vernis r o u g e , qui a lout l’éclat de la fraîcheur. C e tte figure est très-belle. et sa bouche porte l’empreinte
des grâces et de la beauté. O n diroit qu’elle sourit gracieusement.
U n homme d’esprit m’ayant demandé quel é to it , de tout ce que j’avois vu en E g y p t e , l’objet qui avon
le plus excité mon admiration, je lui dis que c'étoit la justesse des proportions dans la tête du sphinx.
En e ffe t, on remarque entre les différentes parties de celte tê te , le nez, par e x em p le , les yeux et les
o re illes, les mêmes proportions qu’observe la nature dans ses ouvrages O r il est bien étonnant
q u e , dans une figure aussi colossale, le sculpteur ait su conserver la juste proportion de toutes les
parties , tandis que la nature ne présentoit aucun modèle d’un semblable co lo s se , ni rien qui pût lui
être comparé. ( Ibid. pag. 17 9 - 18 0 .)
Je ne m’arrête pas aux faits qui commencent la description; ils sont tous
conformes aux observations récentes, et prouvent seulement 1 exactitude dAbd
el-Latyf. Dans l’éloge pompeux qu’il fait plus loin des pyramides, on aperçoit
avec surprise un peu d’exaltation ; cependant, si un homme d autant de jugement
s’est laissé entraîner à l’admiration, il faut bien qu il ait ressenti en effet une
impression forte et profonde, à la vue de ces étonnantes masses. Et qui
n’a pas été vivement frappé à leur aspect, si ce nest les hommes prévenus
par une opinion faite d’avance ! Remarquons ces expressions, que la plus savante
théorie de la géométrie a servi de guide aux constructeurs des trois grandes pyramides,
et qu elles nous racontent les progrès qu’ils avoient faits dans les sciences, ire.; que,
par une propriété de la forme pyramidale, le centre de la pesanteur est au
milieu même de l’édifice, en sorte qu’il ne gravite pas vers un point hors de lui:
ne sont-ce pas les réflexions mêmes que nous ont inspirées ces monumens,
quand nous étions en face, ou quand nous méditions sur leur forme et leur
construction ( i ) î
i J On assure, dit-il, que la base et la hauteur perpendiculaire ont 400 coudées
noires, et la plate-forme, ro coudées ( ou 1 1 coudées naturelles ). z.° Suivant
un homme instruit dans l ’art de prendre les mesures, et qu A bd el-Latyf a v u ,
A ’bd el-Latyf présente deux versions sur les dimensions des deux grandes pyramides.
la hauteur perpendiculaire d’une de ces pyramides est de 3 17 coudees environ,
et chaque côté des quatre plans triangulaires qui s inclinent sur cette perpendiculaire,
a 4 6 0 coudées. Il est surprenant que notre auteur trouve une erreur
dans ces dernières mesures, sans apporter aucun motif, si ce nest quil est nécessaire
de donner à la perpendiculaire 400 coudées. Ne veut-il pas parler de
la perpendiculaire de la face, cest-à-dire, lapotheme, qui avoit en effet 4° ° coudées!
n’étoit-ce pas là une tradition consacrée, et dont A ’bd el-Latyf ne pouvoit
s’écarter! Quant à la base, elle a en effet yoo coudees (et non 4° ° ) de 1 espèce
de mesure dont la hauteur du triangle a 4o°> et hauteur verticale, environ 317:
c’est là une comparaison que nous avons faite précédemment, et qui est parfaitement
juste.
Il décrit avec exactitude les galeries et les communications intérieures; il parle
de plusieurs puits, quoiqu’un seul nous soit connu : est-ce parce que ce puits est
en deux parties que l’auteur en indique plus d’un!
La dimension des pierres, de 10 à 20 coudées de long, suivant A ’bd el-Latyf
( 1 ) Voyez A. M . tom. I .n, Mémoire sur le système métrique, chap. x n .
(4m,6
SUR LES PYRAMIDES d ’É G Y P T E , §. II. I Ç I
( 4m,6 à 9m, i ) , est conforme aux dimensions que j’ai mesurées dans les assises
inférieures; mais, sur la finesse extrême de la couche de mortier, on ne peut
confirmer son témoignage. Quant à l’existence des caractères d écriture dont il
a vu la pyramide revêtue> on ne peut, d’après les faits connus, l’assurer ni la
nier : mais il est bien difficile de révoquer en doute l’observation d’un témoin
oculaire, confirmée par d’autres écrivains.
La tentative de démolition de la troisième pyramide au temps du sultan Melik
el-A’ziz O’smân ben Yousouf en 593 [ 1 196 ], décrite avec un détail et des circonstances
qui prouvent la fidélité du récit, donne peut-être une plus haute idée
de la solidité de la construction et de l’exactitude de l’appareil que tout ce qu’on
pourroit en dire. Quoi de plus frappant que cette conclusion, qu’ils furem contraints
de renoncer honteusement à leur e n t r e p r i s e e t qu ils mirent dans une entiere
évidence leur impuissance et leur foillesse !
Le témoignage de notre auteur confirme encore la source des matériaux dont
les pyramides ont été bâties, c’est-à-dire, les excavations de la rive orientale du Nil,
qu’un cavalier, la lance liante, mettroit plus dun jour à parcourir. Quant au lieu
d’où a été tiré le granit, il indique, outre la ville d’Asouân, celle de Kolzoum.
Il donne au sphinx 70 coudées et plus de longueur. La mesure que nous
avons prise du corps seul, égale à 29 mètres, répond à environ 63 coudées, et la
partie de la croupe cachée sous les sables doit combler la différence. L auteur
insiste sur la beauté des traits de cette tête colossale et son sourire gracieux :
nous n’avons pu en juger dans l’état de dégradation où est la face, le nez ayant
été enlevé, et tout le visage défiguré (1). Cependant il faut convenir que les
précédens voyageurs, faute d’une attention suffisante, ou pour s’être placés trop
près de la figure, l’ont dessinée avec inexactitude et incorrection; l’on est même
disposé à approuver la réflexion de notre auteur sur la justesse de proportion
entre le nez, les yeux, les oreilles et les différens traits de la tête, et sur la difficulté
qu’a eue à vaincre le sculpteur en travaillant dans des dimensions aussi
gigantesques.
Pour compléter la relation d’A ’bd el-Latyf au sujet des pyramides, j’emprunterai
à son savant traducteur plusieurs extraits de divers auteurs Arabes dont il
a enrichi son commentaire. Mohalli, écrivain cité par Ed. Bernard, et un autre
appelé Ebn-Salamas, confirment les mesures de 317 coudées pour la hauteur de
la grande pyramide, et de 460 coudées pour la longueur de l’arête, dont jai
montré plus haut la justesse : cette confirmation est-très-importante. Le premier
ajoute que la plate-forme supérieure a 9 coudées (au lieu de to ou de 1 1 ) : je
reviendrai sur ce dernier point.
Suivant Ben A ’bd el-Rahmân, cité par le même savant’ et par M. Langlès,
« le puits est carré, profond de ¡0 coudées, avec quatre portes conduisant à autant de
i> pièces, où sont'déposées-des momies : ce puits est au milieu d’une salle carrée par le
y bas, et ronde par le haut. Dans cette salle étoit une porte qui conduisoit au haut de
y la pyramide par un canal sans degrés, et qui étoit large de cinq achbar [ palmes ].
(1 ) Voyez A . D . chap. X V I I I , page 89,
A. TOME ¡ I Bb