quences qui en découlent naturellement. Je me propose ensuite de former quelques
rapprochemens entre ces témoignages et l’état actuel des lieux, et, sur ces deux
ordres de faits ainsi rapprochés, sur le dernier sur-tout, d etayer quelques
recherches et de nouvelles -explications. Si j’essaie de faire parler ces monumens
muets et mystérieux, c’est seulement par letude de leur composition, de |eur
forme, de leurs proportions, de leur distribution intérieure ; cest la seulement
qu’on peut espérer de puiser quelques lumières, puisqu’on n’a pas même la ressource
de pouvoir consulter les inscriptions hiéroglyphiques. Pas un caracteie,
pas une figure, n’ont été vus sur la p r e m i è r e pyramide, ou dans les salles intérieures
et ses diverses galeries. Il en est de meme de toutes les autres; et ce fait
singulier, qui nous prive du témoignage même des Égyptiens, et delà foible lueur
qu’on auroit pu en faire jaillir, nous livre a nos seules méditations : comme si
leurs auteurs avoient craint que ces monumens ne fussent pas assez mystérieux, et
que l’écriture sacrée ne révélât un jour le secret de leur destination ! Ainsi, forme,
disposition, décoration, tout,dans ces édifices, difîerôit de l’architecture qui flo-
rissoit à Thèbes : jusqu’aux signes du langage en ont été bannis.
Ce n est pas encore assez du silence de l’histoire et de celui des pyramides :
Homère ne les a pas même nommées, et cependant il a fréquenté l’Égypte, et
Thèbes est célébrée dans ses chants. On se demandé la cause de son silence sur
ces prodigieuses bâtisses, puisqu’il n’est pas possible de supposer un seul instant
qu’elles lui soient postérieures. Tout semble donc une énigme dans les pyramides.
En observant le s p h i n x qui est entre elles et le N il, les Grecs ont dit souvent
peut-être, dans leur langage de fictions, qu’il étoit là pour proposer aux passans et
aux étrangers cette énigme à deviner : les lecteurs verront bientôt que lui-meme
en est une offerte à leur sagacité, et non la moins intéressante à résoudre.
Laissant pour le moment la question de savoir si les pyramides étoient des
tombeaux, ou des constructions ordonnées par la politique, ou des monumens
scientifiques, je passe aux témoignages des auteurs. J’examinerai ceux-ci successivement,
en les comparant aux monumens et aux lieux, sous le rapport de leur
construction et de leur histoire ( i ).
§. I ."
Examen des Auteurs Grecs et Latins.
I.° H É R O D O T E .
C h ÉOPS fit d’abord fermer tous les temples, et prohiba toute espèce de sacrifices. Ensuite il condamna
les Égyptiens indistinctement à des travaux publics : les uns furent contraints à tailler des pierres dans les
carrières de la chaîne Arabique, et à les traîner jusqu’au N il ; d’autres à recevoir ces pierres, qui traversoient
le fleuve sur des barques, et à les conduire dans la m ontagne du côté de la Libye. C e n t mille hommes relevés
tous les trois mois étoient continuellement occupés à ces travaux ; et dix années , pendant lesquelles
(i) Dans un Appendice placé à la fin de cet-écrit, il forme, enfin des tuniques trouvées dans les anciens tom-
sera question des mesures de la grande pyramide prises beaux de Memphis.
par Greaves, de son socle, de l’abaissement de sa platele
peuple ne cessa d’être accablé de fatigues de tout g e n r e , forent employées à faire seulement un chemin
pour voiturer les pierres, ouvrage qui ne paroît pas inférieur même à l’élévation d’une pyramide. L a longueur
de cette chaussée étoit de cinq stades , sa largeur de dix o rg y ie s , et sa hauteur, dans la position où
elle est le plus relevée, de huit; elle étoit recouverte en pierres polies * ornées de divers dessins sculptés.
D ix années furent donc employées à cette construction et à celle de plusieurs chambres souterraines,
ménagées dans la colline où sont élevées les pyramides. C e s souterrains étoient destinés par ce roi à sa
sépulture, qu’il avoit placée dans une île formée par un canal tiré du fleuve : la construction de la pyramide
qui porte son nom coûta v ing t autres années de travaux. C e tte pyramide est quadrangulaire , et chaque
face a huit plèthres de lo n g sur une hauteur égale ; elle est toute revêtue en pierres polies , ajustées avec
le plus grand soin, et aucune de ces pierres n’a moins de trente pieds. ( Hérod. liv. u , chap. C X X iv ,
traduction de A4 . A iiot. )
D ’après le procédé employé dans la construction de la pyramide, ses faces représentoient d’abord un
escalier eh forme de gradins. Quand elle eut été achevée sur ce p lan, et qu’il fut question de la r e v ê tir ,
on employa , pour élever successivement les pierres qui devoieilt servir à ce revêtement, des machines
faites en bois d’une petite dimension. U n e de ces machines enlevoit la pierre du sol même, et la trans-
portoit sur le premier rang de gradins ; lorsqu’elle y étoit parvenue, une autre la portoit sur le second,
et ainsi de suite : soit qu’il y eût autant de machines que de rangs de gradins, soit que ce fût la même
machine q u i, facile à déplacer, servît au transport de toutes les pierres, comme l’un et l’autre m’ont été
d it , je dois les rapporter. D e cette manière, on commença par le revêtement de fa partie supérieure,
et l’on continua de travailler en descendant pour finir à la partie inférieure qui touche le terrain. Sur une
des faces de la pyramide, on a marqué en caractères Egyptiens la quantité de raves , d’oignons et d’aulx
qui ont été consommés par les ouvriers ; et si je me rappelle bien ce que mon interprète m’a dit en me
traduisant l’inscription, la dépense pour ces seuls alitnens a été de mille six cents talens d’argent. En
supposant que tout ait été dans le même rap p o r t, quelfe a dû être la dépense pour les autres o b je ts , tels
que le for, le pain et les vêtemèns des ouvriers ! et cela dans l’espace de temps pendant lequel j’ai dit
que ces travaux ont duré , indépendamment de celui qui a été employé à tailler les pierres, à les cond
u ire , e t à creuser les canaux; temps q u i, suivant mon o p in io n , a dû être encore assez long. ( Ibid.
chap. c x x v . )
O n m’a assuré qu’ayant formé le projet de laisser après elle un monument sous son propre nom , la
fille de Chéops avoit ex igé que chacun de ceux avec qui elle avoit eu commerce lui f î t don d’une pierre
propre à être employée dans les ouvrages qui s’exécutoient alors , et qu’elle avoit fait élever avec ces pierres
la pyramide qui se trouve au milieu des trois, en face de la grande. Les côtés de cette petite pyramide ont
chacun un plèthre et demi de long . ( Ibid. chap. c x x v i . )
L e s prêtres Egyptiens disent que Ch éop s régna cinquante a n s , et qu’après sa mort l’empire passa
dans les mains de son frère Chéphren. II suivit les principes de celui auquel il succédoit, e t , entre autres
choses qu’il fit à son exemple , il éleva aussi une pyramide, q u i, cependant, n’égale pas la grandeur
de l’au tre , comme nous pouvons l’assurer après en avoir pris nous-même la mesure. EUe n’a point non
plus de chambre souterraine, ni de canal tiré du N i l , se déchargeant dans l’intérieur, comme il en existe
pour la première un dont les eaux, amenées du fleuve par'des conduits en maçonnerie , coulent autour
de l’île où l’on dit que le tombeau de Chéops est placé. C e tte seconde pyramide, élevée dans le voisinage
de la g ra n d e , et plus basse de quarante pieds, repose sur une première assise de pierres d’E thiopie,
variées de diverses couleurs. L ’une et l’autre , au surplus, sont situées sur un monticule qui peut avoir à
peu près cent pieds d’élévation. Chéphren régna cinquante-six ans. ( Ibid. chap. CXXVII. )
L a haine que ces deux rois ont inspirée aux Égyptiens est te lle , qu’ils ne veulent même pas en p ro noncer
les noms, et qu’ils appellent les pyramides élevées par l’un et par l’autre les pyramides du pâtre
P h iliton , du nom d’un berger q u i, à l’époque de leur construction, faisoit paître ses troupeaux dans
les environs. ( Ibid. chap. c x x v i l l . )
Après C h ép hren, Mycérinus , fils de C h é o p s , régna. . . . (Ib id . chap. c x x i x . ) II éleva aussi une
pyramide, mais beaucoup plus petite que celle de son père : elle est quadrangulaire, chaque côté ayant
trois plèthres moins vingt pieds ; et jusqu’à la moitié de sa hauteur elle est construite en pierre d’Ethiopie.
C ’est la pyramide que quelques Grecs appellent la pyramide de la courtisane Rhodope ; mais cette
opinion est sans fondement. I l faut même que ceux qui l’ont avancée n’aient pas bien connu ce qu’étoit
Rhodope; autrement ils ne lui auroient pas attribué une dépense q u i, si l’on peut s’exprimer ainsi, s’est