378 Histoire Naturelle
de la mer; le Lamantin qui n’eft plus quadrupède, n’efl:
pas entièrement cctacée, il retient des premiers deux
pieds ou plutôt deux mains; mais les jambes de derrière
qui, dans les phoques & les morfes, font prefqu’entiè-
rement engagées dans le corps, & raccourcies autant
qu’il eft poflible, fe trouvent abfolument milles & oblitérées
dans le lamantin ; au lieu de deux pieds courts.
& d’une queue étroite encore plus courte que les
morfes portent à leur arrière dans une direction horizontale
, les lamantins n’ont pour tout cela qu’une grofle
queue qui s’élargit en évantail dans cette même direction
, en forte qu’au premier coup d’oeil il fembleroit
que les premiers auroient une queue divifée en trois,
& des Caribes ou Caraïbes, habitans des Antilles ; c’cfî le même penpfe
& la même langue, à quelques variétés près : ils nomment le lamantin
manati, d’où les Nègres des îles françoifes d’Amérique, qui eftropient
tous les mots ont fait lamanati, en ajoutant l’article , comme pour dire
lit bête manati; de lamanati, ils ont fait lamanati, en fupprimant le troi-
tième a , & fàifànt fonner In; lamannti, lamenti, qu’on a écrit par un e;
par analogie prétendue avec lamentari, ce qui a donné lieu à l’analogie
des cris lamentables , fuppofes de la femelle quand on lui dérobe Ion
petit. Lettre de AL. de la Condamine a AL' dcBuffon, du 2 S mai 1 7 6 4 .
Je cite cette efpèce d’étymologie, de laquelle M. de la Condamine,
qui a demeuré dût ans dans les Indes occidentales, doit être bien informé
; cependant, je dois obfèrver que le mot manati, félon plufieurs
autres Auteurs , eft efpagnol & indique un animal qui a des mains ,
& que probablement les Guianois ou les Caraïbes qui font aflèz éloignés
les uns des autres, l’ont également emprunté des Elpagnols.
M a n a ti, Phocce gémis. Clufii exotic. pag. 132, fig. ibid.pag. 133;»
Manati. Hernand. H iß . M e x . pag. 323 , fig. ibid.
Manatus. Le lamantin. Brifl. R eg . anim, pag. 4 5 ,
des Phoques, des Morses, frc. 379
& que dans les derniers ces trois parties fe feroient
réunies pour n’en former qu’une feule; mais par une
infpeélfon plus attentive, St fur-tout par la difleétion,
l ’on voit qu’il ne s’eft point fait de réunion, qu’il n’y
a nul vertige dès os des cuifles & des jambes, & que
ceux qui forment la queue des lamantins font de fimples
vertèbres ifolées St femblables à celles des cétacées qui
n’ont point de pieds: ainrt ces animaux font cétacées
par ces parties de l’arrière de leur corps, St ne tiennent
plus aux quadrupèdes que par les deux pieds ou deux
mains qui font en avant à côté de leur poitrine. Oviedo
me paroît être le premier auteur qui ait donné une
efpèce d’hirtoire St de defcription du Lamantin ; « on
le trouve aflez fréquemment, dit-il, fur les côtes de «
Saint-Domingue ; c ’eft un très-gros animal d’une figure «
informe, qui a la tête plus grofle que celle d’un boeuf, «
les yeux petits, deux pieds ou deux mains près de la «
tête qui lui fervent à nager; il n’a point d’écailles, mais <c
il eft couvert d’une peau ou plutôt d’un cuir épais, c ’eft «
un animal fort doux ; il remonte les fleuves, St mange les «
herbes du rivage, auxquelles il peut atteindre làns fortir «
de l’eau ; il nage à la furfàce ; pour le prendre, on tâche «
de s’en approcher fur une nacelle ou un radeau, St on «
lui lance une grofle flèche attachée à un très-long cor- «
deau ; dès qu’il fe fent frappé, il s’enfuit St emporte avec «
lui la flèche St le cordeau à l’extrémité duquel on a foin «
d’attacher un gros morceau de liège ou de bois léger «
pour feryir de bouée & de renfeignement. Lorfque «
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