37ô Histoire Naturelle
des autres parties du nord de l’Amérique, parce qu’à
l’occafion de la pêche de la baleine on les a depuis
long-temps inquiétés & chaffés. Dès la fin du feizième
fiècle, les habitans de S.' Malo alloient aux îles Ramées,
prendre des morfes qui dans ce temps s’y trouvoient
en grand nombre a ; il n’y a pas cent ans que ceux
du Port-royal au Canada envoyoient des barques au
cap de Sable & au cap Fourchu, à la chaffe de ces
animaux b, qui depuis fe font éloignés de ces parages*
aufii-bien que de ceux des mers de l’Europe , ; car
on ne les trouve en grand nombre que dans la mer
glaciale de l’A f ie , depuis l’embouchyre dé l’Oby juf-
qu’à la pointe la plus orientale de ce continent dont
les côtes font très-peu fréquentées : on en voit fort
rarement dans les mers tempérées : l’efpèce qui fe
trouve fous la zone torride & dans les mers des Indes,
eft différente de nos morfes du nord; ceux-ci Craignent
vraifemblablement ou la chaleur ou la fafure des mers,
méridionales ; & comme ils ne les ont jamais travenféesy
on ne les a pas trouvés vers l’autre pôle , tandis qu’on
y voit les grands & les petits phoques de notre nord, &
que même ils y font plus nombreux que .dans nos terres
arctiques.
Cependant le morfe peut vivre au moins quelque
temps dans un climat tempéré: Evrard Worft dit avoir
vu en Angleterre un dé cés animaux vivant, & âgé de
“Defcription des Indes occidentales, par de Laët, page 4 2 .
fc Defcription de l’Amérique lèptentrionale, par Denis, tome ], page 6 ( ■
trois mois, que l’on ne mettoit dans l’eau que pendant
un petit efpace de temps chaque jour, & qui fe traînoit
& rampoit fur la terre ; il ne dit pas qu’il fût incommodé
de la chaleur de l’air, il dit au contraire que
lorfqu’on le touchoit , il avoit la mine d’un animal
furieux & robufte, Si qu’il refpiroit très-fortement par
les narines. C e jeune morfe étoit de la grandeur d’un
Veau, & affez reffemblant à un phoque; il avoit la tête
ronde, les yeux gros, les narines plates & noires, qu’il
ouvroit & fermoit à volonté; il n’avoit point d’oreilles,
mais feulement deux trous pour entendre ; l’ouverture
de la gueule étoit affez petite , la mâchoire fupérieure
étoit garnie d’une mouftache de poils cartilagineux gros
& rudes ; la mâchoire inférieure étoit triangulaire, la
langue épaiffe, courte , St le dedans de la gueule muni
de côté Si d’autre de dents plates ; les pieds de devant
& ceux de derrière étoient larges, & l’arrière du corps
refTembloit en entier à celui d’un phoque, cette partie
de derrière rampoit plutôt qu’elle ne marchoit ; les pieds
de devant étoient tournés en avant, & ceux de derrière
en arrière, ils étoient tous divifés en cinq doigts,
recouverts d’une forte membrane............la peau étoit
épaiffe, dure, & couverte d’un poil court & délié, de
couleur cendrée; cetanimal grondoit comme un fànglier,
Si quelquefois crioit d’une voix groffe Si forte ; on
l’avoit apporté de la nouvelle Zemble ; il n’avoit point
encore les grandes dents ou défenfes, mais on voyoit
à la mâchoire fupérieure les bolfes d’où elles dévoient
A a a ij