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frottement ou à la percussion elle exhale une,
odeur de poudre à canon, comme la pierre
calcaire ordinaire de l ’Apennin. L ’île est
partagée en deux hautes montagnes, Tune
orientale, où était le célèbre palais de Jupiter
bâti par Tibère , l’autre occidentale.
Dans la plaine qui les sépare, on trouve le
schiste calcaire micacé. Près de lui et quelquefois
meles ensemble, on rencontre en
morceaux détachés une pierre calcaire de
couleur gris-fonce à veines de spath, qui est
un mélangé de corps marins fort semblables
à quelques ammites décrites par Soldani.
L ’aspect vraiment pittoresque de cette jolie
plaine couverte d’arbres et enrichie d’habitations
, forme un contraste piquant avec l ’âpreté
des deux rochers qui la flanquent. Dans
un climat ou. la végétation est si puissante ,
on voit réunies dans un même point toute
la richesse et la beauté de la nature, et la
stérilité sauvage de montagnes qui rivalisent
les Alpes. Le féroce Tibère ne pouvait
pas choisir un lieu plus propre à devenir le
séjour des voluptés les plus recherchées, et
en meme-tems le théâtre des plus barbares
cruautés. L ’homme sensible peut frémir en
jetant les yeux-sur Caprée, s’il se souvient,
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s’il se représente le tyran qui en fit sa retraite,
sortant de ses délicieux bosquets et des bras
de ses maîtresses, pour se donner le spectacle
des cris, des douleurs et de l ’agonie des infortunés
qu’il faisait précipiter du haut de
ses rochers et rouler jusqu’à la mer (1).
En visitant Caprée, je trouvai presqu’au
sommet de sa montagne orientale, un grand
massif de pierre calcaire perce par le mytilus
litophagus, et dont la surface présentait d autres
petits trous de vers pareillement lito-
phages. La régularité , la forme des trous ,.le
poli de leurs parois , la direction suivant laquelle
ils sont forés, ne laissent aucun doute
sur leur origine, et excluent toute hypothèse
d’érosion atmosphérique ou de décomposition
de pyrites que l’on voudrait imaginer.
Ayant porté à Naples un très-gros morceau
de ce massif, il y fut observé par beaucoup
de naturalistes, et particulièrement par Ca-
volini, très-versé dans la connaissance des
corps marins ; et tous se convainquirent de
la vérité du phénomène. Si ces trous se fus-
(1) On parle ici de Tibère, d’après Tacite et Suétone.
C’est aux savans qu’éclaire une saine critique, à
décider s’il y a , ou s’il n’y a pas d’exagération dans les,
pécits de ces historiens.