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couverts d’un poil épais & fe c , & ne pouvant faire
d’exercice, ils diffipent peu & engraiflent par le repos,
quelque maigres que foient leurs alimens ; & que quoiqu’ils
n’aiertt ni b ois, ni cornes fur la tête, ni fabots
aux pieds, ni dents incifives à la mâchoire inférieure ;
ils font cependant du nombre des animaux ruminans,
& ont comme eux plufieurs eftomacs- ; que par confé-
quent ils peuvent compenfer ce qui manque à la qualité
de la nourriture par la quantité qu’ils en prennent à la
fois; & ce qui efl encore extrêmement fingulier, c ’eft
qu’au lieu d’avoir, comme les ruminans, des inteftins-
très-longs r ils les ont très-petits & plus courts que les
animaux carnivores. L ’ambiguité de la Nature paroît à
découvert par ce contraire ; l’unau & l’aï font certainement
des animaux ruminans, ils ont quatre eftomacs
, Si. en même temps ils manquent de tous les
caractères , tant extérieurs qu’intérieurs qui appartiennent,
généralement à tous les autres animaux ruminans : encore
une autre ambiguité , c ’eft qu’au lien de deux
ouvertures au dehors, l’une pour l’urine & l’autre
pour les excrémens, au lieu d’un orifice extérieur &
diftinét pour les parties de la génération , ces animaux
n’en ont qu’un feul,au fond duquel eftun égoût commun
, un cloaque comme dans les oifeaux ; mais je ne
finirais pas fi je voulois m’étendre lîir toutes les Angularités
que préfente la conformation de ces animaux:
J’efpace de vingt - fix jo u rs, pendant lefquels jamais il ne voulut ni
manger ni boire. Singular, de la France ont. par Thevet, page p p.
d e l ’ U n a u âf de l ’ A ï. 45
on pourra les voir en détail dans l’excellente defcription
qu’en a faite M. Daubenton.
Au refte, fi la misère qui réfulte du défaut de fen-
timent n’eft pas la plus grande de toutes, celle de ces
animaux, quoique très-apparente, pourrait ne pas être
réelle; car ils parodient très-mal ou très-peu fentir:
leur air morne, leur regard pefant, leur réfiftance indolente
aux coups qu’ils reçoivent fans s’émouvoir,
annoncent leur infenfibilité ; & ce qui la démontre,
c ’eft qu’en les foumettant au fcalpel, en leur arrachant
le coeur & les vifcères ils ne meurent pas à l’inftant:
Pifon * qui a fait cette dure expérience , dit que le
coeur féparé du corps battoit encore vivement pendant
une demi - heure, & que l ’animal remuoit toujours les
jambes comme s’il n’eût été qu’afToupi; par ces rapports,
ce quadrupède fe rapproche non-feulement de
la tortue, dont il a déjà la lenteur, mais encore des
autres reptiles & de tous ceux qui n’ont pas un centre
de fentiment unique & bien diftinét. Or tous ces êtres
* Secui femellam vivam. . . . . . halentem in fe fatum omnibus modi's
perfeâum cum p ilis , unguibus & dentibus amnioni more caterorum anv-
malium inclufum. Cor motumfuum validiffîme retinebat poftquam exemptum
erat e corpore per femi horium ; placenta uterina conjlabat multis particulis car-
iteis infar fubfantice renum, rubicmdis magnitudinis varice, inflarfabarum,
in illas autem particulas cameas ( temibus membranulis connexas ) per
multos ramulos vafa umbilicalia infiar fun is contorta, inferta erant. C or
foemelloe duas habebat ïnfgnes atrriculas cavas. Exempta corde coeterifque
vfceribus, multopof fe movebat & pedes lente contrahebat ficut dormi-
turiens file t. Adammillas duas cum totidem papillis in peüore femella C
ftêtus gerebant. Pifon, H ift. Brafi pag. j z s .
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