3 7 4 Histoire Naturelle
L E D U G 0 N.
Le Dugon eft un animal de la mer de l’Afrique &
des Indes orientales, duquel nous n’avons vu que deux
têtes décharnées ou tronquées (pl. LV i ) , & qui par
cette partie reflemble plus au morfe qu’à tout autre
animal.; là tête eft à peu près déformée de la même
manière par la profondeur des alvéoles, d’où naiflent à
la mâchoire fupérieure deux dents longues d’un demi-
pied, ces dents font plutôt de grandes incifives que.
des défenfes ; elles ne s’étendent pas directement hors
de la gueule comme celles du morfe, elles font beaucoup
plus courtes & plus minces, & d’ailleurs elles
font fituées au-devant de la mâchoire, & tout près
l ’une de l’autre, comme des dents incifives, au lieu
que les défenfes du morfe lailîent entre elles un intervalle,
confidérable, & ne font pas fituées à la pointe,
mais à côté de la mâchoire fupérieure, Les dents mâ-
chelières du dugon different auffi, tant pour le nombre
* Dugon, Diigung, nom de cet animal à file de Lethy ou Leyte, l’une
des Philippines,& que nous avons adopté. Nota. J’ai trouvé ce nom dan?
le voyage Hollandois de CJiriftophe Barchewitz aux Indes orientales,
ouvrage qui a été traduit en Allemand & imprimé à Erfurt, en 175 i,
L ’Auteur dit que cet animal s'appelle à l’île de Lethy Dugung ou Ikan
dugung ; & qu’on l’appelle auffi Afanate. Cette dernière dénomination
lèmbleroit indiquer que ce dugon pu dugung eft un manati ou lamentin;
mais dans la defcription de ce Voyageur, il eft dit que le dugon a
deux défènlès groflès d’uiupouce , & longues d’un empan : or ce caractère
ne peut convenir au manati, & convient au contraire à l ’animal
dont il eft ici. queftion, & dont nous avons la tête.
que pour lapofition & la forme, des dents du morfe,
ainfi nous ne doutons pas que ce ne foit un animal
d’efpèce différente. Quelques Voyageurs qui en ont
parle 1 ont confondu avec le lion marin. Innigo de
Biervillas dit qu on tua près du cap de Bonne -elpérance
un lion marin-qui avoit dix pieds de longueur & quatre
de groffeur, la tête comme celle d’un veau d’un an,
de gros yeux affreux, les oreilles courtes, avec une
barbe hériffée, les pieds fort larges & les jambes fi
courtes, que le ventre touchoit à terre, & il ajoute
qu’on emporta les deux défenfes qui fortoient d’un
demi-pied hors de la gueule * ; ce dernier caractère
ne convient point au lion marin qui n’a point de défenfes
, mais des dents femblables à celles du phoque,
& c ’eft ce qui m’a fait juger que ce n’étoit point un
lion marin, mais 1 animal auquel nous donnons le nom
de dugon; d’autres Voyageurs me paroiflent l’avoir indiqué
fous la dénomination A’ours marin; Spilberg &
Mandelflo rapportent « qU’à l’île Sainte-ÉIifabeth, fur
les côtes d’Afrique, il y a des animaux qu’il faudrait ([
plutôt appeler des ours marins que des loups marins, «
parce que parleur poil, leur couleur & leur tête, ils CI
reffemblent beaucoup aux ours , & qu’ils ont feulement «
le mufeau plus aigu ; qu’ils reffemblent encore aux ours «
par les mouvemens qu’ils font & par la manière dont «
ifs les font, à l’exception du mouvement des jambes «
de derrière, qu’ils ne font que traîner ; qu’au refte ces «
* Voyage-d’Innigo de Biervillas, partie I , pages 3 7 & 3 ê.