
creux, de manière que la partie la plus saillante est dans le plan du mur, on trouve
encore quelques lettres de ces mêmes inscriptions vers le milieu des figures et de
leurs membres. Il y a aussi des signes hiéroglyphiques peu visibles, qui semblent
mêlés et confondus avec d’autres inscriptions Grecques ; ces inscriptions ont
été entaillées manifestement, et ont fait place aux hiéroglyphes, aux figures colossales.
Cette circonstance me parut si extraordinaire, aussitôt que je l’eus remarquée,
que je voulus la faire constater sur-le-champ par mes compagnons de
voyage, notamment par feu M. Lancret et par M. Fourier; tous reconnurent que
les inscriptions étoient interrompues, coupées et effacées par les sculptures du style
Égyptien (i).
Ainsi voilà des inscriptions Grecques antérieures à la sculpture d’une partie
du pylône, et ce fait est indépendant de toute espèce de conjectures et d’explications
; mais, quand on y réfléchit un peu, on ne tarde pas à se rappeler les
divers passages historiques qui attestent que les Ptolémées ont exécuté en Egypte
des ouvrages d’une certaine espèce, et que les premiers d’entre eux ont protégé
l’antique religion. Assurément leur intérêt y étoit engagé, et l’on conçoit qu’un
monument comme celui de Philæ, qui étoit honoré par les hommages de tous
les temps, comme recélant le tombeau d’Osiris, qui étoit en quelque sorte un
lieu de pèlerinage pour les voyageurs, a dû attirer les regards de ces rois. Quelques
sculptures de la grande porte étant demeurées incomplètes, ainsi qu’il est arrivé
à d’autres monumens, et de même qu’on le voit souvent dans nos édifices modernes,
qu’y a-t-il de surprenant qu’un roi Lagide en ait complété la décoration
dans le style des parties terminées, et en employant les artistes du pays !
Les sculpteurs ont rencontré des inscriptions que des voyageurs Grecs, avant
cette époque, avoient pieusement tracées sur les murs, et ils les ont fait en
grande partie disparoître sous leur ciseau : ce qui en est resté ne pouvoit consister
qu’en de légers traits, presque imperceptibles sur des;, figures de quinze pieds de
haut et d’un relief profond ; c’est pour cela qu’ils n’ont pas entièrement disparu.
Dans tous les autres temples de l’Egypte, il est également resté quelques endroits
dépourvus de sculpture ; ce qui s’explique facilement par l’immensité du travail
qu’entraînoit le système d’une décoration complète. A Philæ, comme ailleurs,
on avoit commencé par le haut la sculpture du pylône; elle fut peut-être
interrompue à l’époque de quelque événement politique) et la dernière rangée
ne fut pas entièrement sculptée. C’est là que, dans la suite, des voyageurs Grecs
vinrent écrire leurs noms sur une muraille encore lisse, et dans une partie où il
n’étoit pas très-difficile d’atteindre.
Il reste à connoître sous quel prince ont été tracées les inscriptions, et l’on
pourra conclure à quelle époque la plus éloignée remonte l’achèvement de cette
petite partie de la décoration du temple. Toutes ont le même objet et le même
sens : ce sont des hommages rendus à la déesse Isis. La même formule règne
dans toutes :.¡™
S O U S T E L R O I , T E L E S T V E N U H O N O R E R LA G R A N D E D É E S S E , &C.
( i ) Voyez la pl. 6, A . vol. I , où l’on a figuré un exemple de ces inscriptions. Voyez aussi la pl. A , vol. V.
Ce
Ce qui subsiste de ces caractères, comparé à différentes inscriptions, se rapporte
à Ptolémée Evergète, plutôt qu’à aucun autre prince : c’est ce qu’on verra
dans la deuxième partie. Si elles étoient postérieures, il seroit.fort difficile de
soutenir notre, opinion ; mais tout est d’accord, si l’on admet qu’elles sont du
commencement de son règne. Ce prince, connu par ses' bienfaits envers les
Egyptiens, et qui avoit lui-même fait revenir de Perse les statues de leurs dieux
enlevéesjpar Cambyse, doit peut-être cette réputation, et son nom même, à sa
piété envers ces mêmes dieux. Son exemple a nécessairement entraîné beaucoup
de ses-sujets Macédoniens, et son règne a dû voir beaucoup de ces religieux
pélerinàges dans l’île de Philæ (i). Dans la suite/quelqu’un de ses successeurs,
Philométor peut-être, sous le règne 'duquel on a renouvelé beaucoup de dédicaces
et fait des réparations [voyez la pierre d e‘Rosette);; a mis à honneur de
donner la dernière main à un temple comme celui de Philæ. Les artistes Égyptiens
n’étoient pas alors tellement inhabiles, qu’ils ne pussent sculpter quelques
figures d’après des modèles établis, et les prêtres si ignorans, qu’ils ne pussent
copier quelques phrases hiéroglyphiques.
Mais Je génie qui avoit présidé jadis à l’érection des grands monumens,
avoit éteint son flambeau. La puissance de Thèbes n’étoit plus, et l’on ne savoit
plus élever de grands obélisques : on ignoroit même, sans doute, quelle relation
devoit exister entre ces aiguilles et les divers genres d’édifices, dans le système
de l’architecture ancienne. Je pense donc que l’on éleva alors de petits obélisques
en grès à l’extrémité des temples de Philæ, que l’on fit dans le reste de l’île
plusieurs travaux analogues dans le style Égyptien, et que ces travaux furent
1 ouvrage tant de Ptolémée Evergète que de ses successeurs.
A là vérité, l’on pourroit hasarder une autre explication du fait que j’ai observé,
et dire que, le pylône étant terminé et sculpté, l’on y appliqua un enduit sur
lequel, dans la suite, les voyageurs Grecs écrivirent des inscriptions; que cet
enduit se brisa et tomba, et qu’il emporta avec lui la plus grande partie de ces
caractères Grecs dont nous voyons le reste aujourd’hui.
Mais cette supposition seroit toute gratuite. Personne, en effet, n’a vu d’enduit
sur cet édifice. On remarque deux sortes d’enduits sur les anciens monumens
d Egypte: le premier, dans lés tombeaux et les hypogées, et même dans l’intérieur
de quelques temples, où, pour peindre les figures, on appliquoit un stuc fait
de plâtre fin et préparé; l’autre, plus moderne et fait en chaux, a été appliqué
par les Chrétiens. Ils effàçoient par cette couche les figures Égyptiennes, et
peignoient par-dessus des images de la Vierge et des Saints. Or l’enduit que l’on
supposerôit dans. ee cas, n’est sûrement pas l’ouvrage des Chrétiens, si les inscriptions
sont du temps de Ptolémée Evergète. Ce n’est pas non plus un enduit
semblable a celui des anciens Égyptiens; car on n’en a jamais vu sur l’extérieur
des temples, et il n’auroit eu aucun objet dans les parties basses des grands
(i) Cette idée ne contredit point ce que j’ai dit- plus monumens d’Égypte. II s’agit ici de celles que traçoient
haut (pag. + ) , ' qu’avant ' le sixième Ptolémée, les rois les particuliers, et non pas de celles qui-étoient faites
Grecs n avoient point osé graver d’inscriptions sur les au nom des rois eux-mêmes. 4