
férentes d’âge , de fexe , de tempérament en
font uf'age avec confiance pendant le cours dJune
longue vie j d’autres au contraire en éprouvent
plulieurs inconvéniens.
Les expériences chimiques qu’on peut faire fur
cette plante ne peuvent nous fournir des notions
exaéles. Les parties qui femblent produire des e ffets
oppofés nous échappent, 8c l’ analyPè ne nous
en décèle que les parties' les plus grolfières. Le
doéteur Coakléy mit dans une infufîon d’excellent
thé bou & thé vert deux drachmes de . viande
de boeuf tué depuis deux jours j il en mit autant
dans de l’eau fimple : la chair plongée dans
le vafe qui çontenoit l’eau fimple entra en putréfaction
dans quarante-huit heures ; celle qui
éteit dans l ’infufion de thé n’annonça de la putridité
qu’environ foixante^douze heures après, fl
eft évident que le thé a une vertu antifeptique 8c
aftringente lur la fibre d’un animal mort. Il injeéta
dans la cavité de l’abdomen 8c dans le tiflu cellulaire
d’une grenouille vivante environ deux
drachmes de l’eau odorante diftillée du thé vert j
en vingt minutes une des pattes de derrière de
lu grenouille parut fort affeCtée ; furvint bientôt
après une perte totale de mouvement 8c de fenfi-
bilité j l’;ffedion du membre continua pendant
quatorze heures , 8c l’ engourdifiement univerfel
dura environ neuf heures , après quoi l’animal recouvra
par degrés fa première vigueur. Il injeéla
quelques gouttes de l ’eau diftillée odorante fur les
nerfs feiatiques mis à nu, ainfi que la cavité de
l ’abdomen d’une autre grenouille : dans l ’efpace
d’une demî-lTèure les extrémités devinrent paralytiques
8c inferifibies, 8c environ une heure après
elle mourur. Dans ces deux cas le réfidu de là
diftiUation n’a jamais produit aucun effet fenfible;
ce qui femb'e prouver que les parties relâchantes
ou. fédatives du thé dépendent beaucoup de fes
principes volatils, odorans , qui abondent fur-
tout dans le thé v e r t, dont* le parfum eft plus
exalté.
Le plus grand nombre des perfonnes qui jouif-
fent d’ une bonne fanté ne fe trouvent point fen-
fiblement affectées de l’ufage du thé > elles le regardent
comme un refta,urant agréable qui les rend
propres au travail, rétablit leurs forces épuifées.
Il y a des exemples de gens qui eh ont bu depuis
l'enfance jufqu’à la vieillefte , qui ont toujours
mené une vie aélive , fans fupporter de grands
travaux, 8c qui ne fe font jamais apperçus que :
fou confiant ufage leur fut nuifible ; d ’autres au ;
contraire, d’une complexion moins robufte, fe i
fentent agités; leur main eft moins ferme pour
écrire vou pour tout autre exercice qui exige de
Ja précifion dans les mouvemens, lorfqii ils ont
pris du thé à déjeuner. 11 s’en trouve qui n’en font
point incommodés le matin ; mais s’ ils en boivent
après leur dîner ils éprouvent des agitations & une
fpité df çrerqblçrnent involontaire, En général,
les tempéramens délicats fouffrent du fréquent
ufage du thé ; ils font très-fouvënt attaqués de
douleurs d'eftomac, d’entrailles, d’ affeêtions Cpaf«
modiquesaccompagnées d’une grande effuiîon
d ’urine pâle & limpide & d’une difpofition
à être inquiétés & déconcertés par le moindre
bruit.
Plus le thé eft de bonne qualité, plus fes effets
font fenfibles : on obferve que les gens riches en
font plus fouvent incommodés que la cia fié du
peuple, obligée de fe contenter du thé le plus commun.
On doit dans tous les cas interdire l’ ufage du
thé aux enfans 8c aux jeunes perfonnes ; il affeêie
leur eftomac, altère la faculté digeftive 8c engendre
plufîeurs indifpofitions.
En médecine on donne rarement le thé comme
remède. Dans les cas néanmoins où il eft néceffaire
de délayer, de faciliter les fécrétions, il pourroit
avoir au moins autant d’utilité que la plupart des
infufions.; car indépendamment de fes autres vertus,
il fernble contenir quelques qualités fédatives
dans fes principes, allez approchantes d’un opiat.
Lorfqu’ il eft néceffaire dé produire une trarifpira-
tion abonnante, on peut adminiftrer très-efficacement
8c très à propos une décoélion de thé. Il
provoque en général la tranfpiration , fans ftimule
r ni irriter le fyftème nerveux. On dit qu’au
Japon & à la Chine la pierre eft une maladie très-
rare , 8c que ces peuples fuppofent que le thé a la
vertu de la prévenir en rendant l’eau plus douce
& de meilleure qualité. On obferve que des perfonnes,
après un violent exercice, ou épuifées
par les fatigues d’un long voyage , 8c affe&ées
d’une fenfation douloureufeÇ d’un mal-aife général
3 accompagné de fo if 8c d’ une chaleur ardente,
en buvant quelques taffes de thé avoienc
éprouvé un foulagement fubit.
Les Chinois préparent un extrait de thé, qu’ils
'débitent comme une médecine dilfoute dans une
grande quantité d’eau , 8c lui attribuent plufîeurs
effets merveilleux dans les fièvres & autres maladies
q u md ils veulent procurer une tranfpi ration
abondante. Ils fabriquent quelquefois cet extrait
en petits gâteaux qui ne font pas plus grands qu’une
pièce de fix fous ; ou en rouleaux d’ une grandeur
confidérable,
Koempfer croît que le thé fraîchement cueilli
nuiroit à ceux qui le prendroient ; il ajoute que
la torréfaction n’ ôte pas ent éremenc aux feuilles
leur qualité narcotique., 8c qu’elle ne fe perd
qu’avec le tems. Les Japonois n’en font ufage
qu’au bout de dix mois , & encore le mêlent-ils
avec du vieux thé,
Cet arbriffeau, devenu, très-commun dans les
jardins botaniques de l’Europe , a été cultivé par
les Chinois 8c les Japonois de tems immémorial.
Kpe npfer nous apprend que ces peuples ne lui ré-
T H E
fervent aucun terrain particulier, & qu’ il eft cultivé
fur les lifières des campagnes , fans aucun
égard au fol. Dans le nord de la France, il n’exige
que l’orangerie ; il pafferoit même en pleine teire
dans les hivers doux ; mais il n’y a plus aucun
doute que dans l’ intérieur & dans le midi, expofé
au fud 8c dans un bon f o l , il n’y réufsît parfaitement.
Il préfère une terre douce , fubftantielle ,
ni compaCle ni légère : pendant l’été , il fe tiouve
mieux dans une fituation demi-ombragée, qu’en
plein foleil. On le multiplié par les marcottes, par
Jes boutures & par leurs rejetons quand ils en donnent
d’enracinés. Les premières font long - tems
à faire des racines : les boutures réulfiffent affez
facilement, étant fàitesjiu printems.
Dans la Chine , on met plufîeurs femencés dans
un trou , à* quatre ou cinq pouces de profondeur,
& à une certaine diftance les unes des autres. Ces
graines contenant une grande quantité d’huile ,
qui bientôt devient rance , à peine en germe-t-il
une cinquième partie. Dans l’efpace d’environ fept
ans, le thé parvient à la hauteur d’un homme;
mais comme , dans cet é ta t , il ne porte que peu
dé feuilles, 8c qu’il croît lentement, on le rabat.
Cette opération donne naiffance à un fi grand
nombre de nouvelles feuilles 8c de rejetons l’été
fuivant, que les propriétaires font abondamment
dédommagés de ce facrifice : quelques - uns diffèrent
de les rabattre jufqu’Ü ce qu'ils foient parvenus
à la dixième année. Lors de la faifon propre
à la cueillette des feuilles du th é , on loue des
ouvriers qui, accoutumés à ce travail , qui leur
fournit les moyens de fubfifter, font très-habiles
& très-prompts à remplir cette tâche ; ils ne les arrachent
pas par poignée, mais une à une, en obfer-
vant de grandes précautions. Quelque minutieux
que ce travail puiffe paroître, ils en ramaffent depuis
quatre jufqu’à dix ou quinze livres par jour. La première
laifon où l’on cueille ces feuilles, arrive à h
fin dé notre hiver : on leur donne alors le nom de
ficki -tsjaa , ou thé en poudre , parce qu’on les
pulvérife fcc qu’ on les met tremper dans l’eau
chaude. Ces feuilles, jeunes 8c rendres, n’ont
que quelques jours de poulie quand on les cueille ,
8c,eu égard à leur rareté 8c à leur prix, elles font
réfervées pour les princes 8c les gens, riches :
cette efpèce eft appelée thé impérial. On donne
suffi ce nom à une variété du thé qui croît auprès
à‘ UdJî, petite ville du Japon. Dans le diftrict de
cette petite ville fe voit une montagne agréable
qui porte le même nom : elle paffe pour avoir le
terrain & le climat les plus favorables à la culture
du thé ; au (fi eft-elle enfermée de haies 8c environnée
d’un folle fort large pour la plus grande
fureté. Ces arbrifleaux forment, fur cette montagne,
un plan régulier, efpacé par des allées. Il
y a des perfonnes prépôfées pour veiller fur ce
lieu , 8c garantir les feuilles de la poulfière 8c de
toute injure de l’air. Les ouvriers qui doivent en
THE SiS
cueillir les feuilles, quelques femaines avant que
de commencer cette befogne , s’abftiennent de
toute efpèce de nourriture grolfière, 8c de tout
ce qui pourroit porter aux feuilles quelque dommage
; ils les cueillent avec l’attentiop la plus
fcrupuleufe. On prépare enfui te cette variété de
thé impérial, 8c il eft efeorté par le furinteniant
des travaux de cette montagne. , avec une forte
garde 8c un nombreux cortège jufqu’à la cour de
l’empereur, pour l’ ufage de la famille impériale.
La fécondé cueillette fe fait dans le commencement
du printems. Quelques-unes des feuilles ,
à cette époque , ont atteint leur perfeélion ; d’autres
ne font pas encore arrivées à leur entière
croiffance, mais cependant on les cueille toutes
indifféremment , 8c après on les trie 8c a {forci t
dans différentes clalfes, félon leur âge , leur proportion
8c leur bonté; on fépare avec un foin particulier
les plus jeunes , 8c on les vend fouvent
pour la première cueillette ou pour le thé impérial.
Le thé cueilli dans ce tems s'appelle toatsjaa
ou thé chinois, parce qu’on en fait une infufion,
8c qu’on le prend à la manière chinoife. Il eft partagé
par les marchands 8c négocions en quatre
fortes, qu’ ils diftinguent par autant de dénominations.
La troifième 8c dernière cuêillette fe fait vers
le milieu de l’é té , lorfque les feuilles font touffues
8c qu’elles font parvenues à leur dernière croif-
fance. Cette forte de thé , appelée ban-tajaa , eft
la plus grolfière ; elle eft réfervée pour le peuple.
Les Chinois cueillent le thé vraifemblablemenc
comme les Japonois, en ce que ces peuples ont
entr’eux une fréquente correfpondance, 8c qu’ ils
ont un commerce confidérabîe ouvert les uns avec
les autres. Les Chinois , en quelques endroits
emploient un moyen fingulier pour cueillir les
feuilles des thés fitués fur le revers des montagnes,
dans des lieux efearpés, 8c où il eft communément
dangereux 8c fouvent impolfible d’approcher;
ils agacent, ils irritent une efpèce de grands
linges qui les habitent : ces animaux caffent les
branches , dit-on , pour fe venger ; alors on les
ramàffe facilement, 8c on en cueille les feuilles.
Quelques peintures groftîères de cette contrée
femblent confirmer cette anecdote, d'ailleurs rapportée
par des gens dignes de foi.
Au Japon, il y a des bâti mens publics, des cabarets
à thé pour le préparer. Toute perfonne qui
n’ a pas les commodités convenables, ou qui manque
de l ’intelligence néceffaire pour cette Opération
, peut y porter les feuilles a mefure qu’elles
fèchent : ces bâtimens contiennent depuis cinq
jufqu’ à dix ou vingt petits fourneaux , hauts d’environ
trois pieds ; chacun d’eux porte une platine
de fer large 5c plate , ronde ou carrée , attachée
fur le côté qui eft au de {fus de la bouche du four-
. .fiëau ; ce qui garantit tout-à-la-fois l’ouvrier de