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Denys de Telmahre que cite Abou-l-faradj dans sa Chronique, ainsi que nous
l’apprend M. Silvestre de Sacy (i ) : « Ce ne sont point (dit Denys en parlant des
» pyramides ) les greniers de Joseph, comme on le croit, mais bien des mausolées I z )
» étonnans, élevés sur les tombeaux des anciens rois : ils sont obliques (c’est-à-dire,
» en plan incliné) et solides, et non pas creux et vides, &c.... » Ce témoignage est
du temps du khalife Al-Mâmoun. Ainsi c’est une erreur dans laquelle on a longtemps
persévéré. .
Au reste, il est probable que le Joseph dont il s’agit est le même qui a donné son
nom au fameux puits et au vieux palais du château du Kaire, personnage souvent
confondu avec le patriarche, c’est-à-dire, le célèbre Salah el-dyn Yousef, ou Saladin.
Par le motif que j’ai exprimé au commencement de cet article, je ne dois
mentionner que rapidement les différentes étymologies qui ont été proposées,
outre les trois citées ci-dessus. Volney tire de l’hébreu le mot pyramide, qu’il écrit
bour-a-mit, et traduit par le caveau du mort. M. de Sacy admet avec raison avec
d’autres savans orientalistes, Wilkins, Wahl, Michaelis, LaCroze, Jablonski, Adler,
Zoëga et quelques autres, que c’est l’article Qobte ou Egyptien m qui commence
le mot pyramide: cette supposition est infiniment plus probable que la racine niïp,
et il est naturel de chercher l’origine du mot dans l’ancienne langue Egyptienne;
mais pouvoit-on, avec une ombre de vraisemblance, dériver ce mot de mipapaç,
surnom des grands prêtres Égyptiens, suivant Hérodote (3), ainsi que l’a fait Peri-
zonius (4)1
Jablonski approuve La Croze pour l’étymologie de m-pK-wxe, c’est-à-dire solis
splendor, faisant allusion à la signification de solis radius que Pline donne au mot
obélisque (y) : cette idée supposeroit que, dans le passage, Pline a eu en vue les
pyramides comme les obélisques ; mais, comme le fait très-bien observer M. Silvestre
de Sacy, il n’y est pas question du nom des pyramides (6) : toutefois on ne
peut refuser à ces deux espèces de monumens une certaine analogie.
Selon Adler, le mot vient de pi-rama, parce que rama, en hébreu, signifie la
hauteur; il y a de plus un mot Qobte, ps-w.a.0, qui veut dire riche, sens dérivé du
premier (7). Je trouve la même idée dans l’ouvage de J§ Rossi, qui traduit ce mot
par sub/imitas [8). Mais le savant Français objecte que cette étymologie ne rend pas
raison du nom donné aux pyramides par les Arabes : ce nom, comme je l’ai dit,
est heram ou haram, et au pluriel ahrâm. Il en préfère une autre, également tirée
de l’hébreu et aussi de l’arabe h * b sm , consacré à Dieu, d’où haram, harem,
c’est-à-dire, chose sacrée, lieusaini, défendu ; il se fonde sur l’aspiration que les Arabes
ont sans doute retenue de l’ancien nom Égyptien , tandis que les' Grecs n’ont pu
l’exprimer. On peut opposer, et le savant auteur de cette étymologie va lui-
même au-devant de l’objection, que les Arabes écrivent le nom des pyramides par
( i ) Observations sur l’origine du nom des pyramides
( Magasin encycl. t. V I , p. 497 ) > et Relation de l ’Egypte
d’Ab’d el-Laiyf, p. 292.
( 2 ) Voyez ci-dessus, la page 1 9 2 , relativement à ce
mot mausolée du passage d'Abou-I-faradj.
( 3 ) Lib. 1 1 , cap. CXL1II.
(4) SEgypt. origin, iff c. t. I , pag. 447-
(5 ) Voyez ci-dessus, p. 212 , note 3.
(6) Observations sur le nom des pyramides, loc. citât,
pag. 465.
(7 ) Ibid. pag. 467.
(8) Rossi, Etymologie Ægyptioe, pag, 159.
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u n * , tandis qu’on écrit le mot qui veut dire sacré, consacré ( i) , par un ^ hh,
aspiration beaucoup plus forte, ; mais la lettre, dit-il, pouvoit être aspirée
plus doucement en Egypte qu’ailleurs. Quant à la syllabe IIT, écrite au lieu de m,
il.observe, avec Jablonski, que les Grecs ont écrit tout exprès ainsi, à cause du
mot IITP d’où ils croyoient le nom dérivé (2).
Il existe une autre étymologie proposée par M. Langlès. Le mot m-;xpum, le
feu, lui paroît l’origine de m/çy-fic, : l’analogie de sens avec l’étymologie donnée
par les anciens eux-mêmes (3) paroît l’avoir déterminé; mais elle souffre quelque
difficulté : indépendamment du peu de rapport qui existe entre le feu et sa prétendue
image, les Grecs auroient sans doute écrit -m'yjufic, ou SU ÉM l et non
pas m ç ÿ Je passe plusieurs autres étymologies citées par le savant traducteur
d’A’bd el-Latyf.
Maintenant le lecteur peut choisir entre ces différentes étymologies, du moins
entre les deux plus plausibles de toutes, savoir ; pi-rama [le monument élevé], selon
Adler et Rossi, et pi-hharam [le lieu sacré], selon M. Silvestre de Sacy. II ne nous
est pas permis, après les recherches de tant d’hommes renommés pour leur savoir,
d en hasarder encore une nouvelle, ou de l’opposer en aucune manière à celles
qui précèdent ! Cet article a pour unique but de donner au lecteur une idée des
opinions des savans sur une question au moins curieuse. Ne sommes-nous pas
d’ailleurs trop peu fixés sur la destination des pyramides pour admettre de préférence
un sens exclusif! et faudroit-il rejeter toute étymologie qui s’écarteroit de
celle dAmmien MarceJIin, ou d’autres opinions qui ne sont guère plus satisfaisantes
! Ici, nous soumettrons au lecteur quelques réflexions générales qui.ne sont
point étrangères au sujet. On a soutenu avec raison que les Grecs avoient beaucoup
emprunté à l’Egypte; plus les connoissances s’étendent sur cette contrée, plus
le fait semble prouvé. Mais il eût été à desirer pour l'histoire, que leurs emprunts
n eussent pas corrompu et dénaturé les monumens et les origines. Les noms surtout
ont beaucoup souffert de ces altérations. Sous la main des Grecs, les noms des
villes et des lieux ont pris une forme nouvelle, souvent méconnoissable. La nécessité
de plier des sons étrangers aux formes et aux sons de leur langue les a forcés
ici de retrancher des élémens essentiels, là d’ajouter une lettre ou davantage.
Si plusieurs d entre eux ont connu la langue et 1 écriture Égyptiennes, ce ne peut
être que ceux qui ont voyagé et résidé dans le pays, Solon, Thalès, Pythagore,
Hérodote, Démocrite, Platon , Eudoxe , Ératosthène , Diodore , Strabon , et
quelques autres, sans parler des Orphée et des Homère, qui appartiennent, pour
ainsi dire, à la mythologie; mais en est-il un seul d’entre eux qui nous ait laissé la
preuve de ses connoissances dans lart de lire et d interpréter l’écriture Égyptien n e7
Depuis la décadence de l’empire sous Psammétique, on jugea utile d’établir des
interprètes (4) pour l’usage des deux nations ; ces hommes, sans nul doute, furent
(1 ) |ÿ * . prohibuit, vetuitj vetitum, nefas (Golius). (4) II paroît aussi par la Genèse qu’il y avoit des inter-
( 2 ) Observât, sur le nom des pyramides, p. 473-474. Pr®tes en Egypte pour l’hébreu; il y est dit, chap. X L I I ,
(3) Amm. Marcell. 1. XXI I , ch. XV. Voyez ci-dessus, v ‘ 23 > <Iue Joseph parloit à ses frères par un truchement
pag. 214. (version de Le Maistre de Sacy).
A. TOME II. ! ' i"’’ - V