grands & placés haut, peu ou point d’oreilles externes,
feulement deux trous auditifs aux côtés de la tête, des
mouftaches autour de la gueule, des dents alfez fem-
blables à celles du loup, la langue fourchue ou plutôt
échancrée à la pointe, le cou bien delTiné, le corps,
les mains & les pieds couverts d’un poil court & affez
rude, point de bras ni d’avant - bras apparens ; mais
deux mains ou plutôt' deux membranes, deux peaux
renfermant cinq doigts & terminées par cinq ongles;
deux pieds fans jambes tout pareils aux mains, feulement
plus larges & tournés en arrière comme pour fe réunir
à une queue très-courte qu’ils accompagnent des deux
côtés, le corps alongé comme celui d’un poilïon,
mais renflé vers la poitrine, étroit à la partie du ventre,
fans hanches, lâns croupe & fans cuifles au dehors ;
animal d’autant plus étrange qu’il paroît fiélif, & qu’il
eft le modèle fur lequell’imagination des Poètes enfanta
les Tritons, les Sirènes, <5c ces dieux de la mer à tête
humaine, à corps de quadrupède, à queue de poiffon ;
& le phoque règne en effet dans cet empire muet par
fa vo ix, par fa figure, par fon intelligence, par les facultés,
en un mot, qui lui font communes avec les
habitans de la terre,fi fupérieures à celles des poiffons,
qu’ils femblent être non-feulement d’un autre ordre,
mais d’un monde différent; auffx cet amphibie, quoique
d’une nature très-éloignée de celle de nos animaux
domeftiques, ne laide pas d’être fufceptible d’une forte
d’éducation ; on le nourrit en le tenant fouvent dans
l ’eau, on lui apprend à fàîuer de la tête & de la voix,
il s’accoutume à celle de fon maître, il vient lorfqu’il
s entend appeler , & donne plufieurs autres lignes
d’intelligence & de docilité a.
Il a le cerveau & le cervelet proportionnellement
plus grands que l’homme, les fens auffi bons qu’aucun
des quadrupèdes, par conféquent le fentiment auffi vif,
& l ’intelligence auffi prompte; l’un & l’autre fe marquent
p r fa douceur, par fes habitudes communes,
par fes qualités fociales, par fon inftinét très-vif pour
fa femelle, & très-attentif pour fes petits, par fa voix h
plus exprefïïve & plus modulée que celle des autres
animaux ; il a auffi de la force & des armes, fon corps
eft ferme & grand, fes dents tranchantes, fes ongles
aigus; d’ailleurs il a des avantages particuliers, uniques;
fur tous ceux qü’on voudroit lui comparer ; il ne craint
ni le froid ni le chaud, il vit indifféremment d’herbe,
de chair ou de poiffon ; il habite également l ’eau, fa
* Vituli marini accipiunt difciplinam, voeeque parker & vifu populum
falutant : incondito fremitu nomine vocati refpondent. Piin. H iß . nat.
lib. I X , c ap .XIII. — U n Matelot Hollandoisavoit tellement apprivoifë
un veau m arin, q u ’ii lui faifoit faire cent fortes de fingeries. Voyages
de AliJJbn, tome I I I , page 1 1 y .
1 N ous entendions fouvent pendant la nuit, fur les côtes du Canada
la voix des loups marins qui reffembioit prelque à celle des chats-
kuants. Hißoire de la nouvelle France, par l ’Efcarbot. Paris, 1 6 1 2 ,
page 600. — Quand nous arrivâmes à l’île de Juan Fernandès, nous
entendions crier les loups marins jour & nuit ; les uns bêloient com me
des agneaux, les autres aboyoient comme des chiens ou hurloient
comme des loups. Voyage de Woodes Rogers, page 206.