La voix du phoque peut fe comparer à l'aboiement
d’un chien enroué: dans le premier âge, il fait
entendre un cri plus clair, à peu près comme le miaulement
d’un chat; les petits qu’on enlève à leur mère
miaulent continuellement , & fe laiffent quelquefois
mourir d’inanition plutôt que de prendre la nourriture
qu’on leur offre. Les vieux phoques aboient contre ceux
qui les frappent, & font tous leurs efforts pour mordre
& fe vanger ; en général, ces animaux font peu craintifs,
même ils font courageux. L ’on a remarqué que le
feu des éclairs ou le bruit du tonnerre, loin de les
épouvanter, femble les récréer ; ils fortent de l’eau
dans la tempête; ils quittent même alors leurs glaçons
pour éviter le choc des vagues, & ils vont à terre
s’amufer de l’orage & recevoir la pluie qui les réjouit
beaucoup. Ils ont naturellement une mauvaife odeur,
& que l’on fent de fort loin lorfqu’ils font en grand
nombre: il arrive fouvent que quand on les pourfuit
ils lâchent leurs excrémens , qui font jaunes & d’une
odeur abominable ; ils ont une quantité de fàng prodi-
gieufe, & comme ils ont auffi une grande furcharge
de graiffe, ils font par cette raifon d’une nature lourde
& pefante ; ils dorment beaucoup & d’un fommeil
profond* ; ils aiment à dormir au foleil fur des glaçons,
* Nullum animal graviore fomno premitur. P im is quibus in mari utuntur,
humi quoque pedum vice ferpunt ; furfum deorfumque claudicantium more fe
moventes. . . . . Capitur dormiens vitulus marinas præfertim humano mueront
quia profundijfime dormit. Olaï Magn. de G ent.fep t. pag. 165.
fur des rochers, & on peut les approcher fans les
éveiller ; c ’eft la manière la plus ordinaire de les
prendre. On les tire rarement avec des armes à feu,
parce qu’ils ne meurent pas tout de fuite, même d’une
balle dans la tête ; ils fe jettent à la mer & font perdus
pour le chaffeur: mais comme l’on peut les approcher
de près lorfqu’ils font endormis, ou même quand ils
font éloignés de la mer, parce qu’ils ne peuvent fuir
que très-lentement; on les aflômme à coups de bâton
&. de perche: ils font très-durs & très-vivaces ; « ils
ne meurent pas facilement, dit un témoin oculaire ;
car quoiqu’ils foient mortellement bleffés, qu’ils perdent
prefque tout leur fang & qu’ils foient même
écorchés, ils ne laiffent pas de vivre encore , c ’eft
quelque chofe d’affreux que de les voir fe rouler dans
leur fang. C ’eft ce que nous obfervames à l’égard de
celui que nous tuâmes,& qui avoit huit pieds de lono-,
car après l’avoir écorché & dépouillé même de la plus
grande partie de fa graiffe, cependant & malgré tous les
coups qu’on lui avoit donne fur la tête & fur le mufeau,
il ne laiffoit pas de vouloir mordre encore ; il fàifit même
une demi-pique qu’on lui préfenta avec prefqu’autant de
vigueur que s’il n’eût point été bieffé ; nous lui enfonçâmes
après cela une demi-pique au travers du coeur
& du foie, d’où il fortit encore autant de fang que d’un
jeune boeuf. « Recueil des voyages du Nord, tome I I
page i iy èr fuïv. Au refte, la chaffe, ou fi l’on veut la
pêche de ces animaux n’eft pas difficile & ne laiffe pas
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