adoptée pour leur construction, forme qui commence par une base, carrée et finit par un point : or
une des propriétés de cette form e , c’est que le centre de la pesanteur est au milieu même de l'édifice,
en sorte qu’il s’appuie sur lui-même, q u ’il supporte lui-même tout l’effort de sa mas se, que toutes ses
parties se portent respectivement les unes sur les autres, et qu’il ne gravite pas vers un point hors
de lui. ^ -
U n e autre particularité digne encore d’admiration, c’est que leur forme carrée a été disposée de
manière que chacun de leurs angles fait face it l’un des quatre vents cardinaux : or la violence du
vent se trouve rompue quand elle est reçue par un angle ; ce qui ne serait pas si elle rencontroit
un plan.
Mais revenons aux deux grandes pyramides. C eu x qui en ont pris les dimensions assurent que la
base de chacune d’elles est de 4 o o coudées de longueur sur autant de la rg e u r ,.e t que leur hauteur perpendiculaire
est également de 4o o coudées. La coudée employée dans ces mesures est la coudée noire.
Leur figure pyramidale est tronquée par le h au t, et offre en cet endroit un plan de 1 o coudées en tout
sens. V o ic i une chose que j’ai observée par moi-même. Lorsque je les visitai, il y avoit en notre compagnie
un tireur, qui tira une flèche dans la direction de la hauteur perpendiculaire d une de ces pyramides
et dans celle de son épaisseur [ vers sa b as e ), et la flèche tomba à peu près à la moitié de cet
espace. Nous fûmes instruits q u e , dans un v illage voisin, il y avoit des gens accoutumés à monter au
haut des pyramides, qui le fàisoient sans aucune peine. Nous envoyâmes chercher un de ces hommes,
e t , pour une bagatelle que nous lui donnâmes, il se mit à monter sur une des pyramides comme nous
aurions monté un escalier et même plus v ite , sans quitter ni sa chaussure, ni se sv ê tem en s , qui étoient
fort amples. J e lui avois recommandé de prendre avec son turban la mesure du plan supérieur, quand il
seroit monté. Lorsqu’il fut descendu, nous prîmes la mesure de la portion de son turban qui répondoit à
celle du plan supérieur de la pyramide; elle se trouva être de onze coudées à la mesure de la coudée
naturelle.
J ’ai vu un homme instruit dans l’art de prendre les mesures, qui donnoit à la hauteur perpendiculaire
de cette pyramide 3 17 coudées en v iron , et à chacun des cotés des quatre plans triangulaires qui s in clinent
sur cette perpendiculaire , 4-6° coudées. Je crois qu’il y a erreur dans ces mesures, et q u e , pour
qu’elles fussent justes, il fàudroit qu’il eût donné à la perpendiculaire 4 o o coudées ; e t , si le ciel favorise
mes p rojets , je veux en prendre les dimensions par moi-même. ( Ibid. pages * 74 “ 17 5 - )
L ’une de ces deux pyramides est ou ve r te , et offre une entrée par laquelle on pénètre dans 1 intérieur.
C e tte ouverture mène à des passages étroits, à des conduits qui s’étendent jusqu à une grande profondeur
, à des puits et à des précipices, comme l’assurent les personnes qui ont le courage de s y enfoncer;
car il y a un grand nombre de gens qu’une folle cupidité et des espérances chimériques conduisent dans
l’intérieur de cet édifice. Ils s’enfoncent dans ses cavités les plus profondes, et arrivent enfin à un endroit
où il ne leur est plus possible de pousser plus avant. Quant au passage le plus fréquenté et que Ion suit
d’ordinaire, c’est un glacis qui conduit vers la partie supérieure de la pyramide, ou Ion trouve une
chambre carrée, et dans cette chambre un sarcophage de pierre.
C e tte ouverture par laquelle on pénètre aujourd’hui dans l’intérieur de la pyramide, n est point la
porte qui avoit été ménagée lors de sa construction : c’est un trou fait avec effort et pratiqué au hasard.
O n dit que c’est le khalife Mâmoun qui l’a fait ouvrir. La plupart des personnes de notre compagnie
entrèrent dans cette ouverture, et montèrent jusqu’à la chambre pratiquée en haut de la pyramide : à leur
descente, elles racontèrent les choses merveilleuses qu’elles avoient v u e s , et elles rapportèrent que ce
passage étoit si plein de chauve-souris et de leurs ordures, qu’il en étoit presque bouché; que les chauve-
souris y étoient presque aussi grosses que des p ig eo n s , et qu’on y voyoit, dans la partie supérieure, des
ouvertures et des fenêtres qui sembloient avoir été ménagées pour donner passage à 1 air et à la lumière.
Dans une autre visite que je rendis aux pyramides , j’entrai dans ce conduit intérieur avec plusieurs personnes
, et je pénétrai jusqu’aux deux tiers environ ; m ais , ayant perdu connoissance par un effet de la
frayeur que m’inspiroit cette montée, je redescendis à demi mort.
C e s pyramides sont construites de grandes pierres, qui ont de dix à vingt coudées de longueur, sur une
épaisseur de deux à trois coudées et autant de largeur. C e qui est sur-tout digne de la plus grande admiration
, c’est l’extrême justesse avec laquelle ces pierres ont été appareillées et disposées les unes sur les
autres. Leurs assises sont si bien rapportées , que l’on ne pourroit fourrer entre deux de ces pierres une
aiguille ou un cheveu. Elles sont liées par un mortier qui forme une couche de l ’épaisseur d’une feuille
de p ap ie r . je ne sais de quoi est fait ce mortier, qui m’est totalement inconnu. C e s pierres sont revêtues
d’écriture dans cet ancien caractère dont on ignore aujourd’hui la valéUr./Je n’ai rencontré dans toute
F Egypte personne qui pût dire conrioître, même j>ar ouï-dire , quelqu’un qui fût, au fait d e c e caractère.
C e s .inscriptions sont en Si grand nomine, que, si l’on voûloit .copier,s,ur du .papier, celles seulement
que l’on voit sur la surface' de ces deux pyramides ; on en empliroit plus de dix mille pages.
( Ibid. page 17 6 . )-
J ’ai lu dans quèlques livres des anciens Sabéens, q u e , de ces deux pyramides, l’une est le tombeau
d’Agathod émon, et l’autre celui d’Hermès. C e so n t, suivant eux , deux grands prophètes ; mais Agàthor
démon est le plus ancien des deux et le plus grand. Ils disent que de toutes les contrées de la terre on
venoit en pèlerinage à ces deux pyramides.
Je me sjuis étend u, dans mon grand ouvrage , sur cet o b je t , et j’ai rapporté ce que d’autres ont
dit de ces édifices ; j’y renvoie donc les lecteurs qui désireront plus de détails : dans celui-ci, je me borne
à rendre compte de ce que j'ai vu.
Q uand-Mélic-alaziz Othman ben-Yousouf eût succédé à son p è r e , il sè laissa persuader par quèlques
personnes de sa co iir , géris dépourvus dè bon sens, de démolir ces pyramides ; et l’on commença par la
pyramide rouge, qui est la troisième des grandes pyramides et la moins considérable. ( Ibid. page 17 7 . )
Le sultan y envoya donc des sapeurs, des mineurs et des carriers, sous la conduite de quelques-uns des
principaux officiers et des premiers émirs de sa cour, et leur donna ordre de la détruire. Pour exécuter
les ordres dont ils étoient ch à rg é s , ils établirent leur camp près de la pyrafnidé ; ifs y rarnassërént dè
tous côtés un grand nombre de travailleurs, et les entretinrent à grands frais. Ils ÿ demeurèrent ainsi
huit mois entiers, occupés avec-tout leur monde à l'exécution de la commission dont ils étoient chargés,
enlevant chaque jo u r , après s’être dontié bien du mal et avoir épuisé toutes leurs forces , une ou deux
pierres. Les uns les poussoient d’en haut avec des coins et des le vie rs, tandis que d’autres travailleurs
les tiroient d’en bas avec des cordes et des câbles. Quand une de ces pierres venoit enfin à tomber , êlïè
faisoit Un bruit épouvantab le, qui retentissoit à un très-grand é lo ign em en t, et qui ébranloit la terré et
faisoit trembler les montagnes. Dans sa chute, elle s’enfonçoit dans le sable; il falloit derechef employer
de grands efforts pour l’en retirer; après quoi,, l’on y pratiquoit des entailles, pour y faire entrer des
coins ; on faisoit ainsi éclater ces pierres en plusieurs morceaux ; puis on chargeoit chaque morceau sur
un chariot pour le traîner au pied de la montagne qui est à peu de distance, et où on le jetoit.
Après être restés long-temps campés en cet endroit, et avoir consommé tous leurs moyens pécuniaires,
comme leur peine et leurs fatigués alloient toujours en croissant, q u e leur résolution au contraire s’affoi-
blissoit de jour en jo u r , et que leurs forces étoient épuisées , ils furent contraints de renoncer honteusement
à leur entreprise. Loin d’obtenir le succès qu’ils s’é.toient promis, et de réussir dans leur dessein ,
ils n’en retirèrent d’autre avantage que de gâter la pyramide, et de mettre dans une entière évidence
leur impuissance et leur foiblesse. C e c i se passa en l’année 593 [ 1 1 9 6 ] . Aujourd’hui, quand on considère
les pierres provenues de la démolition, oh se persuade qué la pyramide a été détruite jusqu’aux fonde-
fnens ; mais s i , au contraire, on porte les regards sur la pyramide , on s’imagine qu’elle n’a éprouvé aucune
dégradation, et que d’un côté seulement il y a une partie du revêtement qui s’est détachée. ( Ibid.
page 1 7 8 ) . . . .
•En face des pyramides, sur la rive orientale du N i l , on aperçoit un grand nombre d’excavations immenses
et très-profondes, qui Communiquent les unes aux autres, et dont quelques-unes ont jusqu’à
trois étages. O n les nomme la villè. U n cavalier peut y entrer en tenant s i lance haute ; et .y. faire des
excursions pendant un jour entier sans les avoir parcourues en tdtalité, tant elles sont nombreuses et
vastes, et tant elles s’étendent au loin. II est facile de reconnoître que ce sont les carrières d’où l’on a tiré
les pierres qui ont servi à construire les pyramides. Quant aux carrières qui ont fourni le granit rouge,
on àssure qu’elles se trouvent à Kolzom et à Oswan.
Auprès de ces pyramides on voit encore des restes d’anciens édifices gigantesques et beaucoup de
souterrains solidement construits; et il est bien rare de rencontrer quelque partie de ces ruinés qui ne
soit couverte d’inscriptions en cet ancien caractère inconnu aujourd’hui. ( Ibid. page 1 7 9 . )
A un peu plus de la portée d’une flèche de ces pyramides , on voit la figure colossale d’une tête et
d’un cou qui sortent de terre. O n nomme cette figure Aboulhoul; et l’on dit que le corps auquel cette
tête appartient est enseveli sous la terre. En jugeant des dimensións du corps par celles de la tê te , il
doit avoir soixante et-dix coudées et plus de longueur. O n voit sur la figure une teinte rougeâtre et un