
la chaleur du fourneau & empêche les feuilles de
tomber. Des ouvriers aflîs autour d’une table longue
& baffe, couverte de nattes fur lefquelles
on met les feuilles , font occupés à les rouler. La
platine de fer étant échauffée jufqu’à un certain
degré par un petit feu allumé dans le fourneau qui
eft deffous, on met fur cette platine quelques livres
de feuilles nouvellement cueillies. Ces feuilles
, fraîches & pleines de fè v e , pétillent quand
elles touchent la platine, & c'eft l'affaire de l’ouvrier
de les remuer avec toute la vivacité poflîble
& avec les mains nues , jufqu’ à ce qu’elles deviennent
fi chaudes j qu’il ne puiffe pas aifémenc
en fupporter la chaleur j alors il énlève les feuilles
avec une forte de pelle aflez reffemblante à un
éventail, & les verfe fur des nattes : ceux deftinés
à les mêler , en prennent une petite quantité à-la-
fois , les roulent dans leurs mains & dans une
même direction, tandis que d’autres les éventent
continuellement, afin qu’elles puiffent fe refroidir
le plus tôt poflîble, ôc conferver leur frifure plus
long-te ms.
Ce procède eft répété deux ou trois fois &
plus fouvent, avant qu’on mette le thé dans les
magafins, afin de’ faire difparoître toute l’humidité
des feuilles, & qu’elles puiffent conferver plus
parfaitement leur frifure à chaque répétition. On
chauffe moins la platine, & cette opération s'exécute
plus lentement 8c avec précaution j alors le
thé eft trié & dépofé dans le magafin pour l’ ufage
domeftique ou l’exportation. Comme les feuilles
du thé ficki ou impérial doivent être ordinairement
réduites en poudre avant qu'on en faffe ufage ,
elles doivent être rôties à un plus grand degré de
féchereffe : quelques - unes de ces feuilles étant
cueillies fort jeunes, tendres & petites, on les
■ plonge d’abord daijs l’eau chaude j on les ôte furie
champ, 8c on les fait fécher fans les rouler. Les
gens de la'campagne ne prennent pas tant de précaution
5 ils préparent leurs feuilles dans des vafes
de terre. Cette opération toute fimple répond à
toutes lesautres indications, leur occafionne moins
d’embarrasmoins de dépenfes, & leur facilite
les moyens de le vendre à meilleur marché. Pour
compléter la préparation de celui qu’on deftine à
être exporté, on le tire des vafes où on l’ avoit
renfermé, & on le fèche une fécondé fois fous
un feu doux , afin qu’ il foit dépouillé de toute
l’humidité qui pourroit s’y trouver encore , ou
qu’ il auroit pu contracter depuis fa première opération.
Au Japon le thé commun eft confervé dans des
pots de terre dont l’ouverture eft étroite} mais la
meilleure forte de th é , celui dont font ufage l’empereur
8c les grands de l’Empire, eft renfermé dans
des vafes de porcelaine. Le bantfaa ou le thé le
plus greffier eft mis, par les gens de la campagne-,
dans de s corbeilles de paille, faites? en forme de
kfirils j qu’ils placent fousTe toit 4e leur maifen *
près de l’ ouverture par où la. fumée s’échappe ;
8c s'imaginent que le thé n’en fouffre aucun dommage.
Dans la Chine, on met les fortes de thé les
plus précieufes dans des vaiffeaiix coniques, fem-
blabies à des pains de fucre, faits de lutenaque,
d’étaim ou de plomb, revêtus de fines nattes de
bambou, ou dans des boîtes de bois carrées, &
recouvertes de plomb laminé , de feuilles fèches
,8c de papier} c’eft de. cette manière qu’il eft exporté
dans les pays étrangers.
Le thé commun eft-mis dans des pots , dont on
le retire pour l’empaqueter dans des boîtes ou dans
des caiffes auffitôt qu’il eft vendu aux Européens,
Lerfque la moiffon du thé eft finie, chaque famille
ne manque pas d'en témoigner fa reconnoif-
fanceà l’Être bienfaifant de qui ils tiennent cette
précieufe récolte.
11 eft inutile , dit M. Fougeroux , de s’élever
contre un propos répété fans fondement en F rance.
On y dit communément que les Chinois ne nous
envoient que le thé qui, pour leur ufage , a déjà
fouffert une infufion. Il faudroit que cetarbre fût
bien rare dans ces provinces pour que ceux qui en
font un commerce immenfe, le ménageaffent à ce
point. Ce qui peut avoir donné lieu à cette fable,
c’eft peut-être l’opération de la vapeur de l’eau
bouillante qu’on lui fait fubir, & qu’on a mal à-
propos pris pour une infufion.
On connoît en général dans le commerce trois
variétés de thé vert, 8c cinq de thé boa. i° . L'impérial
au fleur de thé ; il a des feuilles larges , déliées
, d’un vert-gai, d’une odeur foible, délicate.
2°. Hy hiaun ou hi-kiong, que nous connoiffons
par le nom de thé hyfon , ainfi appelé d’ un marchand
des Indes orientales, lequel eft le premier
qui l’ait apporté en Europe} fes feuilles font étroitement
roulées & petites, d’une, couleur verte,
tirant fur le bleu.. 30. Le thé finglo ou fanglo, qui
reçoit fon nom, comme Dlufieurs autres thés, du
lied où il eft cultivé. Les. variétés fuivantes appartiennent
au thé bon } favoir : 40. Soochuen ou fut-
çkong, que les Chinois appellent faatyang ou fu-
tyanny il donne une infufion couleur vert-jaunâtre.
c°. Camho ou fournit) , ainfi appelé du lieu où il eft
cueilli } ç-’ eft un thé qui a un grand parfum 8c une
odeur de violette ; fon infufion eft pâle. 6°. Conge
ou bong-fo ; il a une feuille affez large : il reffembie
au thé bou par la couleur de fa feuille. 70. Pecko
ou pekoe j appelé par les Chinois back-ho ou pack-
ho : on le connoît aux petites fleurs blanches qu’on
y a mêlées. SQ. Le thé bou commun , appelé moji
par les Chinois., a les feuilles d’une feule couleur.
On apporte auflî de la Chine une forte de thé d’une
forme différente,&difpoféerv gâteaux ou en boules
de diverfes couleurs. ( Duhani. nowv..édit. )
E s p è c e s .
Thtu
i . T hé vQftr Thea viridis. Linn,
A. Thea foliis lanceoluto-ovatis, trenails; floribus
tnneapetalis. (N. )
Thea floribus enneapetalis. Linn. Spec. Plant, vol.
It pag. 735. — H ill, Exot. tab. 22. — Gærtn. de
Fruft. & Sem. vol. 2. pag. 83. tab. 95. fig- i- — -
L am . 111. Gener. tab. 4 7 4 . fig. 2. — Willd. Spec. ■
plane, vol. 2. pag. 1 180. n®. 2. — Desfont. Annal,
du Muf. d’Hift. nat. Paris. vol. 4. pag. 20.
Thea c'antonienfls. Loureirö, Flor. cochin, pag.
414.
Theufinenfis. Blackw. tab. 351.
B. Thea foil is ovato-lanceolatis} ferratis • floribus
pe'ntapetalis. ( N. )
Thea floribus hcxapetalis. Linn. Spec. Plant. vol.
I. pag. 734. — Hort.Cliff. 204. — Mater, medic.
136. .— Anioen. Acad. vol. 7. pag. 239. tab. 4. —
Hill, Exot. tab. 22. — Biackw. tab. 352. •—Thunb.
Flor. japón- pag. 22J.— Lam. Illuttr. Gener. tab.
474, fig. 1 .— Willd. Spec.Plant. vol. 2 .pag. ir8 ö f
n°. I..
Vulgairement thé bou.
«. Thea- ( laxa ) , foliis dliptiço* oblongis, rugöfls.
Aiton, Hort. Kew. vol. 2. pag. 230, ‘ '
Thee. Koempf. Jap. pag. 605. tab. 606.
Theefrutex.Bzn. A tt. 4. pag. I . tab. I. — Bont.
Javan, pag. 87. tab. 88. — Leffem. Differt. Lugd.
Bat. 1769. tab. t.fig. 1. 1.
Thé frutex chinenfis, tfia j aponenfis .Barrel. Icon.
Rar. pag. 128. tab. 904. .
Thee finenfium3five tfla japonenflbus. Breyn. Cent.
in . tab. 11,2. Icon. 17. fig. 3. — Boccon. Muf.
414* tab. 94.
Chaa. C . Bauh. Pin. 147.
Evonymo ajflnis , arbor or tent n lis, nucifera, flore
rofeo.Piuken. Almag. pag. 139. tab. 88. fig. 6. ,
p. Thea (ftri&a) , foliis-lanceolatis , planis.
Aiton , Hort. Kew. vol. 2. pag. 231.
Linnaeus 8c, d’après lu i, plufieurs autres bota-
ni.ftes ont Cru devoir diftinguer deux efpèces de
thé, le thé bou & le thé vert, parce que , fuivant
eux, l’ un a fix pétales & l’autre neuf. Linnæus
ajoute encore que les feuilles du premier font plus
alongées que celles du fécond : tels font le« feuls
càraftères qui en étâbliffent la différence } mais,
d’après les obfervations de Lettfom, publiées à
Londres en 1799, le nombre des pétales du thé
v-ert & du thé bou eft fujét à varier depuis trois
jufqu’à n e u f, de forte que le principal caraêlère
indiqué par Hill & par Linnaeus n’eft pas admif-
fible, & Lettfom, n’ayant pu en découvrir aucun
autre, regarde avec raifon le thé vert & le thé
bou comme deux variétés dues à l’influence du
Botanique, Tome V IT
1 fol ou du climat. Thunberg, dafis fa Flore du Japon>
n’en admet non plus qu’une efpèce, & il penfe
que le thé vert eft une variété du thé bou. Koemp-
fer n’en reconnoît pareillement qu’une feule, qui,'
comme toutes les plantes cultivées, a produit plusieurs
variétés. «« Les obfervations que j’ai faites,-
dit M. Desfontaines, fur quelques individus que
l’on cultive au Muféum, & dont deux ont fleuri
abondamment, ont fervi à me convaincre de l’exactitude
de celles de Koempfer , de Thunberg & de
Lettfom. »■
Le thé eft un arbfiffeau rameux& toujours vert,
1 qui croît à la hauteur de cinq à fix pieds, fuivânt
Koempfer & Thunberg, quoique d'autres voyageurs
â{furent qu’ il s’ élève jufqu’à trente. Ses
feuilles font alternes, dures, ovales-alongées ou
elliptiques, d’ un vert un peu luifant, entières près
de leur bafe , dentées en feie dans le refte de leur
longueur, & portées fur un pétiole court, demi-
cylindrique ; les bourgeons font afgus, &: accompagnés
d’une écaille qui fe détache & tombe à l’époque
de leur développement*
Les fleursnaiffent ou folitairesou plus rarement
deux à deux dans les aifielles des feuilles fur des
pédoncules courts & un peu épais. Leur calice eft
p e tit, perfiftant, à cinq divifions obtufes.La co rolle
eft plus ordinairement compofee dé fix pétales
blancs arrondis & ouverts,les deux extérieurs
plus petits, inégaux. Les étamines 3 au nombre dé
plus de deux cents, font plus courtes que la corolle
& attachées fur l’ ovaire , fupportant des anthères
à deux loges} l’ovaire d'une forme triangulaire,
arrondie, furvnonté d’un ftyle partagé en
trois ftigmates filiformes 5 il devient une capfule
à trois loges rondes, monofpermes, réunies par la
bafe, & s’ ouvrant longitudinalement d’un feul
côté. Les femences font fphériques, anguleufes
intérieurement, de la groffeur d’une aveline, re-
: vêtues d’ une peau mince, luifante, un peu dure ,
de couleur marron. Elles renferment un noyau huileux,
d’ une faveur amère & défagréable, qui
excite la falivation & occafionne même des nau-
fées.
Cet arbriffeau croît en Chine & au japon. On
le cultive dans plufieurs jardins de l’Europe, où il
fleurit fouvent} mais il eft rare qu’il y fructifie. ï j
Le thé fe cultive depuis Canton jufqu’ à Pékin,
où l’hiver, d’après les obfervations des millionnaires,
eft plus rigoureux qu’à Paris. «Il feroit fans
doute poflîble, die M. Desfontaines, d’élever 8c
de propager en France cette plante précieufe, fi
l’on poùvoit fe procurer un affez grand nombre
d’ individus pour en faire des effais de culture dans
différens fols & fous des climats différens. « Cet 1 objet mérite l'attention du Gouvernement, parce
que la confommation du thé eft immenfe , & que
le commerce de cette denrée s’élève tous les ans
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