excepter, i.° l’ancien canal des deux mers ( ou les canaux qui en tiennent lieu),
ayant pour extrémités le Trajanus canalis et le Ptolemoeus canalis, et z.° le Bahr-
Yousef, ancienne branche du fleuve, improprement appelée canal de Joseph. Le
premier a été l’objet d’un travail important et étendu, et je dois y renvoyer ( i).
Le second mériterait une description et des recherches spéciales qui ne seroient
pas sans intérêt pour l’histoire du pays; j’en ai déjà traité ailleurs succinctement,
et je regrette d’être empêché de les produire ici, par la nécessité de terminer ce
volume (2): bornons-nous à quelques réflexions.
Le Bahr-Yousef est censé tirer son origine du Nil, près de Darout el-Cheryf,
aux limites de l’Égypte moyenne et du haut Sa’yd ; de là il prend son cours à
l’ouest, et coule sur le revers de la vallée au pied de la montagne Libyque,
puis, à cinquante lieues plus bas, il entre, à el-Lâhoun, dans le bassin du Fayoum,
qui sans lui resteroit privé d’eau et condamné à une perpétuelle stérilité. Est-ce
un canal creusé de main d’homme, ou bien est-ce une branche naturelle ! Cette
question n’en est pas une pour les écrivains Arabes ni pour la plupart des voyageurs
: de ce que le Fayoum lui doit aujourd’hui sa fertilité, on en a conclu généralement
qu’il avoit été creusé pour procurer à cette province le bienfait de l’inondation;
mais, si l’on consulte le relief et la nature du sol, on en jugera autrement.
Ce n’est pas proprement à Darout el-Cheryf que commence le canal, et ce
n’est pas à el-Lâhoun qu’il finit. Il existe tout le long de la chaîne Libyque, depuis
la plaine de Diospolisparva et d’Abydus, un berceau qui est par-tout visible, reste
d’un ancien cours d’eau, rapproché du lit actuel seulement à la montagne de
Syout, se continuant vers la branche de Rosette, et jusqu’au lac Mareotis, où
il porte encore des eaux. Le Bahr-Yousef n’est qu’une partie de cette ancienne
branche; mais elle en est la plus importante, et celle que l’on a le mieux entretenue
, à cause de sa destination. Il est probable que la petite portion qui joint le
Nil au Bahr-Yousef, vers Darout el-Cheryf, est celle qui a été creusée de main
d’homme, et cela, pour augmenter le volume d’eau destiné à arroser le Fayoum;
de là l’origine attribuée au canal entier.
On objectera peut-être que l’entrée du Fayoum, trop élevée pour recevoir des
eaux du point du Nil le plus voisin, n’en reçoit que parce qu’on a creusé exprès
un canal dont le niveau est plus élevé que le fleuve, et qui a une moindre pente;
mais on peut donner de ce fait une autre explication plus probable. Un véritable
bras du Nil paroît avoir coulé, dès les-temps les plus anciens, dans l’emplacement
du canal occidental, au moins depuis Abydus. Pour rapprocher les eaux
d’une direction plus voisine de l’axe de la vallée, il suffisoit de profiter de leur
différence de niveau avec cette ligne moyenne; or, si elles n’avoient pas été supérieures
à cette ligne, on n’auroit pas pu effectuer l’opération qu’Hérodote attribue
à Menés, lequel détourna le cours du Nil de l’ouest à l’est, vers l’emplacement
de Memphis, et le fit couler à égale distance des deux montagnes (3). Dès les
( 1 ) Voyez le Mémoire de M. Le Père aîné, E. M . tome 1. " , page z i. Voyez aussi A . D . chap. X X , page i j .
(2) Voyez A . M . tome 1." , page 10c, Mémoire sur le lac de Moeris.
(3) Voyez A . D. chap. X V I I I , page 34.
premiers temps historiques, le fleuve dut être ainsi partiellement et successivement
amené à suivre une direction plus centrale ; cet état n’a pas persévéré; car aujourd’hui
le Nil affecte une pente constante de l’ouest à l’est, et il se porte de plus en
plus vers la chaîne Arabique ; c’est ce qu’on voit par-tout eh naviguant ou marchant
auprès de la rive droite. Ainsi l’opinion la plus vraisemblable est que, dès
l’origine, les eaux avoient un cours naturel auprès de la montagne Libyque, que
leur niveau étoit supérieur au Fayoum, et que cette province les reçut aussitôt
que la gorge d’el-Lâhoun eut été ouverte et suffisamment abaissée ( i ). J’ajouterai
que quiconque suit les bords du Bahr-Yousef, reconnoît, à son aspect, à sa profondeur,
à ses nombreux détours, à ses plis et replis, qu’il n’a pas été creusé de
main d’homme.
Il est remarquable qu’on trouve de grandes villes auprès de cet ancien bras :
d’abord, Memphis; après Memphis, ce sont Hcracleopolis, Oxyrynchus, Hermopolis
magna, Abydus, &c., sans compter d’autres moins importantes. Les auteurs qui
nous peignent ces villes comme méditerranées et placées à l’écart du fleuve,
sont tous bien postérieurs à l’époque où le Nil fut rejeté vers la partie droite de
son cours. On doit penser, au reste, que, dès ces premiers temps, il existoit vers
la montagne Arabique une branche au lieu même où le fleuve a son lit, et qu’elle
n’a fait que s’agrandir par les pertes de l’autre; de manière que ces deux cours
d’eau, indépendamment des circonstances du sol et de quelques canaux de jonction
résultant des pentes locales, semblent seulement avoir subi entre eux une
sorte de permutation.
Les villes placées vers la partie orientale de la vallée, ou sur le cours actuel,
sont moins considérables; Panopolis, Antoeopolts, Acoris, Apliroditopolis, et plusieurs
encore moindres; d’autres enfin sont plus nouvelles, telles que Ptolemdis
et Antinoë.
On ne doit pas conclure de ce qui précède que nous regardons comme récent
le cours actuel du fleuve, dans l’Egypte supérieure : au contraire, à quelques variations
près dont nous pourrions citer des exemples ( 2), nous pensons que ce cours
représente celui qui existoit au temps des anciens rois. C ’est à l’époque la plus
reculée de la monarchie Égyptienne que le bras occidental a perdu son importance,
et la seule partie de cette branche qui en ait conservé,un peu est le Bahr-
Yousef; mais ce qui nous paroît incontestable, c’est que toutes sont l’ouvrage de
la nature. Au reste, on traduit mal le mot balir ( dans Bahr- Yousef) par canal:
il faudrait dire N il ou fleuve. Quant à l’origine du nom de Joseph, on n’a que de
vagues traditions. Que le patriarche ait donné son nom au canal, ou bien Saladin
[Salah el-dyn Yousouf ben Ayoub], l’un de ses noms, ce ne pourrait être que
pour l’avoir fait communiquer avec le lit principal du fleuve.
Il nous reste à dire un mot sur les lacs ou eaux stagnantes. L’Égypte supérieure
ne renferme qu’un seul lac, celui du Fayoum, si célèbre sous le nom de lac Moeris:
( i ) Cette ancienne direction seroit encore appuyée Fayoum : mais ce dernier point n’est pas èncore établi,
par les traditions des Arabes sur le Fleuve sans eau (2) Le fleuve passoit à Meyiaouy le siècle dernier,
[Bahr belâ m a ] , et sa communication avec le bassin du c’est-à-dire, à une lieue du lit actuel.
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