
fabuleuse et de grossière ) du mode suivi pour la construction des pyramides, c est-
à-dire, l’emploi des terrasses pleines de sel et de nitre, dissoutes après la fin de
l’ouvrage par l’irruption du Nil ( i ). II est vrai cju il ajoute, d api es une autre
tradition, crue le fleuve ne pouvoit selever au niveau de ces édifices. On expli-
quoit aussi l’absence de tout vestige de construction, en disant que les briques des
massifs dont on setoit servi pour les élever avoient été distribuées entre les habi-
tans pour bâtir leurs maisons.
Pline est le seul auteur qui nous ait parlé du puits de la g r a n d e pyramide;
ce piiits «recevoit, disoit-on, les eaux du fleuve. » Flumen illo admissum arbitrantur.
Sa profondeur étoit de 86 coudées; ce qui correspond à 39“ 8. J’ai déjà eu occasion
de parler de la possibilité d’admettre ce fait quant à la mesure (2); mais j’ai fait
remarquer en même temps que le puits actuel, celui qui est connu des voyageurs,
paroît trop étroit pour qu’on y reconnoisse celui des anciens. A l’égard de la
surface de 8 (ou plutôt 28) jugères que Pline attribue à la pyramide (amplissima
octo jugera obtinet soli ), et de la mesure des bases de chacune des trois principales,
savoir, 883 pieds, 737 pieds et demi, et 363 pieds, c’est un point dont
j’ai traité suffisamment dans un ouvrage spécial, où je crois avoir démontré
l’exactitude de ces nombres (3). En général, et c’est une remarque que l’on a
souvent occasion de faire, il paroît que Pline a possédé des documens particuliers,
des renséignemens précis et authentiques pour ce qui regarde les distances
des lieux et les mesures des monumens.
s .” S O L IN , AM M IE N M A R C E L L IN , P O M P O N IU S M E L A , A R I S T ID E , &c.
Une phrase a suffi à l’abréviateur de Pline pour décrire les pyramides. « Les
» pyramides d’Égypte, dit S o l i n , sont des tours élevées g plus hautes que tout
» autre ouvrage de la main de l’homme : comme elles excèdent la mesure des
» ombres, elles ne portent aucune espèce d’ombre sur la terre. » Pyramides turres
suntin Ægypto, fastigiatoe ultra excelsitatem omnenuquoe fieri manu possit : ¡toque, men-
suram umbrarum egresste, nullas habent umbras (4 )-
Ammien M a r c e l l i n a presque copié ce passage ; Pyramides ultra omnem om-
nino altitudinem quoe manu conficipossit, erectoe sunt turres; quarum magnitudo , quOniam
in celsitudinem nimiam scandens, gracilescit paulatim, umbras quoque mtchanicâ ratione
consumit (5). C’est avec raison que les deux écrivains font remarquer l’excessive
hauteur de ces constructions, qui, du temps de l’un et de l’autre, étoient les
monumens les plus gigantesques sortis de la main des hommes : mais comment
l’erreur échappée au premier sur le défaut d’ombre a-t-elle pu être répétée par
le second un siècle plus tard!
Milet mesura les pyramides au moyen de leur ombre, ( 3 ) Mémoire sur le système métrique des anciens
ixtu/Àfàq Qtinv aù-nr vtç ■wpau.rJkg ex thç miàç (inVita Egyptiens , A . M . tome I ." , pag. j 2 j er yyp.
Thaletis). (4) C. J. Solin. Polyhistor, in Cl. Saimasii Pim.
( 1 ) Diodor. Sicul. lib. 1, cap. lx i i i ,a / . Bipont., et Exercit. 1629, tom. I , pag. 62.
ci-dessus, page 171. ( 5) Ammian. Marcell. lib. x x ii.
(2) Voyez A . D. chap. X V I I I , page pp.
Le même fait cependant est rapporté par C a s s i o d o r e : l’ombre, dit-il, se
consumant elle-même, ne s’aperçoit nulle part au-delà du monument. Pyraniides
in Ægypto, quarum in suo statu se umbra consumens, ultra constructionis spatia mtUâ
parte respicitur. Enfin la poésie s’est emparée aussi de ce phénomène de la consomption
de l’ombre : on lit dans Ausone,
......................... Quadro cui in fastigia cono
Surgit et ipsa suas consumit pyramis umbras.
A la vérité, 1 absence de l’ombre a lieu pendant une partie de l’année, et
quand le soleil passe au méridien; mais la latitude du lieu et l’inclinaison de la
grande pyramide font voir que ce phénomène cesse de se produire pendant à peu
près les deux derniers mois de l’automne et les deux premiers mois de l’hiver ( i ).
Enfin, toute lannee, durant un temps plus ou moins long avant et après
midi, ' l’ombre de la pyramide est projetée sur le sol environnant. Ainsi les
auteurs que je viens de citer, en parlant de l’absorption de l’ombre, auroient
dû dire seulement que ce fait a lieu pendant une partie de l’année et vers l’heure
de midi.
P o m p o n i u s M ê l a s’exprime ainsi sur les pyramides ; Pyramides tricenûmpedum
lapidibus exstructoe : quarum maxima ( très namque sunt ) quatuor ferè soli jugera suâ
sede occupai, totidem in altitudinem erigitur (2). Ce texte si court a été le sujet de
beaucoup de corrections proposées par les commentateurs, sur-tout pour les
deux mots suâ sede, qui ne semblent pas en avoir bien besoin. Gronovius dans
son commentaire, après avoir cité la correction de Pintianus, qua sedet, d’après
un manuscrit où on lit quoe sedem, et celle de Vossius, bien plus hardie, quoque
latere, propose lui-même oequâ sede, comme se rapprochant de quoe sede et de
quoe sedem donnés par deux manuscrits (3). Quoi qu’il en soit de ces deux mots,
celui de quatuor est plus embarrassant, sur tout si on l’applique au jugère superficiel.
En effet, le côté de la base étant de 7 plèthres et demi, la superficie étoit
de 56 — plèthres carrés ou 28 j jugères, puisque le jugère carré valoit 2 plèthres
carrés. Mais, dans le cas d’une mesure linéaire, l’explication est plus facile. Je
considère les quatuor jugera de Pomponius Mêla comme une transformation des
8 plethres d Hérodote; en effet, le grand côté du jugère valoit 2 plèthres : il
seroit donc inutile de suppléer à quatuor les nombres x x i i , ou x x iv et demi,
comme l’ont proposé les commentateurs. Quant à la valeur absolue de la superficie,
Pline, comme nous lavons vu, a écrit amplissima octo jugera obtinet soli,
et nous avons proposé de rétablir devant octo le mot viginti (4). Cette hypothèse
( i ) Hauteur.de Iequateur aux pyramides. . . . . . . . . . . . . . . . , , . . ___. . . .......... <£0© 0> ~
Obliquité de l’écliptique sous Hipparque... . . . . . . . . . . ................. 23. 5 1. 20.
Hauteur du © au-solstice d’hiver............... ^5] 9^*3$
1 nclinaison de la pyramide .......................................................... j ,-, ^ ^
Arc du méridien parcouru par le © * avant et après le solstice îT g .
(2 ) Pomp. Mêla, Desituorbis, lib. 1, cap. ix , pag. 55 , ed. Abr. Gronov. Lugd. Bat. 1722.
( 3 ) D ’autres manuscrits portent quai cede et quo cedat.
4 ) Isaaç Vossius-preferoit dans ce passage de Pline la leçon de sept et n jugera à celle de octo jugera; mais rien
ne motive cette préférence.