On en tira sur-le-champ plusieurs empreintes pour les envoyer en France, et
c’est ainsi que la première copie parvint en Europe : c’est M. le général Dugua
qui l'offrit à l’Institut de France. Quant à la pierre même, elle tomba au pouvoir
des Aiigfafs par une des clauses du traité conclu à Alexandrie, et fut déposée au
British Muséum à Londres. La gravure, qui fait partie du V.c volume des planches
d’antiquités, a été exécutée avec le soin le plus attentif et le plus minutieux:
l’inscription intermédiaire et l’inscription Grecque, d’après deux soufres rapportés
par M. Raffeneau; et l’inscription hiéroglyphique, cl’après l’empreinte en
plâtre que M. Jomard en a prise à Londres en 1815. Plusieurs années ont été
consacrées à ce travail.
La découverte de ce monument éveilla au Kaire l’attention des membres de
l’Institut d’Égypte et de la Commission des sciences et arts, d’autant plus qu’on
avoit lu dans les dernières lignes du grec qu’une pierre semblable devoit être
déposée dans chaque temple de l’Égypte. Et en effet, environ un an après [à la
fin de septembre 1 800 ( 1 )] , M. Caristie, ingénieur des ponts et chaussées, découvrit
dans une mosquée du Kaire nommée Gâma Emyr Khour ou Nâsryeh ( du
nom du quartier où elle est située ) une pierre de granit noir, formant le seuil
d’une porte de la mosquée. Il y reconnut aussi trois inscriptions en caractères
différens. Le général en chef Menou permit que la pierre fut enlevée et transférée
à l’Institut.
Cette pierre étoit fendue et séparée dans la moitié de sa longueur : ses dimensions
étoient de 6 pieds de hauteur, 1 y pouces (2} de largeur et 1 1 pouces d’épaisseur;
le granit, d’un grain très-fin. La première inscription ou la supérieure étoit
en caractères hiéroglyphiques, composée de 26 lignes encadrées. La seconde étoit
en caractères semblables à ceux dont les enveloppes de momies sont quelquefois
couvertes, et que l’on soupçonnoit être l’écriture cursive ou vulgaire des Egyptiens ;
on y comptoit aussi vingt-six lignes. La dernière inscription étoit en grec et avoit
soixante-et-quinze lignes. Malheureusement les caractères des trois inscriptions
étoient très-altérés et presque tous illisibles. A la partie supérieure de cette pierte,
aussi fracturée, étoit sculptée une aile déployée, comme celles des globes ailés qui
se voient sur les frontispices des temples Égyptiens ; ce symbole ornoit donc le
haut de la pierre : au-dessous, on reconnoissoit plusieurs des personnages qu’on
remarque ordinairement dans les processions Égyptiennes. Elle étoit évidemment
du même genre que la pierre trouvée dans le fort de Rosette, et plus grande ; mais
à peine pouvoit-on y déchiffrer quelques mots de suite. On reconnut cependant
qu’elle appartenoit au temps des Ptolémées Ce monument est reste dans le palais
de Hasan-kâchef, où l’Institut tenoit ses séances.
Un troisième monument de la même nature a été découvert à Menouf; comme
il a été décrit par M. Jollois dans le Voyage clans l ’intérieur du Delta, nous renverrons
à cet écrit, qui se trouve parmi les Mémoires à’Etat Moderne, t. II, p. y i.
( i ) Courrier de l"Egypte, n.° 108.
(2 ) Ou plutôt 25 pouces: mon journal de voyage porte 2 pieds d e large sur 5 de haut.
Feu M. Raige, secrétaire interprète du Gouvernement pour les langues Orientales
et attaché en cette qualité à l’expédition d’Égypte, avoit consacré plusieurs
années à l’examen de l’inscription intermédiaire de la pierre de Rosette. Sa mort,
arrivée en 1810 , a suspendu ce travail, que l’auteur avoit le dessein d’introduire
parmi les Mémoires d'antiquités. D ’après les premiers résultats qu’il avoir obtenus,
il proposa de faire graver au trait, séparément, tout le texte de cette inscription,
afin d’en rendre l’étude plus commode. Cette proposition fut adoptée, tant dans
l’intérêt de la science que pour servir au mémoire préparé par cet orientaliste. En
effet, malgré le soin extrême apporté à la gravure au fini de la pierre de Rosette
( voyez Ant. vol. V, pl. y i , y 2 et y y ), une gravure au trait ( espèce Atfac si/mle
sans ombres ) devoit présenter quelque chose de plus net encore, et de moins
sujet aux incertitudes de la lecture, attendu que l’original est fracturé en plusieurs
endroits, et qu’on avoit imité,scrupuleusement dans le dessin fini tous les acci-
dens de la pierre.
En conséquence, l’inscription a été gravée dans le format petit in-folio, en
seize planches, destinées à être annexées au texte, et renfermant chacune deux
lignes de l’inscription : chaque ligne est coupée en quatre ; l’auteur a fourni lui-
même l’indication de ces coupures, de manière à correspondre, selon lui, à la fin
d’un mot : c’est ce travail qui est sous les yeux du lecteur. La Commission regrette
de ne pouvoir joindre à ces planches que l’alphabet et non les recherches de
M. Raige : les manuscrits qu’il avoit laissés ne sont pas à sa disposition. L ’alphabet
lui-même est incomplet, et il contient quelques erreurs; il n’étoit pas sans doute
arrivé au point d’exactitude que l’auteur croyoit pouvoir atteindre : au reste, il
diffère de celui qui a été publié par feu M. Akerblad. Toutefois la Commission
a pensé qu’elle ne devoit pas priver le public de cette collection de planches, gravées
depuis long - temps, et qui sont propres à faciliter l’étude d’un des monumens
les plus précieux de l’antiquité Égyptienne.