
et avant quelle eût imaginé la canne au moyen de laquelle on pût le souffler,
ou la table de. cuivre sur laquelle on pût le couler et l’étenclre.
Aussi, sans attribuer sa découverte à Tubal-Caïn, qui passe pour avoir été le
huitième homme après Adam, ou a Vulcain, fils de Jupiter et de Junon, qui,
dit-on, a été le premier roi en Egypte, et qui y fut adoré comme un dieu, parce
quil avoit trouvé le feu et enseigné aux hommes la plupart des arts auxquels
1 usage de cet agent est nécessaire, ou au grand Hermès, qui vivoit dix-neuf cents
ans avant l’ère vulgaire, et sans nous arrêter à cette opinion, que les Éthiopiens,
plus anciens que les Égyptiens, connoissoient le verre ; qu'e même quelques-
uns d’entre eux renfermoient dans des coffres de cette matière les cadavres de leurs
proches, vidés , décharnés, recrépis en plâtre et peints au naturel [a ] * ; qu’ils
les exposoient, ainsi préparés, à tous les regards pendant une année entière, en
leur faisant, chaque jour, des offrandes et des sacrifices ; nous ne ferons remonter
l’art de la verrerie qu’au temps où il florissoit dans la ville de Thèbes, qui doit
etre regardee comme son véritable berceau, soit d’après le témoignage des anciens
historiens, soit daprès les preuves palpables que nous fournissent les colliers de
verre dont sont ornees les momies dans les tombeaux antiques de cette ville célèbre.
On nous objectera, sans doute, cette narration de Pline de laquelle il résulterait
que des marchands Phéniciens, en faisant cuire leurs alimens avec la plante
quon nomme kali, ont, sans le vouloir, fait un mélange de la cendre de cette
plante et du sable qui formoit leur foyer; que ce mélange s’est vitrifié, a coulé
sur la pente du terrain, et leur a présenté, en se refroidissant, une masse aplatie,
solide et transparente, qui leur a donné la première idée d elever à Sidon une
manufacture de verre. Mais, comme ce fait, supposé vrai, quoiqu’assez généralement
contredit, aurait eu lieu long-temps auparavant chez les Égyptiens, qui brû-
loient dans des fosses, souvent creusées dans le sable, ce kaji, pour préparer les
cendres que le commerce a désignées depuis sous la dénomination de cendres
d Alexandrie, il nous paroît plus naturel de croire que l’art de la verrerie, comme
tous les autres arts, a été ébauché, perfectionné et pratiqué, tant à Thèbes qua
Memphis, par les prêtres de Vulcain, alors les plus habiles chimistes de l’univers;
que les Phéniciens nont connu le verre que .par les Égyptiens [b ]lA et qu’ils n’ont
établi leurs manufactures à Sidon que sur le modèle de celles de Thèbes, de
Memphis et d Alexandrie, peut-être même seulement d’après des renseignemens
pris dans la dernière et la moins ancienne de ces trois villes.
En effet, tout nous assure que les prêtres de l’Égypte, sans cesse occupés d’expériences,
et d’ailleurs très-favorisés par la nature, qui leur avoit donné en profusion
dans le sable des déserts et dans le natron ou les cendres du kali les matières
premières dont se compose le verre, l’ont trouvé avant tous les autres, et ont
non-seulement formé des fabriques de verre commun [ c ] ; mais que, parvenus à
choisir le sable le plus pur et à purifier parfaitement la soude , ils ont fait, dans
leur laboratoire particulier, du verre comparable au cristal de roche, et que, pro-
Voyei, à la fin du Mémoire , 1« notes additionnelles indiquées par des lettres de l'alphabet, et trop étendues
pour avoir pu être placées sous le texte.
fitant de la propriété qu’ils ont reconnue aux oxides des substances métalliques,
qu’ils tiroient principalement de l’Inde, de se vitrifier sous des couleurs différentes,
ils ont conçu et exécuté le projet d’imiter toutes les espèces de pierres précieuses
colorées ou transparentes ou opaques que leur fournissoit le commerce du
même pays.
Strabon ( i ) et tous les historiens ne se réunissent-ils pas pour nous apprendre
qu’on fabriquoit de temps immémorial en Egypte, et sur-tout dails les verreries
de la grande Diospolis, et par des procédés secrets, des verres très-beaux, très-
transparens, des verres dont les couleurs étoient Gelles.de l’hyacinthe, du saphir,
du rubis, &c.; qu’un des souverains de ce pays étoit parvenu à contrefaire la pierre
précieuse nommée cyanus ; que Sésostris avoit fait couler ou sculpter en verre de
couleur d’émeraude [d ] une statue qu’on voyoit encore à Constantinople sous le
règne de Théodose ; qu’il existoit aussi du temps d’Apion Plistonique, dans le
labyrinthe d’Égypte, un colosse du même verre; qu’on faisoit enfin avec la scorie
des métaux un verre noir [e ] qui ressembloit au jayet, substance, dit Pline, qu’on
a mise en oeuvre avant d’avoir imaginé de la remplacer par ce verre, &c. !
En faut-il davantage pour prouver que les Égyptiens sont les plus anciens fabri-
cans de verre, et que, puisqu’ils imitoient les pierres précieuses, ils savoient préparer
les oxides de fer, de cuivre, de plomb, d’étain, &c., sans lesquels ils n’au-
roient pu réussir à faire des verres colorés, de fausses pierres précieuses, des émaux,
et sur-tout à imiter ces vases qu’on nommoit murrhins [ f j , et qui étoient d’une
pierre précieuse, sur la nature de laquelle on a été jusqu’à présent très-peu
d’accord, mais que M. Rozière (2) dit être le spath fluor [ g ] !
Cependant les produits des anciennes manufactures Égyptiennes, plus particulièrement
versés dans le commerce qui se faisoit par la mer Rouge, ne sont
parvenus chez les Grecs que sous les derniers Pharaons : il paroît même que
cette importation fut à peu près nulle pendant tout le temps que les Perses, qui
avoient détruit les temples, les laboratoires des Égyptiens, et enlevé leurs artistes,
demeurèrent les maîtres du pays, et qu’elle ne commença à avoir lieu chez les
Romains que sous le règne des Ptolémées , lorsque les procédés des prêtres de
Vulcain furent retrouvés et parfaitement exécutés par les Grecs, devenus Égyptiens,
et lorsque le célèbre Archimède, ayant ou connu ou deviné et perfectionné
ces procédés ( 3 ), eut fabriqué à Syracuse cette sphère de verre dont les cercles
(1) Cet auteur, qui vivoit du temps d’Auguste, étoit
persuade, d’après des renseignemens pris en Egypte, que
ce pays etoit le seul qui possédât une certaine substance
sans, laquelle on ne pouvoit faire de bon verre. Cette
substance, qu’il rie nomme point, étoit sans doute ou ie
natron ou la cendre d’Alexandrie, dont les bons effets
étoient peut-être alors (et sans qu’il ait pu le découvrir)
aidés par les oxides de manganèse et de cobalt.
(2 ) Voyez son Mémoire, A . tovi. I .tr, pag. i i j ;
(3) LesfGrecs buvoiènt, comme les Égyptiens, dans
des coupes de verre : la preuve pour ceùx-ci se trouve
dans les yases peints sur les murs des hypogées, et qui
annoncent la transparence du verre et la présence du
A . T O M E I I .
v in ; la preuve pour ceux-là existoit dans le tableau
de Pausias qui représentoit un ivrogne vidant une coupe
au travers de laquelle on apercevait les traits de son visage
enluminé. II existe à Florence un tableau qui est l’imitation
parfaite de celui de Pausias, ainsi que de superbes
tableaux en mosaïque.
Les arts que Thalès, Pythagore et d’autres philosophes
Grecs avoient rapportés d’Égypte et transmis à leurs disciples,
s’étoient établis en Sicile comme en Grèce.
Long-temps après, Sapor , roi de Perse > fit faire
en verre une sphère céleste, qu’on dit avoir été si considérable^
que ce roi, placé au centre, pouvoit voir le
mouvement des- astres. '