selon nous, le résultat qu’il faut tirer de la capitulation d’A ’mrou.
Comparons ce résultat à plusieurs autres passages des écrivains Arabes : « Ebn
» A bd-el-Hakim rapporte, d’après A ’bd-allah ben-Loheiah, qu’A ’mrou ben el-A’âs,
» après avoir conquis l’Égypte, imposa une capitation de deux pièces d’or sur
» chaque habitant, excepté les vieillards, les femmes et les enfans; leur nombre
» s éleva à 8000000 Le droit de capitation fut fixé à 4o dirhems sur le peuple,
» et à quatre pièces d or sur les personnes riches. » Ce passage nous a été communique
en arabe par M. Sfivestre de Sacy ; i| estd’acçord, pour le montant de l’impôt,
avec celui de Maqryzy qui est rapporté page 121, avant-dernier alinéa. Mais ce témoignage
diffère beaucoup de celui d’el-Kodouri; selon ce dernier, le minimum
de la capitation étoit de 12 dirhems, et le maximum, de 48 ; ici c’est 40 et 60 (en
prenant le dyna.r pour 15 dirhems). Le même écrivain fournit une donnée plus
diiecte, mais qui n èst pas moins incertaine; observons d’abord que l’époque se rapporte
aux années 96 a 99 de 1 hégire : « Ebn A ’bd-el-Hakhn apprend que Ebn
» Refaa, étant gouverneur de l’Égypte, parcourut tout son gouvernement pour
” frire le dénombrement des habitans et répartir le kharag entre eux avec équité :
» il passa six mois dans le Sa yd, occupé de cette opération, et il alla jusqu’à Syène ;
« il etoit accompagné d officiers et de katebs qui l’aidoient dans ce travail : il
(1 ) y°yez. le Memoirç de M. Samuel Bernard sur les monnoies d’Egypte, Ê. M . tojn- I I , pflg- jz r .