
GÉNIE & GÉNIES. « Dès que nous naiflbns, dit
» Servius ( Æneid. F l , 443 ) 3 deux Génies, font chargés
„ de nous accompagner : l'un nous exhorte au bien 5
33 lfautre nous pouffe au mal........Ils ne nous quittent
33 qu’après la mort, & alors nous fommes ou deitmes a
,3 une meilleure vie , ou condamnés à une plus mau-
33 vaife. » Cette doétrine étoit reçue chez les G re cs ,
qui fans doute l’avoient puifée dans-TOrient : de la
vient que, fur les marbres & les médailles , on voit le
Génie de l’Empereur , qui eft repréfente ordinairement
comme le Bon'Événement, & quelquefois ayant.fur la
tête le panier, fymbole de l’ abondance. On y voit au lu
le Génie des Armées, qui eft repréfenté debout entre les
enfeignes. Le Sénat eut fon Génie, qui etoit revetu de
la tog e , fans doute de la toge bordée de pourpre. Le
Génie du peuple romain étoit diftingué par la couronne
rayonnée, ou par le bandeau royal & par le feeptre. Les
tours placées fur la tête des Génies de pays, de peuple,
de ville, & c . , les font reconnoître. Ceux des fleuves &
des montagnes portoient des attributs particuliers.^
Les Anciens attribuèrent des Génies aux Dieux mêmes :
ces Génies tiennent ordinairement les attributs de la Divinité
qu’ ils repréfentent ou-à laquelle ils font attaches.
Les Étrufques & les anciens Grecs leur ont donné de
grandes ailes. Le Génie de Bacchus éut un nom particulier
: on l’ appeîoit Acratus (vin p u r ) , & Paufanias avoit
vu à Athènes fon portrait peint fur une muraille. Dans
l’article des. M u s e s j’ai décrit leurs Géniesy ce qui
pourra fervirj à donner une idée dés Génies■ des autres
Divinités. . , . ‘ . . . ,
liée avec une ceinture, ont des chauffures qui s e lèvent
jufqu’ à mi-jambe, portent chacun un vafe fait en forme
de corne ( rhyton ) , qui fervoit aux libations fe tien-,
nent de l’ autre main. C ’eft une patère que 1 on voit dans,
l’ autre main de deux figures femblables qui font lculp-.
tées fur un autel de la galerie de Florence, qui et:oit
jadis dans la villa Médicis, & fur lequel fe lit auffi 1 mi-
cription Laiibus Auguftis. - ■ .
Sur une médaille de la famille Cæfia {Gejfn. tom. U ,
tab. 6 ,n ° . 25 ) , on voit deux figures affifes , demi-nues ,
coiffées avec le bonnet à rebords, le pétafe, tenant une
hafte & portant l’autre main fur un chien. Deux monogrammes
Je ferai obferver au fujet des Gemes des Divinités en
général, & en particulier du Génie proprement dit, que
les Modernes placent fi fouvent dans leurs compofitions,
que I on ne trouve point de flamme fur la tête des Génies.
dans les ouvrages des Anciens. •••• „ . . j
Les Anciens croyoient qu’il exiftoit de mauvais Gé- j
nies, comme Apulee nous 1 apprend, & que les âmes
erroienf fur la Terre après leur féparation des corps.
C ’ eft d’eux que nous viennent les fables ridicules des
xevenans, & même des loups-garous.
Paufanias raconte (Eliac. 11, cap. 7 , pag. 468, Kunii ) 1
«c que, dans deux villes appelées liera & Temeffa, il y
» avoit exifté un Génie qu’ Euthymus avoit chaffé. Ce
s, Génie étoit trè s-n oir, horrible à- vo ir , & couvert
» d’ une peau de loup. On l’appeloit. Lybas. »
Les Romains juroient par leurs Génies, & les femmes
par leurs Junons ; elles appeloient ainfi les Génies de leur
fexe; Mais le ferment le plus redoutable étoit de jurer
par le. Génie de l’Empereur'.
LARES. G’étoient chez les Romains les bons Génies
de chaque famille , de chaque maifon, de chaque quart
ie r , de chaque ville. Le temple des Lares deiRome étoit
fitué dans; la nuitième région. Les Lares étoient auffi les
protecteurs des champs, des chemins, &c. C’ étoit en
l ’honneur des Lares proteûeurs des carrefours, que l’on
célébroit à Rome des fêtes appelées Compitalia ou Lara-
ries, que Macrobe défigne plaifamment ( Satura. 1, 10)
fous le nom de la Solennité des petites 'ftatues ( celebritas
fiaillariorum ) . Dans chaque famille on rendoit en effet
un culte à de petites figures des Lares , que l’on confer-
voit auprès du foyer ou dans une armoire appelée Lara-
rium. Sur un autel du muféum Pio-Clémentin on lit ces
mots : La r i -bus Augustîs , & l ’ on voit les deux figures
du n°. 3 , PL CCXXVl. Ges Lares font couronnés de
laurier, vêtus d’ une fimple tunique courte fans manches,
que l’on décompofe ainfi, LA & R E , forment
l’ abrégé du mot LAREs. On fait que le chien etoit con-
facré aux Lares, comme étant charge avec eux de la
garde des lieux domeftiques. Plutarque ( Qusfi. Rom.
10m. I l , pag. 176) dit même qu’on les revetiffoit de la
peau de cet animal. • ,
On offroit aux Lares , du vin, des gateaux ; on les cou*
ronnoit de violettes, de thym, de romarin, d épis, & c .>
on allumoit des lampes en leur honneur. Les jeunes pa-,
triciens qui avoient atteint l’âge de la puberté, leur con-
facroient leurs bulles, & les efclaves , en devenant libres,
leur offroient leurs chaînes. Le porc etoit leur victime
ordinaire ( P Tout. Menechm. att. I l , f c . z ) . Les voyageurs
religieux portoient toujours quelque petite ftatue de$
dieux Lares. A chaque repas on réfervôit une portion de
"viande, qu’on leur offroit.
PÉNATES. Les Pénates étoient regardés ordinaire-
1 ment comme les Dieux tutélaires de la patrie. Quelquefois
auffi on donnoit ce nom aux Dieux qui etoient ho-
: noré^dans les maifons particulières, & c’ étoient alors
les mêmes Divinités que les Lares. ( V o w leur.article.) _
Les Pénates étoient différens, félon les Divinités qui,
dans chaque ville , dans chaque contrée , recevoient un
culte particulier. Denys d'Halicarnaffe K - 1 ) dit qu on
! confervoit à Rome, dans un temple près du Forum , les
Pénates apportés de T roye: « C ’étoient dit-il, deux
. „ jeunes hommes affis, armés chacun d’une lance. » Aulli
voit-on fur des médailles d’argent de la famille Anna ,
deux têtes accolées, fans barbe, ceintes d’un bandeau,
avec-la légende D f.i p en a t es . Cependant on trouve
dans les peintures du Virgile du Vatican (Æneid. 111,
verf. 147, pàg. 67) , les Pénates de Troye apparoiflant
à K née , pendant fon fommeil, fous la forme de^ deux
vieilFards, avec de la barbe, la tête couverte avec l’ample
draperie dans laquelle ils font enveloppés, & vêtus de
longues tuniques. On lit au deffus de leurs têtes : D ii
PENATES^ , , , r>/
On doit donc peindre en general, pour Penates d une
ville ou d’une contrée, les Divinités que l’on ÿ réveroit
particuliérement.
NYMPFIES. De même que des Génies répandus dans
tout l’Univers préfidoient à tous les élémens , a tous
les phénomènes, de même auffi les Nymphes rtmplif-
foient des fondions analogues. Les Divinités de lun &
de l’autre fexe avoient auffi des Nymphes pour former
leur cortège : les Mufes étoient les Nymphes d’Apollon.
On confacroit quelquefois, aux Ny mphes de petits temples,
mais le plus fouvent des antres ou des cavernes
creufées de main d’homme & ornées, que l’on appeloit
des Nymphéas. C ’étoit là qu’ on célébroit ordinairement
lés myftères. Longus (. Paflor. L'd>. 1 ineunte) décritauili
les-portraits des Nymphes, qui étoient « fculptees en
33 fimple pierre ,les pieds nus ainfi que les bras jufqu’aux
33 épaules, la chevelure flottante fur le dos, le vêtement
33 relevé autour des reins, & le coup d’ oeil gracieux. »
En général, les Nymphes étoient vêtues très-légérement j ■
mais il n’en eft pas de. même des Mufes, dont les vête-
mens font toujours longs & amples. Philoftrate ( hon.
lib. 1 , cap. 1 s ) dit : « Examinez 1 es.Nymphes par familles.
*> Des gouttes d’eau s’échappent de la chevelure des
,3 Naïades. Quant aux Nymphes qui préfident à la garde
du bétail, elles ont un extérieur plus négligé ; elles
j>- font pénétrées de rofée-: leur chevelure eft ornée de
3» fleurs d’hyacinthe naiffantes.. ?? '
Les draperies des Néréides étoient de couleur vert
de mer. Dans le deflin colorié d’une peinture antique,
confervé à la bibliothèque, du Vatican ( Munum. a.aie.'
n°. 18) , une Naïade porte une tunique légère, couleur
d’acier ou glauque, & un manteau vert.
Les attributs des Nymphes étoient relatifs à leurs fonctions
: c’ étoient des coquilles, des urnes, des plantes,
des rameaux d’arbres. — Sur un farcophage du Capitole
& fur un bas-reliëf de la villa Borghèfe, les Nymphes,
compagnes dë Diane, portent des ailes comme on en
voit à quelques Génies ; mais on ne voit nulle part ces
Nymphes ( le s Oréades)• avec le carquois. ( Winckdm.
Allég•)
TERRE. On confondit quelquefois la Terre ( Tellus )
avec Cybèle & Vefta j mais elle eu t, en Grèce & â
Rome, des temples, des oracles & un culte particuliers.
Dans un de fes temples, fitué en Achaïe, fur les bords
du Grathis , elle étoit appelée la DéeJJe au large fein , à
caiife de fa fécondité. On la voit fur plufieurs monumens.
Elle paroît ici' fous le ti°. 1 , PL iC X X F I l , & elle eft
tirée d’un bas-relief de la villa Borghèfe, qui repréfente
la chute de Phaéton , & que Winckelmann a publié
( Monum. ant. n°. 4^ )> Couronnée d’épis , tenant une
fleur & la corne d’ abondance, le fein découvert, elle
eft à demi couchée , & trois enfaus, fymboles des trois
faifons qui partagepient anciennement l'année, jouent
auprès a ’elle.
Sur une médaille de grand bronze de.Commode (Gejf-
neri I I , Impp. rom. tab. 122, n°. 9)3 qui porte à L exergue
T ellus st ABU. it. , la Terre raffermie, on voit une femme
couronnée d’ épis, nue jufqu’à la ceinture., aflïfe fur la
Terre, tenant la corne d’abondance de la main gauche,
quelle appuie fur un panier rempli de fruits, & la droite
fur un grand globe qui'eft place à fes côtés. Les quatre
Saifons , repréièntées par quatre jeunes filles tenant divers
attributs , montent fur ce globe.
La diftinélion entre la Terre & Cybèle eft évidemment
prouvée par un bas-relief de la galerie du palais Albani,
publié par Winckelmann (Monum. àntic. a°. 28 ). , qui
repréiente l’adultère de Mars & de Vénus. On y voit
d’un côté Cybèle affife fur un liège très-orné, ayant deux
lions à fes cotés ; & de l’autre, la Terre aflïfe fur le payé,
appuyée fur un boeuf couché , qui étoit fon fymbole chez
les Égyptiens (Macrob. Satura. lib. 1 , cap'. 19 ), & tenant
là corne d’abondance.
Dans la colle&ion des pierres gravées de la galerie de
Florence ( I I , tab. 8 7 ) , on voit la Terre appuyée furàin
rocher, & tenant la corne d’abondante'.
FLORE. Quelques écrivains ont dit que Flore étoit
une divinité des Sabins, de qui les Romains l’avoient
reçue , qu’elle n'a voit pas été-connue des Grecs j
mais IMine*.(_'/£. 36 , cap. y), dit-qu'on, vôyoit à Rome une
ftatue de Flore, ouvrage de Praxitèle. On lui attribue
auffi une tête couronnée de laurier, portant des boucles
d’oreille,. qui fert de type à des médaillés des Marfeil-
lo is , peuple originaire-de Grèce. Sur les médailles de la
famille Servilia, ori lit que Caïus Servilius, fils de Marcus
, établit le premier les fêtes appelées Florales ; &.
d’ après cela on attribue avec raifon à Flore la tête de
femme, couronnée de fleurs, qui eft fur l’autre face de
la médaille.
Quant aux ftatues de Flore, il eft très-douteux que
nous en ayions qui foient authentiques. A celle du Capitole
, la main le bouquet quelle tient, font des additions
moderqes : il en faut dire autant de la couronne de
fleurs que tient celle du palais Farnèfe. Les fleurs dont
.ces ftatues font couronnées, ont fait naître l’idée de ces
reftaurations ; mais Winckelmann croit qu’elles repréfentent
des Mufes, peut-être Érato & Terpfichore.
■ POMONE. La déeffe des fruits eut à Rome un temple
& un prêtre d’un ordre fupérieur, Flamen pomonalis.
I Elle eft repiréfentée Jiir une lampe du Récueil de Pafferi
( tome-Il) , vêtue d’une longue tunique fans manches,
liée avec une ceinture j d’ un grand manteau qu’elle fou-
tient de fes deux mains à la hauteur de la ceinture, &
qui eft rempli de fruits j elle eft couronnée d’ épis. On
la voit ici au n°. 2, PL CCXXPU.
Ori trouve dans le même Recueil une autre figure de
Pomonè, qui eft vêtue d une tunique longue & d’ une
courte, toutes deux fans manches & liees avec une
c.einture. D’ une main elle tient un fruit, & elle porte fur
la,tête une corbeille remplie de fruits.
V ERTUMN E, dieu des jardins & des vergers chez
les Étrufques. Les Romains lui élevèrent un temple, &
inftituèrent,*dans le mois d’oétobre, des fêtes en fon
honneur. L’étymologie du nom latin de Vertumne le fait
dériver de ventre , changer, tourner; auffi croit-on que
ce dieu étoit l’emblème de l’année & de fes variations.
On avoit raifon de feindre avec Ovide ( Metarn. lib. 14),
qu’il prenait différentes figures pour plaire à Pomone ,
c’eft-à-dire, pour conduire lés fruits à leur maturité. Le
poète le fait paroître fucceflïvement fous celles d’un laboureur,
d’ un moiffonneur, d’un vigneron, & enfin d’une
vieille femme, pour défigner le Printems, l’É té , l’Automne
& l’Hiver. On ne connoït point.de véritable figure
de P ertumne. On dit qu’il étoit repréfenté fous la figuré
d'un jeune homme couronné de plufieurs efpèces de
plantes, tenant des fruits d’une main, & de l’ autre la
corne d’abondance.
ANGÉRONE fut chez les Romains la divinité du fe-
cret & du filençe, comme Harpoerate &Sigalion l’avoient
été chez les Égyptiens-Gïecs. Si l’on étudie le paffage
de Macrobe (Satura. iïb: 3, cap. 9 ) , où cet écrivain parle
du filence rigoureux que la fuperftition faifoit obferver
aux Romains fur le nom de la divinité tutélaire da
Rome, on reconnoîtra dans Angérone l’ emblème de ce
fecret politique & religieux. Cette obfervation eft de
Caylus, qui, dans fes,Recueils d’antiquités (tom. U l) ,
a publié la figure du rc®. 3, Pl. CCXX PII.
On peut dire que . le caractère particulier d’Angérone
eft de porter l’ index d’une main à fa bouche.
ESPÉRANCE. Cette divinité fut honorée d’un culte
particulier chez les Romains. On la voit fouvent fur
I leurs médailles, où elle eft drapée à la manière des Étrulr