» l’animal a perdu par cette bleffure fon fang & fes forces
« il gagne la terre , alors on* reprend [’extrémité du
» cordeau, on le roule jufqu’à ce qu’il n’en refte plus
« que quelques brades ; & à l’aide de la vague on tire
j) peu à peu l’animal vers le bord, ou bien on achève
» de le tuer dans l’eau à coup de lance. Il eft fi pefant,
■ » qu’il laut une voiture attelée de deux boeufs pour le
» tranfporter ; fa chair eft excellente , & quand elle eft
» fraîche on la mangeroit plutôt comme du boeuf que.
» comme du poilfon | en la découpant & là fàifant lécher
3> & mariner, elle prend avec le temps le goût de la chair
3> du thon , & elle eft encore meilleure. Il y à de ées
33 animaux qui ont plus de quinze pieds de longueur fur
» fix pieds d’épaiffeur; la partie dé l’arrière du corps eft
33 beaucoup plus menue & va toujours en diminuant jufqu’à
33 la queue, qui enfuites’élargitàfon extrémité. Comme les
33 Efpagnols', ajoute Oviedo, donnent le nom dé mains.aux
33 pieds de devant de tous les quadrupèdes, & comme cet
33 animal n’a que des pieds de devant, il lui ont donné la
>3 dénomination d’animal à mains , Manati; il- n’a point
33 d’oreilles externes, mais feulement deux trous par lef:
33 quels il entend ; fa peau n’a que quelques poils alfez rares,
3» elle eft d’un gris cendré & de l’épaiffeur d’un pouce,
33 on en fait des femelles de fouliers, des baudriers, &c. La
» femelle a deux mamelles fur la poitrine, & elle produit
ordinairement deux petits qu’elle allaite3; 3. tous ces faits
rapportés par Oviedo font vrais , & il eft fmgulier que
'JFerdin. Oviedo. Hiß. Ind, occid lifa. XIII, cap. x.
Cieça“1, & plufieurs autres après lui aient- affuré que le
lamantin fort fouvent de l’eau pour aller paître fur la
terre, ils lui. ont fauffement attribué cette habitude naturelle,
induits en erreur par l’analogie du morfe & des
phoques qui fortent en effet de l’eau & féjournent à
terre, mais il eft certain que le lamantin ne quitte jamais
l ’eau, & qu’il préfère le féjour des eaux douces à celui
,.de l’eau falée.
Clufius dit avoir vu & mefuré la peau d’un de ces
animaux & l’avoir trouvée de feize pieds & demi de
longueur, &; de fept pieds & demi de largeur ; les deux
pieds ou les deux- mains étoient fort larges, avec des
ongles' courts. Gomara 1 affine qu’il s’en trouve que-’;
quefois qui ont vingt pieds de longueur, & il ajoute
que ces animaux fréquentent auffi-bien les eaux des
fleuves que celles de la mer ; il raconte qu’on en avoit
élevé & nourri un jeune dans un lac à Saint-Domingue
pendant vingt-fix ans, qu’il étoit fî doux & fi privé qu’il
prenoit doucement la nourriture qu’on lui préfentoit,
qu’il entendoit fon nom , & que quand on l’appeloit
d fortoit de l’eau & fe traînoit en rampant jufqu a la
maifon-pour y recevoir fa nourriture, qu’il fembloit
fè plaire à entendre la voix humaine & le chant des
enfans , qu’il n’en avoit nulle peur; qu’il les laiffoit
affeoir fur fon dos, & qu’il les paffoit du bord d’un
lac à l’autre fans fe plonger dans l’eau, & fans leur faire
’ Ohron. Peruv. cap. xxxi.
I ]- Lopes de Gomara. IRJl, gen, cap. Xxxi.
B b b iij