
arrive à douze ans ; les filles sont nubiles à onze ans. 11 n’y a aucune raison de
croire que les conditions naturelles aient changé. Ainsi Sésostris a pu se marier à
douze ans, et faire à l’âge de dix-sept ans sa première expédition en Arabie.
Treize ans plus tard, sa fille, alors mariée depuis six ans, pouvoit avoir fait preuve
de la supériorité de son esprit. Sésostris, dans ce cas, étoit âgé de trente ans; il
étoit monté sur le trône peu après son retour de Libye ( i ) : ainsi point de nécessité
de donner à ce prince dix ans de plus, comme l’ont fait Goguet et Dupuis,
sans réfléchira la difficulté d’une entreprise qui exigeoit une santé, une vigueur à
toute épreuve, sans songer qu’à quarante ans en Egypte on est aussi mûr et aussi
affbibli qu’à cinquante en Europe. D ’ailleurs, moins les compagnons de Sésostris
étoient avancés en âge, plus alors il devoit en subsister, et moins forte en seroit
conclue la population du pays. Or le calcul fait voir que, pour une population de
six millions d’individus, il devoit rester, des enfans nés le même jour, après trente
ans, 124 mâles. Ce nombre est bien loin de 1700 et plus; mais, quand on suppose-
roit 7 ou même 8 millions, on ne trouveroit que 144 dans le premier cas, et
165 dans le second.
Concluons que Diodore de Sicile, ou les hommes qu’il a consultés, ont grandement
exagéré le nombre des compagnons d’âge de Sésostris, en le portant à 1700 :
or, je le répète, ce nombre devroit être augmenté d’après les paroles mêmes de
l’historien; et il faudroit encore y ajouter les soldats morts dans les expéditions
antérieures (2).
Si l’on pouvoit croire à l’armée de 624000 hommes levée par Sésostris, le
passage d’Hérodote sur les 160000 Hermotybies et les 250000 Calasiries n’auroit
plus rien d’invraisemblable; mais il est difficile d’accorder qu’en temps ordinaire
l’armée Égyptienne régulière fût de 4 > 0000 hommes. Le reste du passage n’est
pas non plus sans difficulté; car Hérodote donne à penser que ces troupes étoient
fournies par dix-huit nomes, et non par les autres ( 3 ) ; il dit, en parlant des nomes
affectés aux Calasiries, que lorsque ces provinces étoient le plus peuplées, elles fournis-
soient 2p 0000 hommes (4) : Outoi Si of vc/y.ol KdActtrigitaii eiVl ytyo/jcevot, ore êm TrAe/Vlouç
èytvéa/ro, mivii ngà eoatn /¿v&icLStç ¿a foZv.
Toutefois supposons un homme de guerre sur douze personnes ( ce qui est peu,
car en général le cinquième des habitans d’un pays est dans le cas' de porter les
armes, et la moitié de ce nombre peut être appelée à servir ) ; il n’en résulteroit
quune population de 49-°ooo. Voudroit-on réduire cette proportion au quinzième,
ce rapport, même en admettant l’armée d’Hérodote, ne produiroit guère
que 6000000 d’individus.
Nous voyons dans Strabon (5) que sur les obélisques des tombeaux des rois on
avoit inscrit le nombre de soldats des anciens rois d’Égypte, et que ce nombre
(1) Les grands travaux qu’il a faits en Egypte, à son re- fait des limites ordinaires, et non pas comme exprimant
tour, ont bien pu absorber vingt ans; on sait qu’il a régné les naissances journalières.
trente-trois ans. (3) Herod. lib. 11, cap. 164, 16 5 ,166. .
(2) On pourroit diminuer un peu de l’invraisemblance, (4) Traduction de Larcher, édition de 1786.
en considérant ce nombre de 1700 individus et plus, nés (5) Lib. x v i l , pag. 816.
le même jour que Sésostris, comme un cas sortant tout-àl
’élevoit à un million d’hommès. Il n’est, pas nécessaire d’insister sur l’exagération
d un pareil récit j cependant Pomponius Mêla l’a reproduit, en disant que par.cha-
cune: des cent portes de Thèbes on faisoit passer i oooo hommes armés. C ’est
une fausse interprétation, du. fameux passage d’Homère ( quoi qu’en dise { t) Isaac
Vossius); car le poëte se borne à dire qu’il pouvoit sortir 200 chais par. chacune des
portes. Ainsi l’exagération n’est pas cette fois l’ouvrage du poëte, elle appartient
aux historiens (2).., .
Quand Tacite parle de 700000 hommes de guerre sous les anciens rois, il
enchérit encore sur Diodore de Sicile; nous sommes donc réduits à-rejeter-cette
partie d un passage classique, si précieux d’ailleurs pour l’histoire -ancienne du pays.
Germamcus, à qui l’on rapportoit ces exagérations, y croyoit-il ! cela n’est pas
vraisemblable. Je sais que de temps immémorial les armées ont toujours, été très-
nombreuses dans l’Orient, que les rois ne marchoient pas sans traîner! leur suite
une grande partie de la population (3); mais l’Égypte n’obéissoit pas à un-régime
despotique, et la police du pays auroit été plutôt détruite que protégée par un
nombre d’hommes de guerre si considérable, aussi inutile contre les ennemis du
dehors que dangereux pour la paix intérieure.
L historien Josèphe n’exagère pas moins quand il place à Avaris, dans une ville
frontière tout environnée de sables, une garnison de 250000 hommes (4).
Cette ville étoit à l’orient de la branche Pélusiaque. Outre la difficulté de
faire subsister une si prodigieuse quantité d’hommes sur un seul point, lorsque
les anciens^ (5) en répartissoient le même nombre dans douze nomes diffé-
rens (6), nest-ce pas là une de ces exagérations qui ont rendu suspect lé témoignage
de Josèphe !
A la vérité, Eusèbe (7) rapporte la même chose; mais c’est sur l’autorité du même
Josephe. Celui-ci ajoute qu’Avaris avoit une superficie d e -1 ooOo aroures : cette
«tendue correspond à un carré de vingt-cinq stades de côté, ou plus de 2000 hectares;
ce qui est suffisant pour loger la prétendue garnison : mais on n’en conçoit
pas davantage l’existence d’une ville aussi grande, située à la porte du désert, sinon
meme au milieu des sables; question que j’aurai occasion d’examiner ailleurs.-
II faut avouer que cet exemple donne peu de confiance dans l’autre passage de
Josèphe, celui où il met dans la bouche d’Agrippa, roi de Judée,que-Æ son tetnpsi\
y avoit en Egypte 75 00000 habitans (8), sans compter ceux d’Alexandrie. N’avons-
nous pas accordé assez en admettant que l’Égypte avoit eu jadis une population
plus que double de celle d’aujourd’hui! Les limites du pays ne s’opposent-elles pas
a ce qu on triple cette population ! Peut-on supposer dans la campagne, et cela partout,
au-delade 2000 et même de 2077 habitans dans une seule lieue carrée! A la
foP om p on. V o y e z les Ahwct (5) Herod. lib. n , cap. 166
et Eclaircissemens (H ). T j- . . ,
/ » tr r (°J ne discute pas ic i le nom dù nome due donne
/-X Vayp? c l GSS^ ’ Tvê j ! ° 7j c Hérodote à plusieurs districrs de l’Egypte, sans avertir de
m i e d N n j D ' o d o r e de Slcd e » “ Chant l'ai- la différence qui «ciste entre les uns et les autres. ■ -
mee de;N,nus et celle des Bac. riens, celles de Sémiratnis, (7) Proepar. n,ar,g. x , cap. ,2.
ctes Medes, & c (g) De Bell. Ju i. lib. 11, cap. 28.
14] Montra Apion. lib. i.
A. T O M E I I . nr
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