mides, auroit grand besoin d’éciaircissemens ; mais l’histoire n en fournit aucun.
Qu’un simple berger ait donné son nom à de pareils monumens, n’est-ce pas
une de ces historiettes qu’Hérodote avoit en vue quand il avertit, une fois pour
toutes, qu’on les lui a contées, et qu’il n’en garantit pas 1 exactitude!
Passons à la t r o i s i è m e pyramide, ouvrage de Mycérinus, fils de Chéops :
elle étoit beaucoup plus petite que celle de son père; chaque côté avoit, dit l’historien
( suivant le nouveau traducteur ), 3 plèthres moins 20 pieds (1). Mais
M. Larcher traduit ainsi : « [] laissa une pyramide. . . . beaucoup plus petite que
» celle de son père, ayant 20 pieds de moins, et chacun de ses côtés, 3 plèthres
» de large (2). » Or j’ai trouvé io om,y à la base, ou 3 plèthres un quart, et
J3 mètres environ de hauteur, ou 172 pieds Égyptiens. Ainsi ces dimensions ne
s’accordent bien ni pour la hauteur ni pour la base de la pyramide; mais il est
évident que la différence de 20 pieds est beaucoup trop petite. J’ai proposé
ailleurs de lire 42° pieds ; ce qui est la différence exacte des bases ( 3 ).
Il ajoute ( et Strabon est d’accord avec lui ) qu’elle étoit construite en pierres
d’Éthiopie jusqu’à la moitié de sa hauteur; on peut entendre ici revêtue. On a
vu plus haut que des blocs de granit étoient encore en place, et quun grand
nombre d’autres gisoient tout autour de l'édifice. L’emploi du granit dans la
construction est donc un fait incontestable. Ce qu’Hérodote a vu et bien vu a
cependant été contesté par Greaves, qui, apparemment, ne s est pas assez approché
de la pyramide. La dépense de ce travail étoit estimée à une somme très-
haute par Hérodote, puisqu’il rejette par ce motif (entre autres raisons ) la tradition
accréditée chez quelques-uns, que la pyramide étoit l’ouvrage d’une certaine
Rhodope, Thrace de nation; il accorde cependant qu’elle avoit amassé en
Égypte d’immenses richesses, mais bien au-dessous des milliers de talens que, selon
lui, cet ouvrage avoit coûté (4 ). Cette courtisane, jadis esclave, étoit d’ailleurs
contemporaine d’Amasis, c’est-à-dire que son époque appartient aux derniers
temps de l’empire Égyptien.
2.° D I O D O R E D E S I C I L E .
Son huitième successeur (d e Remphis, fils de Protée) fut Chemmis, né à Memphis, q ui régna cinquante
ans. C e fut lui qui fit élever la plus grande des trois pyramides, qu’on met au rang des sept
merveilles du inonde. Elles sont du côté de la Liby e , à six vingts stades de Memphis, et à quarante-
cinq du Nil. Elles étonnent tous ceux qui les voient par leur hauteur et leur beauté (5). La base de
la plus grande est un carré dont chaque côté est de sept cents pieds. La pyramide en a plus de six cents
d e hauteur. Ses quatre faces diminuent en s’élevant, de telle sorte qu’elles ont encore six coudées de
élévation de 132 mètres; ce qui donnoit pour différence (3) Voyer^ Mémoire sur le système métrique des
avec celle de la p r e m i è r e , i2m,3 [environ 4° pieds anciens Egyptiens, A . M . tome I .tr, page527.
Egyptiens ] : mais cette élévation est trop petite, et la (4) Une infinité, dit Hérodote, si ton peut s'expri-
différence trop grande. - mer ainsi. Quand ce ne seroit que 10000 taJens attiques,
(1) Voyez la traduction de M. M io t, qui a suivi la la dépense auroit été de 55,000,000 de notre monnoie:
le ç o n de Schweighæuser. mais cela est exagéré, le pied cube de granit ne valant,
(2) M. Larcher croyoitle texte altéré; le voici : üt/gjtr même aujourd’hui en France, que 200 francs environ,
/jùJit éè xsù isu7if ¿TtihÎTtiio nîMor ixâffffo w mtlçjç, €iX6o7 mis en place, ou le metre cube, 5834 fi"ancs.
vnJüv KalaJïovoar, xa\orexatrlor netay tâifyoer, iovmç ’¡i'I&l- ( 5) Le texte grec dit l’industrie, le travail manuel,
yairov ( H e ro d . lib. I l , cap. CXXXIV ) . X et^ vpy*ci'
largeur au sommet qui les termine. E lle est construite tout entière de pierres très-difficiles à travailler,
mais aussi d’une durée éternelle ; car , bien q u ’il y ait aujourd’hui mille ans, à ce qu’on dit, que la pyramide
subsiste, et que d’autres même assurent qu’il y en a trois mille quatre cents, elle s’est conservée jusqu’à
nos jours sans être endommagée en aucun endroit. O n avoit fait venir les pierres du fond de l’Arabie ;
e t , comme on n’avoit pas encore l’art d’échafauder, on dit qu’on s’étoit servi de terrasses pour les élever.
Mais ce qu’il y a de plus incompréhensible dans cet ouvrage, est qu’étant au milieu des sables on n’aperçoit
aucune trace ni du transport ni de la taille des pierres, ni des terrasses dont nous avons parlé; de
telle sorte q u il semble q ue, sans emprunter la main des hommes, qui est toujours fort lente, les dieux
ont placé tout-à-coup ce monument au milieu des terres. Quelques Égyptiens apportent une explication
de cet effet aussi fabuleuse et plus grossière que celle-là : car ils disent q u e , ces terrasses ayant été faites
d’une terre pleine de sel et de nitre, le fleu v e , en se débordant, les a fait fondre et disparoître sans le
secours des ouvriers. C e la ne sauroit être vrai; et il est bien plus sensé de dire que les mêmes mains qui
avoient été employées à apporter ces terres, furent employées à les remporter, et à remettre le sol dans
le même état qu’il étoit auparavant; d’autant plus qu’on dit que trois cent soixante mille manoeuvres ou
esclaves furent occupés près de vingt ans à ce travail.
A Chemmis succéda son frère C ép h ren , q ui régna cinquante-six ans. Quelques-uns disent pourtant que
Chemmis avoit laissé le royaume, non à son frère, mais à son fils nommé Ckabruis ( ou Chabiyis ). Mais
tout le monde convient que son successeur, quel qu’il soit, ayant voulu imiter sa magnificence, éleva la
seconde pyramide, aussi bien faite que la première, mais un peu moins grande, vu que les côtés de la
base n avoient qu’un stade [o u 625 p ied s ] de longueur. O n a marqué sur la grande pyramide la somme
d’argent qui a été employée en légumes pour la nourriture des ouvriers; elle passe seize cents talens.
La plus petite est sans inscription, mais on a creusé un degré dans un de ses côtés. Q uoique ces deux rois
les eussent fait faire pour leur servir de sépulture, aucun des deux n’y a pourtant été enseveli : car les
peuples, irrités des travaux insupportables auxquels ils avoient été condamnés et des autres violences de
ces deux rois, jurèrent qu’ils tireroient leurs corps de ces monumens pour les mettre en pièces. Les deux
rois , qui en furent informés, recommandèrent à leurs amis de déposer leurs corps après leur mort dans des
lieux sûrs et secrets.
Après eux régna M y cérinus,'qu e quelques-uns nomment Chérinus, fils de C hemmis, qui avoit élevé
la première pyramide. C e lu i- c i, ayant entrepris d’en faire une troisième, mourut avant l ’entière exécution
de son dessein. M ais, comme elle étoit déjà commencée, les côtés de la base avoient trois cents pieds,
et les faces, jusqu’à la quinzième assise, étoient de pierres noires semblables à la pierre de Thèbes ( le
granit Thébaïque ). T o u t le reste devoir être de la même p ierre que les autres pyramides. C e tte troisième
auroit é t é , comme on voit, plus petite que les deux premières ; mais elle les surpassoit déjà par le choix de
la pierre et par la beauté du travail. L e nom de Mycérinus est écrit sur la face qui regarde le septentrion. . .
(Histoire universelle, liv. 1 , §. 6 3 , traduction d eT e r ra s so n , t. I , p. 1 34--* 3 7 ; Paris, in-12, 1737 )
II y a trois autres pyramides dont les basés ont leurs côtés de deux cents pieds. A la grandeur
près , elles ressemblent assez aux autres. Elles furent bâties, d i t - o n , par les trois rois précédens pour la
sépulture de leurs femmes. O n convient que ces ouvrages sont au-dessus de tout ce que l’on voit en
E g yp te , non-seulement par la grandeur d e la masse et par les sommes prodigieuses qu’ils ont coûté , mais
encore par la beauté de leur construction. E t les ouvriers qui les ont rendues si parfaites sont bien plus
estimables que les rois qui en ont fait la dépense, car les premiers ont donné par-là une preuve mémorable
de leur génie et de leur adresse ; au lieu que les rois n’y ont contribué que par les richesses qui leur avoient
été laissées par leurs ancêtres, ou q u ’ils extorquoient de leurs sujets. Au reste, ni les historiens, ni les É g y p tiens
mêmes, ne sont d’accord sur l’article des pyramides : car la plupart leur donnent pour auteurs les rois
que nous avons nommés; mais quelques-uns les mettent sous d’autres noms, et ils disent que la première
est d’Armæus (ou A rm ais ), la seconde d’Ammosis, et la troisième d’Inaron. D ’autres disent que cette
troisième est le tombeau de la courtisane R h o d o p e , et que des gouverneurs de province, ses amans,
l’avoient fait élever pour elle à frais communs. [Ibid. pag. 138- 139. )
Nous voyons pour la première fois le nom de merveilles du monde attribué
aux pyramides par Diodore de Sicile: « On y admire, dit-il, le travail et l’in-
» dustrie, •xtiçsv^yia., autant que la grandeur de la construction. La plus consi