
RECUEIL D’ANTIQUITÉS.
des numéros fuivà.ns. Cette addition rendoit la grande
lyre plus pefante que la cythare ou petite lyre : c’eft pourquoi
on la fufpendoit aux épaules avec une courroie ou
un baudrier , comme le pratiquent encore les joueurs de
vielle ; aufli Apulée 1*appelle-t-il opta balteo 3 lyre à baudrier.
On remarque cette courroie aux figures d'Apollon
joueur de lyre, Mufagète, Palatin, Aétiaque, &c. _
Quelquefois on pinçoit la grande lyre avec les doigts,
comme la figure du n°. 7 , P/. CCCXLVIII, tirée des
peintures d’Herculanum { IV , 41 )• Ordinairement onia
pinçoit avec le pleétrum, mot qu'il faut conferver en
français, & ne pas rendre par celui d'archet ( petit arc
garni de crin) dont les Anciens ne paroiffent pas avoir
fait ufage. Le pleêtrum étoit un morceau de bois ou
d ’ivoire que l’ on empoignoit, qui étoit terminé d'un côté
par une efpèce de bouton ou de renflement, de l'autre
par une efpèce de feuille médiocrement pointue , & avec
lequel on pinçoit les cordes. 11 eft très-apparent au nf. 1,
P/. CCCXLIX , tiré des peintures ( 1 ,43 ) d’Hercula-
num, où l'on voit les chevilles qui fixoient les cordes à la
traverfe.
On voit à la lyre du n°. 2 , PL CCCXLIX, tirée des
vafes grecs de terre cuite ( Hamilion , 1760, I , 1 0 9 ) ,
deux petits cercles traverfés par deux diamètres &
percés de quatre trous, qui paroiffent deftinés à donner
îlfueàl'air, comme les ouïes de nos inftrumens à cordes,
faites en S dans les violons, & en C dans les baffes. Les
ouïes paroiffent fous la forme d'yeux à la lyre du n°. 3 ,
PI. CCCXLIX, qui préfente difrin élément un chevalet.
Cette lyre eft tiree des vafes grecs d'Hamilton (1800 ,
I I , PL X X X V ) . Le même Recueil a fourni la lyre du
n°. 4 , PI. CCCXLIX, remarquable par les courroies qui
pendent à fon corps , & celle du n°. j ,P / . CCCXLIX,
que l'on croiroit avoir des touches ( U l , 7 , 6? 2, 24). Le
premier Recueil des mêmes {U I , 31) vafes a..fourni l’élégante
lyre du n°. 6 , PL CC CXLIX. Les lyres des «os. 1 ,
2 , PL CCCL, font tirées des peintures d’Herculanum
{ I V , 5 5 ) , ( Voyage ae Saint-Non , 22, 44). La lyre du
n°. 3 , PL. CCCL, eft tirée du farcophage de Julia T y -
rannia, confervé à Arles ( Voyages ae Millin, U , Planche
X X X V i l , pag. 292). Le pieftrum paroît être attaché,
à.la lyre fur fa furface poftérieure : c'étoit probablement
ainfi qu'on l’y attachoit quand on ne la pinçoit
pas , car l’inflrum'ent n'a point de cordes.
In fi: uma.1t a cordes & à Long manche. Le même tombeau
d ’Arles préfente l’inftrument du n°. 4 , Pt. CCCL, qui eft
de cette efpècè II eft compofé d’un coffre femblable à ;
celui de notre mandoline, & d’un manche long comme j
celui du fiftre allemand, garni de trois chevilles pour]
tendre les cordes. . j
Quoique cet infiniment ait quelqu’analogie avec le j
violon , on ne peut dire cependant que les Anciens aient
connu ce dernier, dans le fens où l’ on ne pourroit en
jouer qu’avec un archet garni de crins.
Sur une médaille des Theffaliens ( Eckel, Sylloge , 2)
Apollon Aéliaque tient une lyre qui a les deux tiers de
fa hauteur. — Ammien Marce’lin dit ( 14 , $) que de
fon tems, le quatrième fiècle de l’ère vulgaire, il y avoir
des lyres aufïi groffes que des chariots : fabricantur
lyr& ad fpeciem carpentorum ingentes : c ’eft peut-être ces
lyres énormes qu'ifidore (22, 2 1 ) appelle indiennes, &
dont il dit que deux muficiens jouoient à la fois : que
dicuntur indice. & feriwuur a duobus fimul.
Je ne décrirai pas le pfalterium, inftrument à cordes
triangulaires, parce que les notions fur cetinftrumentfou
trop confufes.
Ç. V . Inftrumens compofés.
Le plus célèbre de ces inftrumens eft VorganUm J
l'orgue. Le mot organum eft équivoque 5 il exprime tau
tôt un concert de voix , tantôt^ un concert d’inftj
mens, quelquefois un inftrument a cordes , quelquefois
un inftrument à vent. En parlant de l'orgue des. Anciens,
il faut dire ordinairement l’orgue hydraulique ; car il f^
plus ufité chez eux que l’orgue pneumatique, l'orgue i
vent ou à foufflet & fans eau. il eft cependant fait mets
tion de celui-ci dans Manilius ( v. 3^9 ) & dans u®
épigramme de l’Anthologie, compoféé par l’Emperem
Julien ( Brunckii AnaléBa, 22,403 , n°. 11 ).
Athénée ( lib. 4 , cap. 23 ) dit que Ctefibius avoir
inventé l'orgue hydraulique fous le règne de Ptolémée-I
Évergète-Second, dans le deuxième fiècle avant l’ère
vulgaire. « C et inftrument, dit-il, rèfiemble à un aiitel
» r o n d , & il eft garni de petits tuyaux: un enfant agit.
» l'eau renfermée dans fa capacité, qui produit les Ions
» en chaffant l’ air par les tuyaux. » L’ eau chafloit-elle hii.
par fa chute comme dans les trompes de s forges, ou
faifoit-elle tourner une roue à laquelle des fouffiets
roient été adaptés ? On ne peut répondre avec ctrtitiil;
à- cette queftion. Quoi qu’il en foit, les orgues furent ad-
mifes fur les théâtres fous le règne de Néron
Elagab.). Montaigne dit, dans fon Voyage a3Italie., qui
vit encore ( en 1 y 81 ) à Pratolino , maifon de phifane
des ducs de Tofcane, & à Tivoli chez le cardinal dej
Ferrare y des orgues hydrauliques & des jeux de toute
efpèce produits par des chutes d’eau.
Sur un bas-reliefde la villa Pamphili, publié par Wjnc-
kelmann ( Mon. ant, n°. 189 ) , dellïné ici fous lex • j,
PI Cl CL, on voit un orgue hydraulique & l’etfrant qui
agite l’ eau. Le cercueil de Julia Tyrannia^confervé]
Arles, prefente l ’orgue du n°. 6 , PL CCCL. M, Milia
le décrit ainfi ( Voyage, I I , PL X X X V I I , pag. 291)
« Sur une bafe qui paroît hexagone, & placée elle-meiw
» fur une plinthe carrée, eft une rangée de tuyaux inc
» gaux raffemblés par une traverfe. Ces tuyaux pofent
» fur une efpèce de coffre qui a la forme d'un paraüeli-
» pipède. Des deux côtés font deux gros cylindres qoi
» paroiffent communiquer de la bafe héxagone au coffre]
» de l’inftrument. Je penfè que nous voyons ici un orgue
» delaformela plus ancienne .... On diftingueparfaitemeff
« le coffre & la bafe ( dans lefquels étoient renferma
sa l’eau ou les fouffiets ) , le canon mujîeus { dans lequel
33 étoient engagés les tuyaux) , les tuyaux, les traverles..
33 On voit de plus deux gros tuyaux latéraux qu’on n’oM
»3 ferve pas dans les orgues deffinées jufqu'ici : c’étoieptj
33 peut-être desréfervoirs d'air..... Comments’ypreno«'
33 on pour jouer de cet inftrument? Selon Théodoret,oo
33 fe contentoit d’y promener les doigts pour boucher 00
33 tenir libres les ouvertures des tuyaux & en tirer arnB
33 les différens fons. Mais Vitruve paroît faire ment10®!
33 d’ une efpèce de clavier : il dit qu'outre les tables «I
33 les traverfes il y avoit des règles que Porphyre apç1"
33 pie Br a quadrata , lefquelles, étant preffées par les doigtfil
33 produifoient une variété de modes & de fons. Ces«'
33 pèces de touches reffembloient peut-être à ces p ^ l
33 plaques mobiles qui fervent à bouchér les trous «1111
>3 flûte ou d’une clarinette, & que nous nommons cler.»
SUITE DE LA SECONDE PARTIE. z55
L I V R E V I I L
NAVIGAT ION.
A la fin du livre de la Guerre j’ai décrit les navires
ït guerre le bec {rofirum) dont leur proue étoit armée,
les tours de bois que l’on élevoit fur leur tillac , les machines
de guerre que l’ on y plaçoit, les boucliers que 1 on
attachoit fur les bords, pour mettre les archers a cou- ;
Sert, &c. Je ne parlerai ici que.de là navigation en gé-
itérai 3 & "des navires qui ne fervoient pas ordinairement ]
l i a guerre. . . - ■ „ . | . v
K te s navires des Anciens alloient a rames & a voiles ou
I la fois ou féparément. Sur un jafpe gravé de la Collée-.
Ion de Stofch { f.xi'eme clajfe, b°. 44) on voit Un navire
pns rames, allant à toutes voiles. Ils faifôient-ordinairement,
en vingt-quatre heures, 16’, 67 myriamètres
/ trente lieues, marines , de 20 au degré ) ; car c’eft
|ar ces nombres’ qu’il faudroit évaluer les mille ftades
lu e l’on parcouroit dans l’ efpace d’ une nuit & d’ un jour,
f fyofios, en prenant le ftade nautique de Ptojémée,
de 167, 617 mètres (86 toîfes) c’eft encore
aujourd’hui la marche moyenne des vaiffeaux , trente à j
Irentc-trois lieues. Quelquefois, à l aide d’ un bon vent & j
à force de rames , ces navires faifoient plus de chemin. ]
Apollonius ( Argonautic. ) die qu’il y avoit du mont i
Àthôs à Myrina dans l’île de Lemnos une diftance égale
I l ’efpace que peut parcourir un bon navire, du lever
du foleil jufqii à midi : cette diftance eft de 58^71 my-
ffiamètres ( environ dix lieues marines ).
| On ie fervit d’abord, pour marcher fur les eaux, de
Ironcs d’arbres réunis lorfqu’ils étoient petits , & creu-
|es lorfqu’un feul pouvoit contenir un ou plufieurs navigateurs.
Je ne donne point de deflïns des radeaux 5
biais on en voit ici deux des barques 3 elles font tirées,
rjjes peintures d’Herculanum ( V I I I , pag. 299). Le n°. 1,
PI. CCCLI, préfente un tronc creufé, avec une proue
p g t f, recourbée, & avec une pouppe coupée perpendiculairement
; b°. 2 , PL CCCLI 3 plus fimple dans fa
forme totale, eft plus travaillée quant à l’ornement :
la proue préferite une tête d’oifeau.
■ Le cuir fut employé pour faire des barques. Tantôt fous
b forme d’outres que l’ on enfloit, & que l’ on réuniffoit
four former une forte de radeaux. Ceux qui les condui-
,Soient à la fuite des armées, comme nos pontonniers,
.etoientles utricularii3 nommés dans quelques inferiptions.
Tantôt on tendoit fortement de s cuirs fur des bâtis de bois
loger, aflfemblés fous la forme d’une barque, nxolav.....
f?ro hfftùriaiv, ditZofime {lib. 3, pag. 158 :16 79 ). Il ne
faut pas confondre ces cuirs avec les peaux, dont on
j«ouvroit les navires, foit pour fervir de tente , foit pour
pettre les foldats & les rameurs à l’abri des traits. {C&Jar
pBl. civil3 222, 1 <).
On employa meme en Égypte, pour faire des radeaux ,
Jos grands vafes de terre cu ite, qui fervoient, comme
Dos tonneaux de bois , à conferver le vin. En les liant for-
■ taxjent^enfemble, ils pouvoient porter des hommes qui
elcendoient ainfi le Nil. On voit fur plufieurs pierres*
■ lavees des Génies portés fur de grands vafes, qui font
■ Uulion a cet ufage.
Le cordage des barques n’étoit lié & coufu qu'avec
des joncs, & en Egypte avec du papyrus ; mais celui
des grands navires étoit alfemblé avec des clous de fer.
Végèce ( IV , 34 ) dit avec raifon, que ceux de bronze
étoient préférables^ parce que cet alliage eft moins fujec
à fe rouiller dans l’eau , que le fer.
Le doublage des navires a été employé parles Anciens.
« Dans le tems que je faifois travailler près du lac de
33 Riccia, dit Léon - Baptifte Alberti dans fon Traité
33 d’architeélure ( liv. 5 , ch. 12) , on découvrit le navire
» qu’on appelle le trajan. Il avoit demeuré au fond de ce
33 lac pendant plus de treize cents ans. En le confidérant
33 avec attention, je remarquai que fes planches de pin
33 & de cyprès étoient encore dans leur entier. Ce vaif-
33 feau avoit le dehors tout bâti dais doubles, enduits de
33 poix-réfine de Grèce, calfatés de morceaux de toile,
33 & couverts de grandes plaques de plomb, qui étoient
33 attachées avec des clous de cuivre. » '
Les navires & les barques étoient peints avec de la
cire diverfement colorée, afin que cette matière grafie
les préfervât de l’humidité. Pour remplir les fentes on era-
ploÿoit la cire en maffe ( Luc i an Dial. Mon:, l V , tom.I,
pag. 342), mais on la mêloit alors avec de la poix. Dès
les premiers tems de la navigation on peignit les navires
en rouge ( Herodot., I I I , pag. 229 , Wejfcl.). Dans les peintures
antiques coloriées de Bartoli ( Paris, 17^7 ) on
voit à la P l . X X IV , trois barques. Le corps des barques
eft violets l'aplufire eft rouge5 les ornemensfont rouges,
bordés de jaune, & verts.
Les navires longs fervoient à la guerre, &pour porter
des nouvelles, des ordres, &c. Les autres étoient compris
fous la dénomination de navires- ronds, quoiqu’ils
euffent rarement une rondeur parfaite , forme peu commode
pour la navigation., On en voit ici deux fous les
nos. 3 & 4 , PL CCCLI. Le premier, tiré de la colonne
prétendue antonine, eft chargé de boucliers 3 le fécond
fe voit fur une pierre gravée du Mufeum fioreminum { I I ,
tab. 5 0 , 2 ). Le fond des navires étoic-il plat, comme
celui de nos bateaux ? ou les navires des Anciens avoientils
une quille angulaire ?......L'hiver on tiroit les navires
fur la terre : ces navires entroient dans les fleuves & les
remontoient. On en peut conclure que fi leur fond
n’étoit pas abfolument plat, du moins n’avoit-il qu’une
courbure légère.
Quoique les Anciens fe ferviflent de voile, cependant
tous leurs navires alloient à rame. Les birèmes, les trirèmes
, &c. étoient-elles ainfi nommées, parce que deux ,
trois, &C. rameurs faifoient mouvoir chaque rame, ou
parce qu’ il y avoit de chaque côté du navire, deux , trois ,
&c. rangs de rames placés l’un au deffus de l’autre ? Les
antiquaires ont été long-tems partagés fur cette queftion
5 mais aujourd’hui tous ont embrafféla fécondé opinion,
qui eft fondée fur des textes & fur les marbres.
Ariftophane ( Rane, a B. I V , fc. 2 ) dit que les rameurs
pouvoient laiffer tomber leurs ordures fur ceux du dernier
rang, appelés thalamites. Dans le combat naval entre