
27 millions d’individus. Pour en déduire le nombre des naissances annuelles, il
faudroit la diviser par 29 ou 30; on auroit, pour un an, 93 1034 ou 900000, et
par jour 2550 ou 2465 , un peu moins qu’en France : mais Goguet en conclut le
nombre excessif de 4320 naissances par jour, et Dupuis ne lui dispute nullement
cette conséquence que j’oserai dire absurde; car il en résulteroit, pour le nombre
par lequel il faut multiplier les naissances annuelles, et par conséquent pour la
durée moyenne de la vie (1), seulement dix-sept ans. Ainsi l’erreur commune aux
deux académiciens étoit, sous ce seul rapport, à peu près du simple au double.
Goguet est parti de cette supposition, savoir, qua Paris, sur 700000 individus, il
en est 400000 qui donnent des enfans; mais cette hypothèse est purement arbitraire.
Goguet veut encore qu’au bout de quarante ans il ne reste plus que le
tiers des individus nés le même jour; mais cette réduction n’a lieu qu’au bout de
quarante-cinq ans.
Essayons d’établir les vraie's données de la question, afin d’en tirer, s’il est
possible, des conséquences probables.
Si nous connoissions la population de l’Égypte au temps de Sésostris, et l’âge
auquel il fit faire le compte de ses compagnons, nous pourrions en déduire avec
vraisemblance, au moyen de la loi de la mortalité, le nombre des enfans nés le
même jour que ce conquérant. Exemple : pour une population de 2 millions
d’individus, le nombre des naissances annuelles sera de 68244 (2), et celui des
enfans nés le même jour, de 187 : or les tables nous apprennent que de
4o individus des deux sexes nés au même instant il en reste, au bout de vingt
ans, 20; de trente ans, 17 ou 1 8; de quarante ans, 15; de quarante-cinq ans, 13
ou 14. Par conséquent, de 187 individus des deux sexes il en resteroit aux
mêmes époques, savoir : après vingt ans, 93; trente ans, 84; quarante ans, 70;
quarante-cinq, 62.
Posons que Sésostris eut trente ans : 1700 mâles de cet âge, ou environ 3400
individus des deux sexes, supposent 7 7 1 1 personnes nées le même jour; alors le
nombre des naissances annuelles sera de 28 145 15 , et la population sera de plus
de 82000000, trois fois environ autant qu’en France. Si l’on prenoit l’âge de
quarante ans, ce seroit 95000000. Quand même on supposeroit, contre toute
probabilité, que Sésostris n’avoit que vingt ans à l’époque de son expédition, ses
1700 compagnons d’âge supposeroient encore 6800 enfans nés le même jour, et
2482000 naissances annuelles; par conséquent, une population de 72722600
individus.
Maintenant, que l’on fasse toutes les suppositions imaginables : on trouvera
toujours que le nombre de 1700, rapporté par Diodore, est exorbitant et radicalement
impossible. Accordons qu’en Égypte la loi de mortalité ne soit pas la
même qu’en Europe, et que sur quarante individus il en subsiste, au bout de
trente ans, non pas dix-sept, mais jusqu’à trente; qu’en résultera-t-il ! 45 34 naissances
(0 L’égalité entre ces deux élémens existe pour une (2) En adoptant 29,3 pour le rapport de la population
population stationnaire. Voyez les Notes et Éclaircisse- aux naissances annuelles.
mens (G ) .
d e l ’ é g y p t e a n c i e n n e e t m o d e r n e . i i i
par jour, 1654910 par an, et une population de 48488863 habitàns. Non-
seulement cette conséquence excède toutes les bornes, mais la supposition en
elle-même seroit impossible, puisqu’on attribueroit par-là une durée de cinquante-
deux ans à la vie moyenne.
Ainsi, en conservant le passage de Diodore intact, nous tournons dans un
cercle vicieux, d’où il ne seroit possible de sortir que par une conjecture appuyée
sur les conditions du pays et sur la nature des choses. Remarquons d’abord que le
texte est uniforme dans les manuscrits, et qu’ils sont entièrement d’accord avec le
texte de Wesseling; par-tout le nombre est en toutes lettres, "o *U ro v a & ô p ô t
TrAeious r a v %tAÎav xÿ) ( 1 ) ; en second lieu, le nombre des compagnons
de Sésostris excedoit même 1 7 0 0 , vrAe/ouç r a v ; en troisième lieu, ces hommes
étoient nécessairement le reste de ceux qui avoient fait partie des premières
expéditions en Arabie et en Libye; enfin ils furent mis à la tête des divers
corps de 1 armée : ’Etti <Slè rdc, xst-ri /ze'eyç i-yi^oviat eraiji rav <flçy.riarm rou« <n>v\çj-
<povi, k . r. A. Or l’armée, d’après l’auteur, étoit composée de 6 0 0 0 0 0 hommes
à pied, 24000 à cheval, avec 27000 chars de guerre. De ce dernier passage
il résulteroit que les corps de l’armée n’auroient eu l’un dans l’autre que
380 hommes. A la vérité, rien n’empêche d’admettre que l’armée étoit divisée en
fractions aussi petites; mais on n a non plus aucune donnée sur la composition
des troupes Égyptiennes, et l’on ignore entièrement à quoi correspondoit la
division militaire que Diodore appelle ici iyijvcovia.. Supposons des corps de
5000 hommes (2), il eût fallu environ 1 24 chefs pour les commander.
Puisque les compagnons de Sésostris avoient déjà fait partie d’une expédition,
et que par conséquent plusieurs d’entre eux avoient succombé à la guerre ou aux
fatigues, en outre de ceux que la mortalité commune avoit enlevés; puisqu’aussi
Diodore porte à plus de 1 7 0 0 le nombre des survivans, il est de toute nécessité
que la population générale soit calculée sur un terme plus fort. Ainsi les résultats
excessifs que nous avons deja trouves devroient subir encore une augmentation.
La conséquence à tirer de tout ce qui précédé est qu’il faut choisir entre ces
deux partis, ou rejeter entièrement le passage, si curieux d’ailleurs, de Diodore de
Sicile, ou bien chercher à le réduire à des termes possibles.
Une question à examiner est l’âge qu’avoit Sésostris à cette époque de sa vie.
A peine étoit-il entré dans l’âge viril, que son père l’envoya en Arabie, ainsi que
ses compagnons. Il assujettit cette nation, qui n’avoit jamais été soumise; ensuite il
réunit à l’empire la plus grande partie de la Libye : alors il étoit encore très-jeune,
WieAS« via av (3) Dès qu’il eut succédé à son père, il songea à la conquête du
monde. On rapporte, dit Diodore, qu’il y fut poussé par sa fille Athyrte, personne
d une eminente sagacité, a-uvéa-et ttoAu rSv ’¿Mail fia.<péçy\i<rcui.
Consultons ici la nature du climat de l’Égypte. Chez nous, l’homme n’est
adulte qu’à dix-sept ou dix-huit ans et plus tard : sur les bords du Nil cette époque
(1) Diod. lib. I, cap. 54. — Les critiques n'ont fait ici à 6000 fantassins, après avoir été d’abord de 3000 seule-
ni correction ni remarque sur le texte. ment.
(2) On sait que la légion, chez les Romains, fut portée (3) Diod. lib. 1, cap. ¡2.
A . T O M E I I . p