3 4 2 H i s t o i r e N a t u r e l l e
puifqu’il n’avoit encore que quelques dents : or tous
les caractères que les Anciens donnent à leur phoca,
ne défignent pas un animal auffi grand, de conviennent
à ce petit phoque qu’ils comparent fouvent au caftor
& à la loutre, lefquels font de trop petite taille pour
être comparés avec ces grands phoques du nord ; &
ce qui a achevé de nous perfuader que ce petit phoque
eft le phoca des Anciens, c ’eft un rapport qui, quoique
faux dans fon objet , ne peut cependant avoir
été imaginé que d’après le petit phoque dont il eft ici
queftion , & n’a jamais pu en aucune manière avoir
été attribué aux phoques de nos côtes, ni aux grands
phoques du nord. Les Anciens , en parlant du phoca,
difent que fon poil eft ondoyant, & que par une fym-
pathie naturelle il fuit les moiivemens de la mer; qu’il
fe couche en arrière dans le temps que la mer baiffe,
qu’il fe relève en avant lorfque la marée monte *, &
que cet effet fingulier fubfifle meme dans les peaux
long-temps après quelles ont été enlevées & féparées
de l’animal: or l’on n’a pu imaginer ce rapport ni
cette propriété dans les phoques de nos côtes, ni dans
ceux du nord, puifque le poil & des uns & des autres
* Pelles eorum etiam detraâas corpori fenfum oequorum retinere tradunt
femper eejlu maris recedente inhorrefcerc. Plin. H ijl. nat. Iib. IX , cap. XIII;
— Severinus dit avoir vu ce miracle, mais il l’exprime avec tant d exagération
, qu’il en eft moins croyable ; il d it, que quand le vent du
feptentrion fouffle , les poils qui s’étoient élevés au vent du midi, fe
couchent tellement, qu’ils lèmblent difparoître. Mémoires pour Jervir
à l ’Hiftoire des animaux, partie I , page i p j .
des P h o q u e s , des M orses, frc. 343
eft court & roide ;elle convient au contraire en quelque
façon à ce petit phoque clpnt le poil eft ondoyant &
beaucoup plus fouple & plus long que celui des autres;
en général les phoques des mers méridionales ont le
poil beaucoup plus fin St plus doux a que ceux des
mers feptentrionales; d’ailleurs Cardan dit affirmativementb,
que cette propriété qui avoit paffé pour fa-
buleufe a été trouvée réelle aux Indes : fans donner
à cette affertion de Cardan plus de foi qu’il ne faut,
elle indique au moins que c ’eft au phoque des Indes
que cet effet arrive ; il y a toute apparence que dans
le fond ce n’eft autre chofe qu’un phénomène électrique
, dont les Anciens & les Modernes ignorant la
caufe, ont attribué l’effet au flux & au reflux de la mer.
Quoi qu’il en foit, les raifons que nous venons d’ex-
pofer font fulfifantes pour qu’on puiffe préfumer que ce
petit phoque eft le phoca des Anciens, & il y a auffi
toute apparence que c ’eft celui que Rondeletc appelle
Phoca de la Méditerranée, lequel félon lui a le corps à
proportion plus long & moins gros que le phoque de
l ’océan. Le grand phoque, dont M. Parfons a donné
les dimenfions & la figure, & qui venoit vraifemblable-
ment des mers feptentrionales, paraît être d’uneefpèce
" Les veaux marins de l ’île de Juan Fernandès, ont une fourrure fi
fine & fi courte que je n’en ai vu de pareille nulle part ailleurs. Voyage
de Dampier, tome I , page 1 1 S.
h Cardan, de fubtilitatc, Iib. X.
‘ Rondelet, de P ifcib u s, Iib. X V I .