
J’ai dû entrer dans ces détails pour montrer que si, d’une part, le pays renferme
des causes d’accroissement dans la population, de l’autre, il s’y trouve des causes
non moins agissantes de dépopulation ; et je suis fondé à conclure que la considération
tirée de la fécondité des femmes ne doit que foiblement influer sur mon
calcul, qui, se trouvant ainsi également éloigné des excès contraires, doit s’éloigner
peu de la réalité.
A R T I C L E V.
Production et Consommation.
D ’ a p r è s l’exemple des écrivains qui ont le mieux traité de cette matière, il me
reste à apprécier un autre élément de la population de l’Égypte ; savoir, la quantité
de grains qu’elle produit annuellement. Si, avec cette donnée, l’on connois-
soit exactement la partie qui est exportée, on pourroit évaluer ce qui est consommé
dans le pays, et, par suite, le nombre des consommateurs; mais il s’en
faut que la statistique de l’Egypte soit déjà parvenue à ce degré de certitude.
Nous avons observé, pendant notre séjour, que dans les terres communes le blé
rend dix fois la semence : ce rapport, dans les plus fertiles, va jusqu’à quinze ou
dix-huit fois, mais non pas à soixante-dix ou même cent, comme l’ont dit Ammien
Marcellin (i), Pline (z ) et d’autres auteurs; ce que Paucton admet pourtant sans
difficulté (3). Le riz produit, selon les calculs de M. Girard, plus de dix-huit fois
la semence ; mais ce n’est rien auprès du dourah belady [holcus sorgo] : ce grain, qui
ressemble au millet, rapporte jusqu’à deux cent quarante fois. Le dourah est une
seconde providence pour les fellâh; dans toutes les campagnes, sur-tout de la
haute Égypte, on en fait usage pour le pain, bien plus que du blé, dont la plus
grande partie est réservée pour acquitter l’impôt ou le payer en nature, ou enfin
pour le commerce. Je ne parle pas ici des autres grains, ni des différentes productions
qui ne servent qu’à la nourriture des animaux.
Pour ensemencer un feddân, il faut un demi-ardeb de blé, mesure du Kaire, qui
rapporte, terme moyen, 7 ardebs. Les frais de culture de tout genre se paient avec
1 ardeb » : le bénéfice net par feddân est donc de y ardebs.
Le feddân étant égal à ow ,y92 9, l’ardeb à i hec“ ‘-,849, ^ suit f f™ hectare
donne 2 thectoI-,83 de blé, et, tous frais faits, un produit net de 1 yhectoi-,6o.
Cette quantité, à raison de 8 francs l’ardeb (4 ) ou 4 francs 32 centimes l’hectolitre
, représente une somme de 67 francs 4 ° centimes.
Dans la haute Égypte, le produit moyen en blé n’est que de 6 ardebs par feddân;
mais, comme dans la basse Egypte il approche de 8, on peut, ainsi qu’on l’a vu
plus haut, le fixer à 7 pour la masse du pays.
(1) Lib. x x ii . excellent Mémoire sur Pagriculture de l’Egypte, tom. I et
(2) Hist. nat. Iib. XVIII» cap, 10. III de la Décade Egyptienne.)— A Paris, l’hectolitre vaut,
(3) Page 549* terme moyen d’après les mercuriales, environ 10 francs
(4) Mon collègue M. Girard estime ce prix à 21 mé- 90 centimes. ( Voyez les tableaux servant à régler la lidins
seulement, ou 7 francs 50 centimes. ( Voyez son mite légale du taux des grains. )
d e l ’ é g y p t e a n c i e n n e e t m o d e r n e . 1 0 3
J’ai dit que le dourah , nourriture habituelle des hommes de la campagne, don-
noit un produit beaucoup plus considérable ; ce produit est de 10 ardebs par
feddân; de plus, il n’exige qu’un rob’ de semence ou la -24.° partie de l’ardeb. Le
prix moyen de l’ardeb de dourah est de 130 médins; ce qui revient à plus de
2 francs yo centimes l’hectolitre : l’hectare produit donc un peu plus de 31 hectolitres
en dourah; le produit net par hectare est de 1 5 hectolitres -j.
Je m’arrête ici à ces grains nourriciers qui forment, avec les fèves, la base de
la nourriture du peuple et l’objet principal des exportations.
Il reste à évaluer les quantités de terrains affectées respectivement aux différentes
cultures. i.° Dans la haute Égypte, il y a 45 hectares environ sur 100 de cultivés
en blé, 2 y en dourah; le reste en fèves, en orge et fourrages pour les chevaux et
les bestiaux; en.lupin, pois et lentilles, enfin en sucre, coton et autres plantes à
l’usage de l’économie domestique.
2.° Le dourah occupe dans la basse Égypte 6 hectares sur 100; le blé, environ
2y hectares (t) ; le reste est semé en riz, en orge, en fourrages, et l’on y cultive les
autres plantes que j’ai indiquées plus haut, à l’exception de celles qui sont propres
au climat de la haute Égypte.
Ce n’e s f que dans la basse Égypte, et particulièrement dans les provinces de
Rosette et de Damiette, qu’on récolte le riz ; là se trouve en abondance l’eau
nécessaire à sa culture, à un niveau très-voisin de celui du sol. Comme cette
province ne représente guère que le seizième de la superficie de la basse Egypte,
on peut tout au plus, évaluer à 6 hectares sur too la portion de cette contrée
cultivée en riz. Au reste, les élémens relatifs à la culture du riz n’étant pas suffisans
pour asseoir les calculs dont je m’occupe, je dois faire ici abstraction de cette
denrée, ainsi que des autres subsistances végétales (2).
D ’après ces bases, il est facile d’estimer le produit de l’Égypte en grains, avec
une approximation suffisante.
En résumé, j’estime, comme il suit, les quantités de terres cultivées en blé et
en dourah, pour environ 1000 lieues carrées, et leur produit net annuel évalué
un kilogrammes de grain, à raison de 80 kilogrammes l’hectolitre pour le premier,
et de 40 pour le second :
GRAINS.
NOMBRE
d’ h e c t a r e s .
NOMBRE
d’ h e c t o l it r e s .
NOMBRE
DE KILOGRAMMES.
Blé....................... 619OOO.
2380OO.
9656 400 (3 ).
3748500.
772512OOO.
149 9 4 ° OOO.
(1) La quantité cultivée en blé et en dourah paroît portion, doit être comptée pour 3000000, en tout
avoir diminué depuis l’expédition. L’impôt territorial delà 5500000 ardebs, faisant plus de 10 millions d’hectolitres,
haute Egypte, ou myry, en grains, est, selon M. Estève, dont il faut retrancher la semence,
estimé à 365073 ardebs, valeur en orge, faisant 6750200 (2) Telles que lentilles, poisetlupins, IesuCre; ensuite
hectolitres. On compte un ardeb de blé pour 1 7 d’orge, le trèfle, le fenugrec et le guilban pour fourrages, &c.
Or le produit brut est bien de 7 fois le montant de l’impôt, (3) Voyez la note 1 de cette page,
c’est-à-dire 2500000 ardebs. La basse Égypte, en pro-
A . T O M E I I . O