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maux, des cires 8c des liqueurs colorées. Avec le
fecours de ces inje&ions, ils ont reconnu que des
parties qu’on ne foupçonnoit pas d’être vafcu-
ieufes, n’étoient cependant qu’un tilfu de vaif-
feaux. Cette induftrie, fi utile aux anatomiftes, ne
peut être employée avec le même luçcès fur les
végétaux , puifqu’il n’ eft pas poflible d’ajufter
des tuyaux à l’extrémité des vaiffeaux des plantes.
Il étoit donc néceffaire d’avoir recours à d’autres
moyens, & ces moyens ont été fournis par la force
de fuccion dont les différentes parties des plantes
font douées.
Bonnet, Duhamel & plufieurs autres phyficiens
ont laiffé tremper, pendant quelques jours, dans
une infufion d’encre, des branches de fureau & de
figuier. Après avoir coupé l’extrémité qui avoit
plongé dans la liqueur, ils ont remarqué, i° . qu’ôn
n’ appercevoit aucun trait noir dans l’écorce ;
2°. que le bois feul étoit coloré, furtout vers le
bas , 8c que la couleur fembloit s’ être raffemblée
vers les noeuds en plus grande quantité qu’ailleurs;
3°. que la moelle ne paroiffoit point avoir été tra-
verfee par l’encre.
Les mêmes phyficiens, après avoir plongé di-
verfes efpèces de branches d’ arbres dans d’autres
infufions, ont toujours eu à peu près les mêmes
réfultats : d'où ils ont conclu que la fève ne s’éle-
voit que par les vaiffeaux du corps ligneux, qu’elle
ne s’élevoit point par l ’é corce, 8c qu’ il en mon-
$oit fort peu entre le bois 8c l’écorce.
En vain, pour combattre cette vé r ité , objec-
teroit-on qu’on trouve de vieux ormes 8c de vieux
faulesqui produifent des rameaux vigoureux quoique
ces arbres foient creux dans leur intéritur,
ou quoique le bois de. leur tronc foit pourri : ce
qui ïembleroit démontrer que la fève s’élève presque
totalement par l’écorce. Cette obtervation
n’a aucune folidite j & fi l’on examine avec attention
les arbres qui font dans cet éta t, on trouvera
entre le bois pourri de leur tronc 8c l’écorce, plufieurs
couches ligneufes, par lefquelles la fève peut
être portée aux rameaux qui fe développent. De
plus, il eft de fait que de gros chênes écorcés, 8c
que l’ on tient à couvert des ardeurs du foleil, fub-
fiftent pendant plufieurs années, 5c reproduifent
une nouvelle écorce j mais comment ces .arbres
àinfi mutilés pourroient-ils v iv re , fe couvrir de
feuilles, fe revêtir d’une nouvelle écorce , fi la
fève ou le fuc nourricier ne s'élevoit par les fibres
du bois?
M. Coulomb a préfenté à l’ Inftitut national des
obfervations neuves fur cette queftion. Les expériences
de ce célèbre phyficieû le portent à croire
que la fève s’élève dans les végétaux par l'intermède
de la tnoçlle. En effet, ayant percé au prin-
tems quelques arbres, comme des peupliers &
autres, les fucs féveux ne commencèrent à fortir
qu’au moment où la tarrière eut .pénétré jufqu’à la
moelle ou dans fou voifimge ; il s’échappa en
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même tems une grande quantité de bulles d*airou
de quelques gaz qui fe précipitoient en faifant un
bruit confidérable.
Que la fève monte dans les plantes par une pref-
fion quelconque , ou par le moyen des vaifleaux
du corps ligneux, ou par l'intermède de la moelle ,
toujours eft-il certain qu’elle a un mouvement réel
d’afcenfion; nuis ce mouvement eft-il le feul qui
exifte dans la fève? Et doit-on penfer qu’elle puiffe
uniquement s’élever, 8c qu’à l'exception des parties
vraiment nourricières qui fe fixent dans la
plante, qui s’aflîmilent aux différens organes qu’ elles
abreuvent, toutes les autres parties foient inutiles,
ou fe diffipent par la tranipiration? Un grand nombre
de faits 8c d’expériences prouve qu’une partie
de cette fève s’écoule des brapches jufqu’aux racines,
ou, ce qui revient au même, que la fève
a encore un mouvement de defcenfion.
Duhamel, ayant greffé un jeune orme par fon
extrémité fupérieure fur le milieu de la tige d’un
autre orme plus gros qui étoit près de lui, coupa,
quand l’ union fuc bien formée, le plus petit de
ces deux ormes tout près de la terre : celui-ci,
loin de périr, continua pendant plufieurs années à
pouffer des feuilles fur les rameaux , & même il
acquit de la groffeur. Mais comment le jeune arbre,
qui ne recevoir plus de nourriture par fes racines,
puifqu’ il en étoit féparé, pouvoit-il végéter,
à moins qu’on ne luppofe qu’il ne fût nourri que
par la fève defeendante? Cependant ce que dit ici
Duhamel ne me paroît pas être fans quelques dif-
) fuuUé, quoique je fois parfaitement de Ion avis
| lur la lève defcendante.il me femble en effet qu’on
I pourroit »>b;e£ter que la fève, qui arrivoit dans
cette greffe, venoit directement des racines, &
qu’en montant elle fe détournoit en partie pour
paffer dans le jeune arbre , dans les organes duquel
elle continuoit à couler par une courbure
afeendante, 8c qu’elle ne faifoit là que ce qu'elle
fait habituellement pour les branches courbées en
divers fens.
Si l’on fait une entaille fur un tronc, l'humidité
qui borde les lèvres de la partie fupérieure de la
plaie, ne prouve-t-elle pas.le mouvement defeen-
dant de la fève? Qu’on faffe une forte ligature à
une jeune tig'e, il s’établira deux bourrelets, l’ un
au deffus de la ligature, & l’autre au deffous : le
bourrelet Supérieur fera mêmé plus gros que l’ inférieur,
parce que le volume de la fève qui s’é-
toit élevée, à été augmenté par les fucs afpirës par
les fieinHes; mais1 comment concevoir la formation
de ces deux bourrelets , à moins qu’ on ne fùp-
pofer d'ans la fève le. double mouvement d’afcenfion
8c de defcenfion? Si on plie une branche, 8c
qu’on en faffe tremper l’extremité fupérieure dans
l'eau, la fuccion ne tardera pas à s’établir, & l’on
verra diminuer la" quantité a’eau contenue.dans le
vafe.
La fève fuit-elle la même route dans fon double
mouvement?
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mouvement ? Nous avons vu que la fève afeendante
s’ élevoit ^ ou par les fibres ligneufes , ou par
la moelle: il eft probable que la fève defeendante
s’écoule par les fibres corticales les plus voifines
du bois. En effet, dans l'expérience des in je Crions,
la liqueur colorée s’étant élevée le long des fibres
ligneufes, commençoit à redefeendre parl'écorce,
o u , ce qui revient au même, la coloration du bois
commençoit par le bas, 8c celle de l’écorce commençoit
à fe manifefter par le haut.
Il eft plus facile de démontrer le double mouvement
de la fè v e , que de découvrir la manière
dont il s’opère, 8c quelle peut en être la caufe.
Toutes les opinions fur cette matière peuvent fe
réduire à deux. Parmi les phyficiens, les uns admettent
la circulation de la fè v e , 8c les autres la
rejettent, quoique ceux-ci reconnoiffent que les
liqueurs des végétaux ont divers mouvemens, félon
différentes directions qu’ils expliquent chacun
à leur manière.
Les phyficiens qui admettent la circulation de
la fève, prétendent que l’humidité dont Tes plantes
font nourries , monte, au fortir des racines, dans
la tige , dans les branches, dans les feuilles, dans
les fruits, 8cc. où elle dépofece qu’elle a de propre
pour la nourriture & pour l’accroiffement dé
ces organes. La partie furabondante ou inutile de
cette humidité redefeend dans les racines pour y
recevoir une nouvellé coCtion & une nouvelle préparation
; elle s’unit aux nouveaux fucs que les racines
ont tirés de la terre, 8c elle remonte avec
eux dans les parties fupérieures des plantes.
Les phyficiens, qui nient la circulation de la
fève j conviennent néanmoins qu’elle eft tantôt afeendante
, tantôt defeendante ; mais, en admettant
l’exiftence de ce double mouvement, ils ne
l ’attribuent pas à la même caufe.
Dodart penfoit qtte la fève afeendante étoit
différente de celle qui retournoit vers les racines ,
& que ces deux efpeces de fève étoient contenues,
dans des vaiffeaux de différente ftruClure ; ainfi il
ne lui manquoit plus , comme l’obterve Duhamel,
pour admettre la circulation de la fève, que de
convenir qu’ il y avoit quelque communication entre
ces deux fortes de vaifleaux.
Bonnet, dont les fublimes découvertes ont
éclairci tant de points obfcurs de )a phyfique végétale
, pente que le double mouvement de la
lymphe, dans les végétaux, doit te faire d’une
manière plus fi m pie, 8c exiger moins de préparations
que là circulation du fan g dans les animaux.
C ’eft une vérité, dit ce célèbre naturalifte, prouvée
par Pinfpeétibn des organes. En e ffet, les
plantes n’ ont point de parties qui répondent, par
leur ftruéture ou par leur jeu , à ce îles qui opèrent
la circulation du fang dans les grands animaux; elles
n’ont ni coe u r , ni artères, ni veines § leur finie»
Botanique. Tome V i l.
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tu ré eft Ample & uniforme; les fibres ligneufes,
-les utricules, les vaiffeaux propres , les tra h -e s ,
compofent le fyftème entier de l.urs vifeères, 8c
ces vifeères font répandus univerfellement dans
.tout le corps de la plante: on les retrouve julque
dans les moindres parties. Les vaiffeaux féveux
n’ont point de valvules deftinees à favori fer l’af-
cenfion de la fève , & à en empêcher la rétrogradation.
Quand les valvules échapperoient au micro
feope , l ’expérience prouveroit affez qu’elles
n’exiftent pas, puifque les plantes que l’ on plonge
dans l'eau, ou que-l'on met en terre par leur extrémité
fupérieure, ne biffent pas de végéter.
Il eft fi vrai que la fève monte 8c defeend librement
par les mêmes vaiffeaux, que fi, après avoir
coupé dans une belle faifon une branche, on adapte
au tronçon un tube de verre qui contienne du mercure
, on verra la fève élever le mercure pendant
le jo u r , & le l.ûff r tomber à l’approche de la
nuit. La marche de la fè v e , dans la belle faifon,
reffemble donc affez à 1a liqueur, d’un thermomètre
; l’ une 8c l’autre dépendent également des
alternatives du chaud & du froid.
Enfin, les divers phénomènes de la végétation,
qu’on a regardés comme de fortes preuves de la
circulation de la fèv e, ne la fuppofent point né-
ceffairemenr. Tous ces phénomènes s’ expliquent
de la manière la plus heureufe, par un principe fort
(impie , fondé.fur l’obfervation : c ’eft qu’ il y a
une étroite communication entre toutes les parties
d’une plante; elles font toutes, à i’égard les
unes des autres, dans un état de fuccion. La nourriture
que prend une de ces parties, fe tranfmet
aux autres ; les feuilles fe nourriffent réciproquement;
b racine pompe le fuc de la tige, la tige
pompe le fuc de la racine ; ainfi, du commerce
mutuel qui eft entre le fujet & la greffe , refaite,
cette communication réciproque de leurs bonnes
ou mauvaifes qualités qii’on allègue en preuve de
la circulation : le lue nourricier paffe alternativement
du fujet dans la greffe, 8c de la greffe dans
• le fujet.
On ne peut difeonvenir qu’ il n’y ait des rapports
entre les plantes & les animaux ; mais ces
rapports ont leurs limites, 8c on ne doit uter de
l'analogie qu’avec une extrême fobriété. Si la nature
a~ prodigieufement varié les formes, extérieures
des corps organifés, elle n’a pas moins,
varié les moyens qu’elle a choifis pour les faire
vivre, croître, multiplier Parmi les animaux mêmes
, combien en eft-il dans bfquels 1a circulation
ne fuit pas les mêmes lois qu’elle obterve dans
l’homme? N’y a-t-il pas encore des animaux dans
lefquels on ne découvre point de circulation ? N’en
exifte-t il pas même dans lesquels les alimens pa-
roiffent Amplement ballotés de haut en bas, 8c de
bas en haut?
Une partie du fuc nourricier qui s’élève par le«