» employa trois mois au même objet dans la basse Égypte On compta alors plus
» de i oooo villages; le moins peuplé avoit pour le moins 500 hommes payant le
» gizyeh. » Manuscrits Arabes de la Bibliothèque du Roi, n.° 655 , page 216(1).
Dix mille villages, renfermant chacun 500 hommes adultes et en état de payer
la capitation, supposeroient une population totale de près de 14000000, en
comptant toujours les adultes comme âgés seulement de plus de onze ans, et les
femmes comme étant en exces d un huitième seulement. Que seroit-ce en prenant
J époque des adultes a douze ou treize ans! L ’exagération n’est pas moins visible, si
1 on considéré le nombre des villages ou bien le nombre d’hommes faits payant dans
chacun d’eux l’imposition personnelle.
On fera la meme remarque sur le passage précédent. En effet, le nombre des individus
imposes s eleve, selon 1 écrivain Arabe, à 8 millions, et encore les vieillards
n y étoient pas plus compris que les femmes et les enfans. A ne prendre pour l’âge
des vieillards que soixante-et-dix ans et au-dessus, on trouveroit que les 8 millions
d’imposés supposent une population de 2 3 millions. A la vérité, on pourroit à la
rigueur entendre le passage d’une autre façon (2); c’est-à-dire que le nombre qui
s elève a 8000000 n est pas celui des imposés, mais celui des pièces d’or, car il y
a doute pour le sens. Dans ce cas, et toujours à deux pièces par tête, le nombre des
imposes seroit de 4 millions, et la population, de 12 millions et demi. Mais ce
résultat est encore trop au-dessus de celui que nous avons trouvé d’abord, pour
quil soit possible de les concilier ensemble; et l’on reconnoît qu’il s’écarte de
toutes les autres données produites dans le cours de ce Mémoire, quand on remarque
sur-tout que Diodore de Sicile, voulant faire connoître la population qui
existoit de son temps, par opposition avec celle des temps antérieurs, nous dit que
1 Égypte ne comptoit pas moins de 3000000 d’habitans. A moins d’imaginer une
immigration prodigieuse, dont l’histoire ne fait aucune mention, la population
n auroit pas triple ou quadruplé en six ou sept siècles de guerres intestines et étrangères.
L exagération des deux passages Arabes est donc manifeste; mais il n’est pas
impossible que, dans le même intervalle de temps, la population fut montée jusqu’à
4 millions et plus d’individus.
Un passage d Ebn-Haukal, cité par M. de Sacy dans sa traduction d’Abd-el-latyf (3),
porte que, sous el-Mâmoun ou el-Motassem, on proposa de détruire les pyramides
^Égypte, mais que le sultan renonça a ce projet, parce qu’il reconnut que tout
le revenu de 1 Égypte ne suffirait pas à son entreprise. Dans une note de son édition
de Norden à ce sujet (4), M. Langlès s’exprime ainsi, d’après el-Haouqely (5) :
« Les impôts, sous el-Mâmoun ou el-Motassem, étant répartis avec justice et
» perçus avec douceur envers les cultivateurs, ne produisirent, quand le Nil at-
» teignoit 17 coudées 10 doigts, que 4257000 dynârs, à raison de deux dynârs
» par feddân. » M. de Sacy pense que l’évaluation de deux dynârs par feddân est
trop forte, et en effet, la surface cultivée étant de plus de 3000000 d t. Jeddân (6),
(1) Voyez le Mémoire de M. de Sacy, page 54. (5) M. de Sacy attribuant à Ebn-Haukal le récit d’où
ü Ci"deS!US’ page I ’ 3‘ ce Pesage est tiré, il paroitroit qu’il s’agit d’un même
(3) Page 220. auteur.
(4) Tome III, page 291. (6) Voyez ci-dessus, page 91.
ce ne seroit qu’un dynâr et un tiers par chaque feddân. Je pencherais à croire que
l’auteur a voulu dire que l’impôt produisoit 4257000 dynârs, à raison de 2 dynârs
par homme ( et non par feddân) : je me fonde sur tous les autres passages que j’ai
rapportés plus haut. A la vérité, l'impôt dont il s’agit frappant les cultivateurs, il
faudroit l’entendre de la contribution foncière, et non de la contribution personnelle;
mais ce n’est pas là une difficulté, puisque le gizyeh, pour la plus
grande partie, fut converti en kharag ou contribütion foncière (t). Cela posé,
ces 4.257000 dynârs supposeroient 2128500 têtes imposées, et, d’après les
calculs qui précèdent, une population totale de 5912000 ames ; mais on peut
encore regarder ce nombre comme étant très-enflé. Une exagération bien
plus extraordinaire se remarque dans le passage de Maqryzy, qui, citant Hosseyn
ben-Châbi, prétend qu’Alexandrie, sous A ’mroii, avoit 60OÔ00 hàbitarts, sans
y comprendre les femmes et les enfaM, c’est-à-dire, plus d’un million et démi
d habitans. On doit donc être singulièrement en garde contre les assertions de
ces écrivains même les plus judicieux.
Les curieux passages que j’ai empruntés au Mémoire de M, de Saey pourraient
fournir matière à examiner un autre genre de question, savoir : établir quel tt été
le revenu de l’Égypte à différentes époques de son histoire. Mais je navôisà examiner
ici que le revenu produit par l’impôt personnel : je me bornerai donc à faire
remarquer 1 incohérence qui règne entre les données que fournissent les auteurs.
En effet, les revenus du galyeh (ou du gizyeh) varient, entre l’an 587 et l’an 810,
de 3 1000 dynârs à 11400; quant au kharag, on le voit descendre- de 20 millions
de dynârs (taux auquel il montoit, dit-on, Sous Makaukas ) à 14 et à 1 2 millions.
A en croire Maqryzy, tous les revenus de l’Égypte se bornoient à un million de
dynars sous le khalife Mostanser-Billah, et même se réduisoient à 800000 à cause
des non-valeurs ; et enfin, toutes dépenses prélevées,,!! ne r est oit net que 100000 dynars
qui entroient dans le trésor. Plus tard, ce revenu descendit encore plus bas,
et tomba à 5,00000 dynârs. Avant le temps d’Ërnyr el-Djoyouch Bedr Djemaly,
il étoit de 2800000; et sous ce prince (vers 482) il se trouva de 3 100000 dynârs;
sous Afdhal, son fils, il fut évalué à 5000000 (2). Le revenu n’étoit guère moindre
sous Saladin, puisque la solde de l’armée seulement montoit à 3670500 pièces
d’or, non compris un million pour les militaires retirés du service (3).
La conséquence que nous tirai»’ de ces rapproefiemens, c’est que l’écrivain le
moins exagéré parmi ceux que nous avons cités est Abou-l-Mahsen, et que la population,
telfe quon peut la conclure de l’impôt personnel payé à l’époque
d’A ’mrou, est d’environ 4 millions et demi. C ’est d’aïlfeurs évidemment l’époque
du maximum de cette capitation, puisque, dès ce jour, le nombre des individus
exemptes alfa toujours en croissant, a mesure que tes- habitans embrassoient
1 islamisme . cette remarque prouve encore combien les autres supputations sont
exagérées.
(1) Voyez ci-dessus, page 121. les Mémoires sur l’Égypte par M. Étienne Quatremère.
(2) Voyez le Mémoire de M. de Sacy, page 138, et (3) Voyez le Mémoire de M. de S acy, page 14.3,