grottes de S a q q â r a h , qui sont à un myriamètre environ des ruines d e M em p his. C e fut
dans le sixième siè c le av ant le r e vu lg a ire que C am b y s e ra va gea T h è b e s , qu’il la dépouilla
de ses richesses e t de ses ornemens. L e siècle le plus reculé que l’on puisse assigner pour
le temps où la tun ique É g yp t ien n e fu t tissue,.es t d onc le cinquième ou le quatrième av ant
le règn e d’A u gu s te .
N o u s ne pouvons pas mettre plus de précision dans ce que nous avon s à dire sur le
p ersonna ge qui l’a portée. II n’étoit ce rta inement pas de l’ordre sa c e rd o ta l; car il étoit
défendu au x membres de ce t ordre de se v ê tir de la in e . Hérodote ( i ) d it expressément :
« L e s prêtres p ortent un seul v ê tem en t fait de l in , e t des chaussures de p ap y rus : tout
» autre v ê tem en t, to u te autre ch a u s su re , leu r sont interdits. » ’E aw r c t S i (popéov<ri oï ïpéeç
À/VSîlV fAOVVnV, X5q VltüShfACLTcL /3u£ à IVoL' 6tM»V S i cr(pl étrSyTO, OVK £%€</)I. A clC bÎ v-, 0U<T)S
fACLTcL (LïAcL.
Ils observèrent religieusement cette loi pendant tout le temps qu’ils ex is tè ren t ; e t , sous
l ’empire des R om ain s , les prêtres d’Isis furent enco re désignés par la matière de leurs ha-
b illem en s , lin ig e n i tu rba , la troupe vêtue de lin . C ’est aussi des prêtres É g yp t ien s que
P y th a g o re a v o it adop té la manière de se vêtir. J am b iiq u e d i t , dans sa V ie (2 ) : « Son
» hab illem en t étoit b la n c , sans aucun o rnement q u i fût d’une autre co u le u r , et te lle s
» é to ien t les étoffes qui couv'roient son lit. Les uns e t les autres é to ien t tissus de l i n , car
« il ne se se rvoit jamais des dépouilles des an imaux. II persuada à ses disciples de l’imiter
» dans c e t usage. » ’Eo-Srîri S i ê ^ p r iro àêux/m xsq , cjo -c lvtu ç S i xs4 <np&fMLcrt te v x o îç
3(Sq * gïvctf S i XS9 tA t o io lv t c l Ai y et • x.a>Sioi$ ycLp ou?t è^ jyn ro * xs4 toTç cbxpocLTcuç
S i TOVTO TO 100$ 7ntpêScoX£V.
N o u s p ou v o n s d onc assurer que la tu n iqu e trouv é e à S a q q â ra h , et q u i est tissue de
matière a n im a le , n’a p o in t servi à un prêtre É g yp t ien .
S i nous étions m ieu x instru its sur le s costumes des anciens hab itans de i’É g yp te e t de
leurs classes diverses ( 3 ) , nous ne serions pas réduits à ne proposer dans ce rapport q u e
des d o u te s e t des in d u ction s ; mais nous ne possédons aucun o u v ra g e écrit en E g y p te a v an t
l ’em pire q u ’y fonda P to lém é e , et nous ne conno is sons les hommes qui l’h ab ito ien t a v an t
ce tte ép oque q u e par les écrits de que lque s G re c s qui les a v o ien t v is ités . Hé rodote est
ce lu i q u i nous a transmis le p lus de d é ta ils ; c’est lui qui v a nous in s tru ire (4 ) • « L e s
» h om m e s , d it - i l, ont d eux v ê tem en s ; les femmes., un s e u l. . . Ils p ortent des vête mens
» de lin , e t ils v e illen t so ign eusemen t à ce qu’ils so ien t récemment lavés. » E fyu t/ rc t,
TCùV fA,è)l CLVc/]oSv eyoLcrioç l SlfO ' Tû)V yUVOUlJùcôv 6V è ^ c r l n . . . . E'ÎfAcLTO, S i AlViob (fiopéoVcrl
cuk) Vi07CM)TcL , Î7ClTYlSiV0VT£Ç TOVTO fÀA Al cri cL. . . .
II dit ailleurs ( 5 ) : « L e s É g y p t ie n s 'so n t vêtus de tuniques de l in , garnies de franges
« autour des jam b e s , q u ’ils ap p e llen t c t fla s iris . Ils p la c en t sur ces tuniques des v êtemens
» de la in e b lan ch e : mais ils ne p orten t pas les h ab illem en s de la in e dans les tem p le s , et
» on ne les en ter re poini a v e c des vêtemens de cette m a tière; ce qui sero it regardé comme
» m a lh o n n ê te .» ’E v S iS i y&o-i <hl ztôcovetç Aw éov ç, 7ct.p1 t c l o-juAzol Suo-clvoùtovç, ov$ y&Aéovo-i
y&AcLcriçjLç,. ’E7n t o v t o k t i S i elpivict eï/Â.cLTcu Aévxso g7ntyce^Àw^y (f>opiov<ri• ou [a,gy t o i eç y t
TcLÎgje, èo-ÇépiTcLj elpiveou, ovSi o -vy^Tccêa LTrléTcLl <r<pl ' ou ycip otriov. . . .
L a tunique de Saq q â rah n’a d on c pu ap p arten ir à une fem m e , puisque les É g yp tien n e s
ne p orto ien t q u ’un seul v ê tem en t tissu de lin . A la v é r ité , le second vêtement des hommes,
(1 ) L iv ..n , p. 121. (4 ) Lib. I l , pag. 120, ed. Wesseling. -
( 2 ) Cap. X X V I I I . ( 5 ) Ibid. pa g. 14 1.
(3) la note 2, p. 229, «t la note de ta page 230.
celui qui se plaçoit sur la calüsiris, ou tunique de lin , étoit de laine; mais cette laine étoit
blanche. Ainsi d on c , à la rigueur, on ne peut dire que la tunique de Saqqârah a été
portée par un Égyptien , car elle est jaune.
II est cependant possible qu’elle doive cette teinte jaune à sa vétusté, ou que cette
couleur fût la marque distinctive de quelque dignité. Hérodote n’ayant parlé que des
Égyptiens en général, cette dernière supposition n’est pas invraisemblable.
Enfin ce que l’on doit conclure avec certitude du texte d’H érodote, c’est que la tunique
de Saqqârah n’a point été transportée dans les souterrains avec un cadavre qu’elle auroit
enveloppé, puisque la matière animale dont elle est faite l’eût rigoureusement empêchée
de faire partie de l’appareil des sépultures. D on c , ou ces souterrains n’ont point été destinés
à servir de tombeaux* si.telle.fut.leur destination (ce qui est certa in), la tunique
y a été cachée avec d’autres effets dans un temps de guerre et de dévastation.
Pour résumer nos conjectures, nous dirons :
i.° Qu e la tunique trouvée dans les souterrains de Saqqârah paroît avoir été tissue
au plus tôt dans un siècle postérieur à-Cambyse, c’est-à-dire, environ quatre siècles avant
que l’Egypte ait fait partie de l’empire Romain, mais au plus tard avant le quatrième
siècle de l’ère vulgaire ;
2.0 Q u ’elle n’a pu appartenir à un prêtrè ni à une femme;
3.0 Q u e celui qui la portoit étoit de la classe commune des Égyptiens, si c’est à sa
vétusté qu’il faut, attribuer la couleur jaunâtre de l’étoffe, mais qu’il occupoit un rang
distingué,.si la tunique a été .ainsi teinte à dessein;
4*° Enfin qu’elle n’a point été déposée avec un cadavre dans les grottes de Saqqârah,
ces souterrains ayant servi de tombeaux, parce qu’il répugnoit aux Égyptiens d’être
ensevelis dans des tissus de la in e; mais que, dans ce cas, elle y aura été portée avec
d’aütres richesses que l’on vouloit- soustraire- à des ennemis.
C ’est à ce’ court exposé que se réduit notre travail. Loin de blâmer notre réserve et
notre brièveté, ori rious en saura peut-être quelque gré, si l’on se rappelle combien les
fictions et les systèmes ont d’attraits pour la plupart des hommes.
L’Institut çonnoît trop le prix des antiquités Égyptiennes dont le général Reynier lui
a fait d on , pour qu’il soit nécessaire de proposer ici de lui adresser des remercîmens avec
une. copie du rapport ; mais nous lui proposons de donner à la Commission qui recueille
et publie les observations et les découvertes faites en Egypte par nos compatriotes, communication
de ce rappor t, afin qu’il complète son précieux recueil.
Signe à là minute, B e r t h ô l l é t , M o n g e , G o s s e l l i n , P o i r i e r , A m e i l h o n , M o i t t e ,
G i b e l i n , et M o n g e z , rapporteur.
L ’Académie approuve le rapport et en adopte les conclusions.