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ce four et laissant éteindre le feu, leur procurer un refroidissement lent, sans
quoi elles seroient infiniment plus fragiles (i).
A la Vérité, ceux qui, comme Pline, sont persuadés qu’on n’invente plus rien
de nouveau, quon n atteint pas même aux inventions des anciens, ou qui disent,
avec notre bon la Fontaine, Nous ne saunons aller plus avant que les anciens; ils
ne nous ont laissé; pour notre part, que la gloire de les bien suivre, ne voudront
pas avouer que nous soyons aussi habiles que l’étoient lès Égyptiens dans l’art
de la verrerie, puisque nous ignorons les procédés employés par eux, ou par
leurs disciples immédiats, pour fabriquer et les coupes dites alasontes, et les
vases rnurrlins, et les statues-colossales en émeraude factice, et les immenses
colonnes de verre que S. Pierre vit'dans le temple d’Aradus (2), et les plaques
vitreuses dont, au lieu de marbre, Scaurus a revêtu la seconde scène de son
théâtre , et les cubes de fausses pierres précieuses qui composoient le pavé
en mosaïque de leurs temples èt de leurs maisons , cubes que la reine Cléopatre
remplaça dans ses appartemens par de véritables pierres précieuses, et les sphères
d’Archimède et de Sapor, et enfin tous ces beaux vases qui, tirés sur-tout
d’Alexandrie, ornoient les buffets des Grecs et des Romains/et que les amateurs
craignoient de manier de peur de les briser.
Mais nos artistes seroient-ifs embarrassés de retrouver ces procédés, ou d’en
imaginer dautres, si de pareils objets leur étoient commandés, et qu’on leur en
présentât des modèles! ils ont si bien copié ceux qui provenoient des antiques
verreries! ils ont si bien profité des renseignemens, quoiqu’imparfaits, donnés par
les anciens auteurs ! ils ont si avantageusement suppléé aux renseignemens omis fo jl
N’ont-ils pas, avec un verre sans bulles et sans stries, avec un cristal artificiel
aussi beau que le cristal naturel le plus transparent, fabriqué et ces vases superbes
qui brillent sur nos tables et dans nos salons , et ces vitres qui, plus grandes,
plus diaphanes que celles de l’antiquité, laissent pénétrer dans nos appartemens'
une lumière plus brillante et plus pure! N’ont-ils pas donné aux glaces, aux
miroirs, une beauté et des dimensions que les anciens n’avoient certainement pu
leur procurer! N’ont-ils pas, cônnoissant un plus grand nombre'd’oxides métalliques
et les obtenant plus purs, procuré au verre ces couleurs si belles et si
variées qu’on admire dans les vitraux des églises de France, de Hollande, de
Venise, & c , dans les fausses pierres précieuses, dans les émaux, sur la faïence
et sur la porcelaine! N ont-ils pas fait ces lustres magnifiques, dont les pièces,
taillées à facettes, ont l’éclat du diamant; et ces prismes qui, décomposant
(1) Il est vraisemblable qu’on a coulé le verre avant
de le souffler, et cependant il est très-probable que les
Sidoniens, qui, suivant Pline, sont les inventeurs des
miroirs de verre , et les Romains, leurs imitateurs,
n’en fàisbient que de très-petits; que, pour formerïes
glaces de ces miroirs ( crystallina sjiecull lamina, C ic .) ,
ils se contcntoient d’exposer à la flamme de leurs four-
neaux. une certaine quantité de verre fondu placée sur
une pelle de fer; et lorsqu’elle avoit pris l’étendue, l’épaisseur
et le poli désirés, ils portoienr la glace dans
un four chauffé et l’y lajssoient se refroidir lentement.
C est vraisemblablement la vue d’un verre coulé, comme
a dû I’etre celui que Scaurus employa, qui a fourni à
l’auteur de l’Apocalypse l’idée de la mer de verre qu’il
a placée devant le trône de la Divinité. In conspectu
sedis tanquam mare vitreum, sitnilè crystallo.
( 2 ) In insula A rado visa: sunt columnæ vitreoe, magnitu-
dinis immensoe, adquas spectandas se contulit, ab amicis
rogatus, S. Petrus. ( Clem. Alexandr. )
D E l ’ a r t d e L A V E R R E R I E . z j
merveilleusement les rayons du soleil, en extraient les riches couleurs de
l’arc-en-ciel; et ces lentilles si puissantes qui, rassemblant ces mêmes rayons,
forment, en les convergeant, des foyers où s’allument les matières combustibles,
où se mettent en füsion les corps jusqu’alors jugés réfractaires ; et ces lunettes,
les unes remédiant aux défauts de notre vue, les autres rapprochant de nous les
astres qui peuplent les cieux ; celles-ci grossissant et nous rendant sensibles les
corpuscules imperceptibles à la vue simple, celles-là multipliant les images d’un
seul objet !
N’ont-ils pas, d’après les conseils des naturalistes, des physiciens, des chimistes,
fabriqué ces ruches qui laissent voir l’intéressant travail des abeilles; ces horloges
dites sabliers, qui mesurent le temps; ces vases, ces instrumens, ces appareils
ingénieux qui ont tant contribué aux succès des expériences de physique et de
chimie! '
N ont-ils pas, à l’aide du feu d’une lampe, animé par le vent d’un soufflet,
exécuté une multitude d’ouvrages très-jolis et très-délicats!
N’ont-ils pas enfin fourni au commerce ces marchandises si multipliées et V
qu on a désignées sous la dénomination de verroterie!
Accoutumés aux merveilles que l’art de la verrerie opère maintenant en
Europe dans les fameuses manufactures qui se sont successivement formées à
Venise, en France, en Bohème, en Angleterre, &c., et pleins du souvenir des
chefs-d’oeuvre qu’il exécutoit jadis en Égypte, quel fut notre étonnement lorsque
nous trouvâmes qu’il étoit presque méconnu dans le pays où il avoit pris naissance
et brillé avec tant d’éclat sous les Pharaons et sous les Ptolémées; lorsque
nous vîmes qu’il ne donnoit plus aux Égyptiens modernes que de misérables
produits, tels que ceux dont nous avons parlé en expliquant la planche 23 des
arts et métiers, c’est-à-dire, ces bouteilles de verre commun, qui n’imitent qu’imparfaitement
les nôtres; ces verres plats, légèrement bombés, qu’ils encadrent dans
le dome de leurs bains; ces bocaux à bord renversé, qui leur servent de lampes,
et ces ballons faits de mauvais verre, dans lesquels ils subliment leur sel ammoniac,
&c.; lorsque nous reconnûmes cependant que les Égyptiens riches étoient
très-empressés à se procurer par la voie du commerce les verres superbes de
I Europe, les porcelaines magnifiques de la Chine, duJaponetde l’Autriche, &c. ( 1 )!
Mais nous ne tardâmes pas à nous rappeler que les Égyptiens n’étoient plus les
disciples ni des prêtres de Vulcain, ni des Grecs, ni même des Arabes, et à voir
d ailleurs que la rareté du combustible et sur-tout la crainte des avanies avoient
chez eux détruit 1 émulation et mis des obstacles à leur industrie ( 2 ) : en conséquence,
( 1 ) Les Egyptiens font venir de Venise des vitres, leur voit faire. Un chaudronnier m’a fait un très-bon
les unes à facettes, qui laissent passer la lumière du soleil alambic sur le dessin que je lui en avois t r a c é e t un
dans les appartemens de leurs femmes, mais non pas les fabricant de verre a pu me souffler de très-belles bon-*
regards des hommes; les autres colorées, qui prêtent à la teilles, des ballons, des cornues, des alonges, &c. que
lumière leurs couleurs, dont elle teint les objets qu’elle va j’ai employés avec succès dans le laboratoire de la pharfrapper.
macie militaire du Kaire.
(2) Les ouvriers en Egypte sont plus susceptibles d’in- Le bois n’étoit vraisemblablement guère moins rare
dustrie qu on ne le pcnseroit d’après les ouvrages qu’on en Egypte autrefois qü’à présent-: mais, tant que le verre
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