La pyramide n’avoit que deux dimensions commensurables ; les autres étoient
irrationnelles ; ainsi ceux qui calculoient les valeurs des différentes lignes visibles
ou inaccessibles du monument, y trouvoient nécessairement l’exemple des lignes
irrationnelles. On est donc surpris de voir attribuer à Démocrite la découverte de
cette espèce de lignes géométriques’: mais ce philosophe avoit voyagé en Egypte,
y avoit séjourné et étudié; il en rapporta sans doute cette connoissance avec
beaucoup d’autres.
On calcule la superficie d’un carré en mesurant le côté et le multipliant par
lui-même. Cette proposition n’étoit-elle pas ici évidente! On savoit que la surface
de la base de la pyramide étoit de 25 aroures ou mesures agraires; or, voyant,
d’autre part, que le côté de cette base étoit égal à cinq fois le côté de l’aroure,
on concluoit que cette surface n’étoit autre chose que le produit du nombre des
unités contenu dans un des côtés de la base, multiplié par ce même nombre.
Il en est de même de la surface d’tm triangle : la superficie de la face étoit connue
pour être de 10 mesures agraires; or, la hauteur étant quatre fois le côté de
cette mesure et la base cinq fois, il s’ensuivoit que, pour avoir en général la
surface d’un triangle isocèle, il falloit multiplier la base par la moitié de la hauteur
(5 « i — 10). De même de tout triangle. Or, toute figure reCtiligne pouvant se
diviser en triangles, on avoit par-là le moyen d’en calculer la superficie. On pouvoit
aussi facilement en déduire la mesure du trapèze.
D ’autres propriétés sont attachées à la figure de la g r a n d e pyramide, telle
qu’elle a été choisie par les constructeurs. Le rapport de y à 4 est à-la-fois le rapport
du côté de la base à l’apothême, celui de la surfàce de cette même base au
double de la face, et celui du carré de la diagonale au quadruple de la face. On sait
que les lignes homologues dans les triangles semblables sont proportionnelles, et
que les triangles semblables sont proportionnels aux carrés des lignes homologues;
la démonstration de ces deux théorèmes est facile à déduire de la figure de la
pyramide ( 1 ).
11 faut faire attention que la chambre dite du roi n’est pas placée à une hauteur
arbitraire. Le faux plafond est précisément au tiers de la hauteur totale, de manière
que le plan horizontal, passant par ce point, partage la face en deux parties
comme 2 y et 20, ou y et 4; et que le plan passant par ce même point et un côté
de la base, étant prolongé, divise la face en deux parties qui sont entre elles'
comme 1 et 3 (2).
Plusieurs autres théorèmes de géométrie sont encore apparens dans les lignes
de la pyramide : par exemple, que la somme des trois angles d’un triangle est égale
à deux angles droits ; que le volume de la pyramide a pour mesure la surface de la
base multipliée par le tiers de la hauteur ; que le carré de l’hypoténuse d’un triangle
rectangle isocèle (et par suite de tout autre triangle rectangle ) est égal à la somme
des carrés des deux autres côtés. Au reste, le t r i a n g l e é g y p t i e n rectangle cité
dans Plutarque, le même que celui dont parlent les anciens livres Chinois, dont
( i ) Voyez A . M . tom. I , p. 6gp, Mémoire sur l e système métrique des anciens Égyptiens, chap. x i l , §. i.
(2) Voyez ibidem, ainsi que*la figure de la page 536.
les côtés sont comme les nombres 3, 4, y , prouve directement que les Egyptiens
connoissoient la propriété du carré de l’hypoténuse; la somme des carrés faits
sur 3 et 4 (ou 9 plus 16 ) étant égale au carré fait sur y , c’est-à-dire, 2y ( 1 ).
On peut encore remarquer que la pyramide renferme une solution mécanique
du problème de la duplication du cube. En effet, pour doubler le cube de l’apothême,
il suffit de prendre le cube du côté du socle ; problème inverse de celui qui
consiste à partager une pyramide en deux parties de volume égal.
Enfin on sait que le centre de gravité d’un triangle isocèle est au tiers de sa
hauteur: c’est à cette même élévation que se trouve la chambre centrale.
Ainsi le rapport des lignes principales de la g r a n d e pyramide, c’est-à-dire, le
rapport de y à 4 entre la base et l’apothême, semble avoir été choisi à cause des
propriétés géométriques de cette figure ; la face et la base sont commensurables
entre elles; la iy .c partie de la différence étoit égale à la mesure agraire, et la
racine du nombre exprimant cette différence, à 100 coudées. La forme de la pyramide
est telle, qu’elle présente des exemples de certaines figures géométriques et
la démonstration évidente de plusieurs théorèmes. La salle dite chambre du roi est
au tiers de la hauteur de la pyramide et au centre de gravité de sa coupe triangulaire.
Ajoutons que toutes les dimensions de la pyramide sont données par le
triangle Egyptien (2).
Nous ne sommes point éclairés sur l’origine ou l’usage, sur l’utilité ou le motif
quelconque des galeries et canaux divers des pyramides (3) ; mais en savons-nous
davantage, ou sur le puits, ou bien sur les vingt-huit mortaises ou petites cavités
pratiquées avec art lelong de la haute galerie ascendante (4), ou bien sur d’autres
points mystérieux du système suivi dans la construction!
Ce que j’ai dit plus haut, et aussi dans un autre écrit, sur les rapports de la
g r a n d e pyramide avec les notions astronomiques, me dispense d’entrer ici dans
d’autres développemens. Les traditions qu’ont recueillies les Arabes sur les lieux
lors de la conquête, quoique mêlées de merveilleux et altérées par la crédulité, ne
sont pas à rejeter entièrement, et l’on peut en tirer des inductions: elles sont toutes
favorables à ces mêmes rapports. Nous devons aussi remarquer que l’axe du grand
sphinx des pyramides est précisément tourné vers le levant d’été : n’y a-t-il pas dans
ce fait un rapport marqué avec l’observation du lever du soleil, le jour du solstice
( i ) Cette figure donne lieu à d’autres considérations du plan de la galerie haute avec celui de la galerie hori-
très-curieuses qui sont exposées dans le même mémoire, zontale forme une figure qui a trait à la statique, et se
auquel je renvoie pour ne pas trop prolQnger celui-ci. rapporte au levier ou principe de I’equilibre, ou à la
Pour le même motif, je me bornerai à dire que j’ai trouvé théorie du plan incliné. II n’est pas sans doute impossible
dans le sarcophage du Kaire des signes hiéroglyphiques que les constructeurs aient connu le principe du levier;
représentant un triangle rectangle, dont les trois côtés mais quelle preuve pourroit en fournir une aussi foible
sont entre eux comme les nombres 3 , 4 et 5. analogie î
Dans le livre Chinois dit Tcheou-pey, il est question (4 ) On a pensé qu’elles ont servi à faciliter le transpositivement'de
ce triangle large de 3, long de 4> ces port de la cuve ou sarcophage de bas en haut, jusqu’à
deux côtés étant joints par une ligne égale à 5(7.® texte, la chambre du roi. Mais, dans cette idée, à quoi bon le
Lettres édifiantes, &c. t. X X V I , in~iz, 1783 , Paris ) : travail fini et achevé qu’on remarque dans toutes ces catout
le passage des Lettres édifiantes mériteroit d’être cité, vités prismatiques, et pourquoi les auroit-on pratiquées
(2) Voyez A . M . tom. 1, page y 16, et la figure de la au fond de la banquette, au risque de rompre les cor-
Paëe 739' dages par des arêtes vives, au lieu-de les mettre sur le
(3) Je ne m’arrêterai pas à la supposition, que l’angle bord, ou mieux encore sur le sol même du canal î
A. TOME II. * ( t