
suivoient les raouvemens de ceux du ciel avec une si grande régularité, que, pour
en donner une idée, Claudien dit qu’elle attira l’attention de Jupiter, et qu’il en
parla dans le conseil des dieux :
Jupiter, in parvo cùm cernent oethera vitro,
R is it , et ad superos talia dicta dédit, & c .
On peut même fixer d’une manière vraisemblable l’époque de cette importation
du verre de l’Egypte dans Rome à cette fête magnifique que Scaurus, beau-
fils de Sylla, donna au peuple* Romain, et dans laquelle il prodigua, pour la
décoration de son théâtre, tout ce qu’il put recueillir de plus précieux, l’or, le
marbre et le verre (i).
Depuis ce moment, cette dernière matière fut désignée sous le nom de vitrant
par tous les auteurs Latins (2), qui donnèrent aussi aux.choses transparentes,
soit solides, soit liquides, l’épithète de vitreus ; lapis vitreus, vitreus Immor oculi,
unda vitrea; et elle fut tellement estimée des Romains, jadis contens de vases
de terre, Lautus erat Tuscis Porsenajîctilibus (3), qu’Auguste, après qu’il eut fait
la conquête de l’Egypte, exigea que le verre fît partie du tribut imposé aux vaincus
: il se composoit de verre, de lin et de froment, sans doute en commémoration
de celui que Sésostris avoit autrefois demandé aux Éthiopiens, et qui
consistoit aussi en trois choses, l’or, l’ébène et l’ivoire.
Cest vraisemblablement lorsque les Tyriens apprirent que le verre avoit la plus
grande vogue à Rome, qu’ils pensèrent à y apporter celui de leurs fabriques ; il
étoit fort beau, suivant Pline; et les pièces qui composoient leur assortiment, et
sur-tout les miroirs, furent très-bien accueillis.
Peut-être, relativement aux miroirs (4 ) , serai-je contredit, soit par ceux qui
pensent qu’alors il n’en existoit encore que de métalliques, pareils à ceux de
cuivre que les femmes des Israélites volèrent aux Égyptiens et qu’on fondit dans
le désert pour en fabriquer un bassin, ou à celui qui, suivant Cicéron, fut inventé
par Esculape fils d’Apollon, ou au miroir d’argent que fit, du temps de Pompée,
un Praxitèle, autre que le célèbre sculpteur de ce nom; soit par ceux qui sont
persuadés que le terme de spécula que Pline a employé, ne désignoit pas des
miroirs, mais bien des vitres.
Je répondrai aux premiers, qu’à la vérité, dans le siècle où- vivoit Pline, on
continuoit à employer des miroirs métalliques, et que même on connoissoit les
différens phénomènes que présentent ceux qui sont ou concaves [ h ] ou convexes,
&c. ; mais qu’il est également certain que les miroirs de verre existoient
(1) Theatrum hoc fu it , cui scena triplex altitudine jô o leurs semblables, dans le cristal d’un ruisseau, dans le
columnarum; imapars scenæ emarmorefuit, media e vitro, poli d’une pierre ou d’un métal : aussi n,e peut-on pas en
(Plin. Hist. nat. Iib. x x x v i , cap. 15 .) fixer l’époque.
(2 ) Excepté par César, qui, dans ses Commentaires, Oculis adeo absoluta vis speculi inest, ut tam parva
entendoit par vitrum le pastel, plante que les femmes illa-pupilla totam imaginem reddat hominis. ( Plin. iib. x i ,
dés Gaulois employoient pour se teindre la peau. cap. 37. )
( 3 ) Martial. Epigramtn, Fons cuique perlucidus aut lave saxum imaginem redd’tt.
(4 ) -La découverte des miroirs appartient à ceux qui, ( Senec.)
les premiers, ont aperçu leur image dans les yeux de
déjà du temps d’Aristote ( i ), puisque ce philosophe, plus ancien que Pline,
disoït que, si les métaux et les cailloux devoient être polis pour servir de miroirs,
le verre et le cristal avoient besoin d’être doublés d’une feuille de métal pour
rendre l’image de l’objet qu’on leur présentoit, et puisqu’Alexandre d’Aphrodisée,
son commentateur, expliquoit pourquoi les miroirs de verre étoient plus resplen-
dissans que les^. autres.
Je citerai aux seconds cette définition d’Isidore, Spécula dicuntur in quibus
feminoe ru/tus suosintuentur (2) ; et.si cette définition ne suffit pas pour les déterminer
à reconnoître des miroirs dans cette phrase de Pline, Speatlis conficiendis non est
aptior alia vitro materia ( 3 ), je leur offrirai cette autre du même auteur, In genere vitri
ctobsidiana numerantur, nigerrimi coloris, aüquando et trahslucidi, crassiore visu, atque in
speculis parielum pro imagine umbras reddente (4); et ils jugeront, sans doute, qu’un
Verre à peu près opaque, appliqué contre une muraille, n’y faisoit pas l’office d’une
vitre, mais bien celui d’un miroir. D ’ailleurs, s’ils avouent que Pline connoissoit
le verre à vitre, ils avouent nécessairement qu’il connoissoit aussi les miroirs
de verre, une vitre devenant miroir aussitôt que le hasard fait trouver derrière
elle un corps opaque; et ne sont-ils pas obligés d’admettre qu’on faisoit du verre
à vitre du temps de Pline, puisque cet auteur; en annonçant qu’il existe en
Arabie une pierre claire et transparente comme le verre, dit que les gens de ce
pays s’en servent comme de vitre, puisque, dans un autre endroit, il dit qu’on est
venu au point d’enchâsser le verre dans les voûtes des temples pour en éclairer
l’intérieur f i ] , et même d’en paver ces mêmes temples !
On desirera, sans doute, savoir qui des Tyriens ou des Égyptiens passoient,
à Rome, pour les plus habiles fabricans de verre.
« Les Tyriens, dit l’auteur des\Recherches sur les Égyptiens et les Chinois,
» n’ont rien exécuté de plus remarquable que certaines colonnes et des cïppes de
» verre coloré qui jouoient l’émeraude, tandis que les Égyptiens ont fait cent
» sortes d’ouvrages plus difficiles les uns que les autres; car, sans parler des coupes
» d un verre porté jusqu’à la pureté du cristal, ni de celles qu’on appeloit aliisontes,
» et qu’on suppose avoir représenté des figures dont les couleurs changeoient
» suivant l’aspect sous lequel on les regardoit, à peu près comme ce qu’on
» nomme gorge de pigeon, ils ciseloient encore le verre et le travailloient au tour,
» tellement que quelques coups donnés trop profondément ( y ) brisoient l’ouvrage
» qui avoit coûté des soins infinis à l’ouvrier; et, lors même que ces sortes de
(1) Je n’assure pas que les miroirs dont parle Aristote (5) Adspicis ittgenium Ni/i, quitus adderepluta
étoient ’très-communs. . . *■' cupit, ah! quoties perdidlt auctor ofus ! (Mart.)
Etoit-il de'verre, ce miroir que l’on conservoit précieu- Frangere dum mentis, fraugis ciystallma rpeccant
sement dans le trésor de l’abbaye de Saint-Denis, parce Secura nimiiim spllîcitaque manus. (Idem.)
qu’on prétendoit qu’il avoit appartenu à Virgile! Sa Clément d’Alexandrie observe que les vases de verre
fragilité semble 1 indiquer : on sait qu’il se brisa entre les qu’on façonne au tour, étant par-là plus disposés à être
mains de Mabillon, chargé de le faire voir-aux étran- brisés, devroient être abandonnés, puisque, si leur beauté
oers* <§ A * invite à boire, leur fragilité fait craindre d’y boire. Mais
(2 ) OrjS ln’ cet auteur ne se rappeloit. pas cette phrase de Pline:
( 3 ^ Hist. nat. p joc argumentum opitm, hæcveraluxutiafgloria existi-
( 4 ) Ibid. Iib. XXXVI, cap. 26. mata est liabere qüod statiin tàitmpetire posset.