parce que tout y eft relatif, tout s’y fait par nuances,
tout s’y combine par approximation. De même, lorfque
j ’ai parlé d’une fubftance qui feroit entièrement pleine,
parce qu’elle feroit compofée de parties cubiques, &
d ’une autre fubftance qui ne feroit qu’à moitié pleine,
parce que toutes fes parties conftituantes feroient fphé-
riques, je ne l’ai dit que par comparaifon, & je n’ai pas
prétendu que ces fubftances exiftaffent dans la réalité;
car l’on voit par l’expérience des corps tranfparens, tels
que le verre, qui ne laiffe pas d’être denfe & pefant, que
la quantité de matière y eft très-petite en comparaifon
de l’étendue des intervalles; & l’on peut démontrer que
l ’or, qui eft la matière la plus denfe, contient beaucoup
plus de vuide que de plein.
La confidération des forces de la Nature eft l’objet
de la mécanique rationnelle , celui de la mécanique
fenfible n’eft que la combinaifon de nos forces particulières,
& fe réduit à l’art de faire des machines; cet
art a été cultivé de tout temps, par la néceffité & pour
la commodité; les Anciens y ont excellé comme nous;
mais la mécanique rationnelle eft une feience née,pour
ainfi dire, de nos jours; tous les Philofophes, depuis
Ariftote à Defcartes, ont raifonné comme le peuple
fur la nature du mouvement; ils ont unanimement pris
l’effet pour la caufe; ils ne connoiffoient d’autres forces
que celle de l’impulfion, encore la connoiffoient-ils
mal, ils lui attribuoient les effets des autres forces, ils
youl-oient y ramener tous les phénomènes du monde?
poujr
pour que le projet eût été piaufibie & la chofe poftible,
il auroit au moins fallu que cette impulfion , qu’ils
regardoient comme caufe unique, fût un effet général
& confiant qui appartînt à toute matière, qui s’exerçât
continuellement dans tous les lieux, dans tous les temps :
le contraire leur étoit démontré ; ne voyoient-ils pas que
dans les corps en repos cette force n’exifte pas, que dans
les corps lancés fon effet ne fubfifte qu’un petit temps,
qu’il eft bientôt détruit par les réfiftances, que pour
le renouveler il faut une nouvelle impulfion, que par
conféquent bien loin qu’elle foit une caufe générale,
elle n’eftau contraire qu’un effet particulier & dépendant
d’effets plus généraux l
Or un effet général eft ce qu’on doit appeler une
caufe, car la caufe réelle de cet effet général ne nous
fera jamais connue, parce que nous ne connoiffons rien
que par comparaifon, & que l’effet étant fuppofé général
& appartenant également à tout, nous ne pouvons le
comparer à rien, ni par conféquent le connoître autrement
que par le fait:ainfi l’attraction ou ,fi l’on veut,
la pefanteur étant un effet général & commun à toute
matière,& démontré par le fait,doit êtreregardée comme
une caufe, & c ’eft à elle qu’il faut rapporter les autres
caufes particulières & même l’impulfion, puifqu’elle eft
moins générale & moins confiante. La difficulté ne
confifte qu’à voir en quoi l’impulfion peut dépendre en
effet de l’attraétion : fi l’on réfléchit à la communication
du mouvement par le c h o c , on fendra bien qu’il ne
Tome X I I I , c