
ans y payoient jadis une capitation. Il est vrai que cet impôt y étoit perçu au
moment de l’expédition, mais sur les Chrétiens et les Juifs seulement; on
syprenoit même d’une façon assez extraordinaire pour connoître, à défaut de
registres de naissance, les individus ayant atteint l’âge de douze ans. Ce moyen
consistoit à présenter un anneau de corde sur la tête des jeunes gens : ceux dont la
tête passoit à travers étoient exemptés de l’impôt; reste à savoir si la corde avoit
toujours la même mesure dans les mains de tous les percepteurs. Sous le califat
d O mar, tous les adultes, hors ceux qui étoient indigens ou incapables de travail,
etoient soumis a cet impôt personnel; mais, à mesure que les habitans ont embrassé
1 islamisme, la capitation a été réduite aux seuls sujets non musulmans (i). A
1 époque des Français, le nombre des assignations pour cet objet étoit réduit à
90 mille. Toute autre énumération des habitans étoit inconnue.
Nous sommes donc dans la nécessité de nous en tenir à la base que nous venons
de choisir, sans nous dissimuler cependant l’incertitude dont le calcul est affecté. A
plus forte raison, de simples aperçus sont de bien peu de valeur, ou, pour mieux
dire, ne méritent nulle confiance.
Il résulte de ce que j’ai dit plus haut, 1 que la superficie aujourd’hui cultivée ou
peuplée, défalcation faite des étangs, lacs et sables,monte à 1 500 lieues carrées (2) ;
2.° Que le nombre des lieux habités doit être porté à 3600 : dans ce nombre
ne sont point comprises les villes de 3 à 4000 habitans et au-dessus;
3.0 Que le nombre des habitans peut être estimé 31385 par lieue carrée ( 3 ).
Conséquemment, nous compterons en Égypte, à la fin du xvm.c siècle,
2077500 individus, non compris les habitans des villes.
2 . ° V I L L E S E T C H E F S - L I E U X E N G É N É R A L .
A 1 égard de ceux-ci, nous avons des données dont l’approximation est suffisante.
Le long séjour des ingénieurs ou des officiers de l’armée Française dans chacune
d’elles a permis de savoir à quoi s’en tenir.
La population de Rosette, ville située près de l’ancienne bouche Bolbitme, est
comprise entre 12 « 1 5 mille ames; celle de Damiette est beaucoup plus considérable,
on l’a portée à 20000. La ville qui vient après est Mehallet el-Kebyr, dans
le Delta : nous y comptons 17500; à Alexandrie, 15000; Syout, 12000; Qené,
5000; Girgeh, 7000; Beny-Soueyf, 5000; Medynet el-Fayoum, 5000; Atfyh,
4000; Gyzeh, 3000; Qelyoub, 4500; Belbeys, 3000; Mansourah, 7500; Menouf
et Tant, 15500 (4 ).
En sommant tous ces nombres, et y ajoutant 11750 individus pour les villes
de Minyeh et Meylaouy, on aura, pour le total de la population des chefs-lieux des
provinces, abstraction faite du Kaire, 147750 habitans.
(1) Voyez FAppendice, et ci-après, page 105, note 1.
(2) Voyez ci-dessus, page 92.
(3) La France renferme au moins 1100 habitans par
lieue carrée. Dans les cinq départemens de Fancienne
Normandie, il y en a 1642, d’après le calcul de M. le
colonel Jacotin.
(4) J’emprunte ces résultats à M. le colonel Jacotin.
J . ° L E K A I R E .
Le Kaire est déjà une ville assez considérable, sans y faire entrer, comme on
l’a fait souvent, Boulâq et le vieux Kaire; nous ne considérerons donc ni la superficie
ni la population de ces deux ports de la capitale de l’Egypte.
En mesurant à grands traits de compas le périmètre du Kaire, on trouve environ
13500mètres; mais, si l’on suit toutes les sinuosités de ses murailles, on en compte
à peu près 24000. La superficie enfermée dans cette enceinte est égale à 793 hectares,
environ 2320 arpens. Ce n’est pas le quart de la surface de Paris entre ses
barrières actuelles.
La presque totalité des rues est excessivement étroite, au point que l’on peut
communiquer très-aisément d’un côté à l’autre. Cet usage tient à la grande chaleur
du pays. Ainsi les rues du Kaire enlèvent peu de sa superficie ; le reste est composé
de maisons à plusieurs étages, dans la plus grande partie des quartiers.
Si l’on jugeoit de la population du Kaire par les quartiers du Mousky ou de Bâb
Zoueyleh, on en auroit une idée exagérée. En effet, la foule qui se presse à tout
instant, par exemple, à l’Hamzaoueh, au Khân-khalyl, &c., est telle, qu’on a une
peine extrême à les parcourir; et Paris peut-être, dans aucune de ses rues, n’en
pourroit donner une idée. Peut-être Hârt eI-Yhoudy,le quartier des Juifs, est-il,
encore plus populeux que tous les autres; mais le quartier de Teyloun, celui
de Birket el-Fyl, celui de Qasim-bey, &c., sont beaucoup moins peuplés. Bornons
ici ces remarques, la description spéciale du Kaire étant destinée à renfermer
beaucoup d’autres observations sur les monumens, le commerce et l’industrie
de cette ville.
II y a au Kaire, comme dans toutes les capitales, quelques places publiques, des
jardins, des terrains vagues, et des maisons abandonnées ou en ruine ; on y trouve
encore des places de tombeaux : mais, à tout prendre, il y a beaucoup moins de
ces espaces non habités qu’à Paris. Aussi pourroit-on,sans craindre de se tromper,
comparer ensemble la population et la superficie des deux capitales, pourvu qu’on
choisît dans la ville de Paris les quartiers qui ont le plus de rapport avec celle
du Kaire.
M. le colonel Jacotin a déjà fait ce calcul. En partant de la donnée qui est
fournie par les quartiers du Louvre, de la Halle, de la Banque, des Arcis, de
Sainte-Avoie, du Mont-de-piété, et qui forment les quatrième et septième arron-
dissemens de Paris, il trouve 102692 individus pour une surface de 130 hectares
(1). Mais cette proportion seroit trop forte pour le calcul des habitans du
Kaire, puisque, comme il l’observe lui-même, le nombre des étages est double à
Paris dans les quartiers que j’ai nommés. Réduisant donc le calcul à moitié, on
trouveroit au Kaire une population de 253210 habitans.
Il a été fait une supputation pour l’année 1797, qui porte la population à
300000 habitans, et dont voici le détail :
(1) C’est-à-dire, 790 individus par hectare. — La population moyenne pour Paris entier est de 4*9 habitans par