
L I V R E V I .
JE UX E T M A S Q U E S .
C E livre elt dïvifé en deux fe&ions, jeux particuliers
& jeux publics. Je dois rappeler ici que ce Recueil
étant fpécialement deftiné pour les artiftes & à fervir pour
leurs compofitions , je parlerai principalement des jeux
dont les monumens nous ont confervé quelques traces.
S E C T I O N PR EMIÈ R E .
Jeux particuliers.
§. Ier. Jeux des enfans.
Les jouets des enfans, crepundia, étoient appelés en '
grec j outre leur nom ordinaire , yvo^ie-pcf]*, parce
qu’ on les plaçoit dans les plis des langes des enfans que
l ’on expofoit, afin de les faire reconnoître par la fuite.
Les romans grecs & les comédies latines imitées des.
grecques, ont fouvent pour dénoûment les reconnoif-
fances opérées par les crepundia. On en verra le détail
dans Héliodore ([Æthiopic. I F ) & dans Longus (lib. i) .
Plaute, dans le Rudens ( I F , 4 , 10 9 ), décrit les jouets
avec lefquels une fille avoit été expofée dans fon enfance
: c’étoit une petite épée d’or, enficulus, fur laquelle
étoit gravé le nom du père ; une petite hache d’ o r, fecu-
ricula , fur laquelle on lifoit celui de la mère; une petite
pièce de monnaie d’argent, ficilicula; deux mains jointes,
une petite truie avec fes petits, fucula, & une bulle
d’ or , huila aurea, que fon père lui avoit donnée le jour
de fa naiflance.
Le fcholiafte de Valère-Maxime dit que l’ on fufpen-
doit au cou des enfans, des bulles, de petits coraux, des
clochettes , parce qu’ ils aiment le bruit que font ces
jouets quand on les agite.
Le prince de Bifcari à recueilli & publié dans une Dif-
fertation fur ces petits objets ( Traftulli de Bambini, in-40.) ,
plufieurs jouets qui font parvenus jufqu’ à nous. On y
trouve deux de ceux dont a parlé Plaute, cité plus haut,
un très-petit onyx gravé en relie f, rëpréfentant deux
mains jointes, deffinéici fous le nQ. 1 , PL CCCXXXV,
& une très-petite truie de terre cuite, deffinée ici fous
le n°. 2 , PI. CCCXXXV. Quant à la bulle d’or, elle eft
deffinée dans les coftumes des enfans romains. On voit
encore, dans la Differtation du Prince de Bifcari, la clochette
de bronze du n°. 3 , PL CCCXXXV $ le petit vafe
de terre cuite du n°. 4 , Pi. CCCXXXV; enfin la tirelire
de terre cuite du n°. y , PL CCCXXXV. Boldetti
( Ojferva^i. fopra i Cïmit. de’ SS. MM. tom. ƒƒ, tav. 1 ,
nos. ƒ , 6 ) dit qu’il a trouvé dans les anciens cimetières
de Rome deux tire-lires fèmblables, qu’ il croit avoir fervi
aux enfans pour conferver les petites pièces de monnaie
que leur donnoient leurs parens & leurs amis. J’ai
fait tracer, avec les deffins, des lignes qui indiquent la
grandeur des jouets.
Le Prince de Bifcari a publié auffi la petite' marionète
de terre cuite du n°. 6 , PL CCCXXXV. Boldetti ( ibid.,
lib. z , cap. 1 4 ,fol. 496) dit que l’on a trouvé dans les
anciens cimetières de Rome, fufpendus aux tombeam
des enfans, avec divers jouets, des marionètes ( 4»rj.
tini ) d’ivoire de la grandeur de la main, compoféesd’uu
torfe, de cuiffes, de jambes & de bras détachés & rete.
nus par un fil de cuivre, afin que les enfans, dans l’Elyfée
puffent s’amufer en les faifant remuer.
On doit joindre aux jouets des enfans une très-petite
main de corail, qui tient un Priâpe, confervée jadis dans
le cabinet de Sainte-Geneviève, & probablement le
grand nombre de très-petits Priapes de bronze que l’oa
découvre journellement. Le fcholiafte de Valère-Maxime,
cité plus haut, parle des jouets de corail, corallia.On
fait d’ ailleurs que l’on fufpendoit au cou des enfans des
repréfentations du membre viril comme une amulette pou
les préferver de la maligne influence des regards des envieux
( P lin. 28, 4) : cet ufage fubfifte encore dans l’ita-
lie méridionale & en Efpagne.
Je terminerai cet article des Je u x d e s e n f a n s , doit
nous trouvons les traces fur les monumens antiques, pi
le deffin ( n°. 7 , PL CCCXXXV) du farcophaged’Arté-
midore, confervé dans la cour du palais Rondinini àRooe
& publié par Guattiani (Monum. ant. ann. 1786) : il préfente
des enfans dans l’Elyfée, qui jouent avec des anneaux
ou des roulettes qu’ils font defcendre fur un plan
incliné, & avec de petites roues ou des roulettes main-
' ténues avec des bâtons.
Au refte, les enfans, dans leurs jeux, imitoient tous
ceux des hommes que leur foibleffe leur permettoit : 01
les verra dans l’article fuivant.
§. II. Jeux des hommes.
Ojfelets, <*«-payuxoi, tali. Ce petit os eft l’aftragale,
le premier des os du pied (du tarfe) des chevreaux oui»
moutons. Les enfans s’amuferent à jouer avec les oflel®
les hommes jouèrent enfuite avec ces petits os : ce»
pourquoi on en f i t de bronze , & l’on en a trouvé ungr®
nombre dans les fouilles d’Herculanum. On voit ici, ioik
: le n°. 8 , PL C C C X X X V un offelet de bronze Pf
| blié par Caylus (Rec. d1 Ant. I I I , PL LX X K lV )• b
jeu eft auffi ancien que la guerre de Troye. On le jouos
avec quatre offelets & de deux manières : tantôt on
jètoit en l’ air quelques-uns& l’on fe hâtoit d'en ti-
maffer d’autres qui etoient pofés à terre, pour les P
de même avant que les premiers fuffent tombés'j l».1
conde manière confiftoit à les faire rouler avec la
comme on le fait aujourd’hui avec les dés. Deux je®6
filles, peintes fur un marbre d’Herculanum par Alex
dre d’Athènes, jouent de la première manière,#“ ,
jeune fille à demi couchée fur une plinthe, aujourd
dans le Muféum Napoléon, joue de la fécondé- ;
Dés, tejfers, , kvQoi chez les Grecs , parce qu’ils etoi
à fix faces comme les nôtres. On en faifoit renw ^
l’origine jufqu’à Palamède. Les dés étoient marges
les fix faces. On jetoit ordinairement trois dés a la ^
quelquefois on les jetoit avec un cornet fait comros
, : • tolir 5 d’où lui vient le nom de zrv^yos.On a trouvé.
■ Herculanum un grand nombre de dés d’ ivoire, de terre
* fie &c., & des cornets en ivoire.
ÇÜLdtruncù/i & calculi, non les échecs ( ) que
les Anciens n’ ont pas connus, & que les Grecs reçurent
vers le fixième fiècle ( pendant le règne du grand Chof-
oës ) des Perfans, qui les tenoient des Indiens : c’étoit
|ne efpèce de jeu de dames. Pour y jouer on fe fervoit
d’un échiquier & de pièces (calculi) blanches & noires,
ou blanches & rouges, de terre cuite, de verre, coloré ou
de criftal. Elles étoient toutes rondes ; car on voit dans
Jfétrone employer à leur place des denarius d’or & d'ari
a & l’on ne trouvoit entre ces pièces aucune diffé-
lence', comme dans les dames. 11 y avoit trente calculi,
quinze de chaque couleur. Une feule jûèce de l’adver-
faire pouvoit fermer le paffage (ligare) à deux pièces de
l’autre joueur , mais il en falloit deux de même couleur
tour en prendre (capere) une feule de couleur différente
Avancer une pièce pour commencer le jeu étoit exprimé
par les mots dare, fubire ^ & la retirer ou faire une
marche rétrograde par celui de revocare.
WmCerceau, r^x».s, trochus. Les Grecs & les Romains
s’amufoient (comme le font encore nos enfans) à jouer
|vec un cerceau. Oribafe ( lib. colleél. V I ad Julian. )
a décrit ce jeu. Le joueur prerioit un grand cercle, au-
tour duquel roulôient plufieurs anneaux, & dont la
Hauteur alloit jufqü’ à l’eftomac ; il l’agitoit avec une ba-
guette de fer garnie d’un manche de bois, mais il ne le
:ftifoit pas rouler fur la terre; ce que les anneaux n'au-
Ibient pas permis. Il l’élevoit en l’air, & le faifoit tourner
au deffus de fa tête en le dirigeant avec fa baguette.
Winckelmann (Mon. ant. nos. 194 & 195 ) a publié le eer-
ieau du n°. 9 , PI. CCCXXXV, qui eft garni d’anneaux,
auquel eft fufpendue la baguette, & le joueur dun°. 10 ,
PL CCCXXXV, qui va lancer fon cerceau.
Les Romains fe fervoient encore du cerceau pour
faire de l’exercice, en le tenant à deux mains & en s’ef-
forçant de l’arracher à une autre peffonne qui le tenoit
de même. Paciaudi a décrit-ce jeu dans fon Hifieire de
Ripa-Tranfone.
B Dîfque ou palet. Y avoit-il un difque affez léger pour
etre porté en équilibre fur un feul doigt, comme ( 1800,
Hamilton, I , PL LV1) l’a penfé Tchisben à l’occafion
de la femme du «°. 1 , PL CCCXXXVU ou plutôt n’eft-
ce pas un tambour de bafque qu’elle porte ainfi ?
^mSpkérifiique ou jeux de paume. Les Grecs fe fervoient de
pâlies de trois groffeurs différentes, & lorfqu’ils jouoient
avec la main nue, ils fe plaçoient plus près ou plus loin
jes uns des autres, félon que la balle étoit petite ou groffe.
dis le divifoient, pour y jouer, en deux troupes réparées
f ar ligne tracée furie terrain, & contenue entre deux
futr®s "8n6s j comme on le pratique encore aujourd’hui.
É ! , *on étoit, comme le notre, enflé avec de l’ air com-
felan^ ^ ^on ^erv°i,t: probablement de braffards pour
des Grecs, les Romains eurent auffi, 10'. le
oha°p T'ais ils en eurent deux efpèces,. le gros
f-M .on poufloit avec un braffard, & le petit,, follis pu-
PH^atorhiS t que l’ on pouffoit avec le poing
qu’e1]2 Ç\l a t{'ëona^ls PU tngon, ainfi nommée quoi-
“ifchipn^ j-patoe que les joueurs qui s’en fervofent,
yiiin nppfes en triangle» 30. pila paganica, La paume
01 eî dont-on fe fervoit auffi à la ville,, étoit plus
Bes es Pr^cPdentes , & remplies de plumes /ou-
fen .?rte(ment 5 ce qui la rendoit très-dure : auffi ce
■ -u très.- fatigant. Enfin on apprend,. par l’épi:
taphe d’Urfus Togatus, confervée au Capitole, que les
Romains jouèrent avec une balle de verre , pila vitrea.
Ëtoit-elle folide ou étoit-elle creufe ? On ne fait rien fur
-cette queftion.
Chajfe. J’ ai décrit ailleurs le coftume & les armes des
chaffeurs , qui ne faifoient de la chaffe qu’un jeu d’exercice.
Quant à leurs rufes, aux combats qu’ ils livroient aux
animaux féroces ou fauvages, on les cherchera dans les
Traités écrits fur cet objet particulier.
Pêche. Je dirai fur la pêche, confédérée ici non comme'
métier, mais comme jeu d’exercice,' ce que je viens de
dire fur la chaffe.
Un des grands amufemens des Romains opulens étoit
de faire jouer auprès d’eux des nains, & d’ écouter les
facéties qu’ils débitoient. Les nains d’Alexandrie avoient
le plus de réputation, à caufe de leur efprit. C ’étoit un
objet de commercepourles Egyptiens. Auffi Longin (De
Sublim. Oxon. 1778 , pag. 159, 39) nous apprend-il
'que , dans leur enfance, on les renfermoit dans des coffres
pour les empêcher de croître.
SECTION II.
Jeux publics.
Je défigne fous ce. nom les jeux auxquels affiftoit un*
grand nombre de fpe&ateurs, foit que ces jeux appar-
tînfTent à la religion, foit qu’ils n’en fiffent pas partie r
tels font les jeux du cirque, du théâtre, de l’amphithéâtre
, &c. ■
Je ne féparerai pas les Grecs des Romains, parce que
ces jeux furent communs aux uns & aux autres 5 mais je
ferai mention des différences qui exiftèrent dans les mêmes
jeux chez les deux peuples,, avant qu’ils fuffent réunis
fous le même Empire.
Je dois traiter ici des objets communs à tous les jeux»
Gymnajiarque & préftdent des jeux. Chez les Grecs, celui
qui étoit chargé de faire obferver les règles des jeux &
celui qui les donnoit, étoient appelés gymnafiarques. Antoine
, voulant célébrer les victoires de fon lieutenantVen-
tidius fur les Parthes ( P lu tare, in Anton., pag. 98, t. V ,
Briani )-, donna aux Athéniens des jeux auxquels il préfida......
« Il quitta les marques de fa dignité ; il parut
” avec le manteau grec (pallium ) , une chauffure blanche,
» la ba-guette des gymnafiarques , & il fépara lui-même
» les athlètes, m Ce manteau étoit de pourpre ( Luciani,,
de Gymnaf, n°. 3, tom. I I , pag. 88J ) . A Rome, celui
qui donnoit les jeux, y paroiffoit revêtu de la toge bordée
de pourpre, appelée prétexte ( Cicer. in P i f on. , cap. 4 ,
pag. C i l3. tom. V, Dav fù ) .
Dans les cirques ( qui remplacèrent les ftades à Rome ) ,
dans les amphithéâtres & dans lès théâtres, les gradins-
inférieurs étoient occupés par les Confiais,, les Empereurs,,
les Sénateurs, les Tribuns & les Chevaliers. Les-
citoyens qui. pouvoient fe procurer une toge blanche
( nivei)., occupoient avec leurs époufesles autres gradins,
depuis les gradins inférieurs jufqu’au portique. Sous ce
portique fe plaçoient les époufes des dignitaires, fur des-
fîèges particuliers. Derrière elles,. & toujours fous le portique
, étoient deux, ou trois gradins „ fur lefquels fe pla<-
çoientles étrangers, les gens-de la campagne q,ui portoient
un manteau ( lacerna ) au lieu de toge,, & les-pauvres-
citoyens qui étoient fans toge. Calphurnius, poète du»
troifième fiècle de l’ère vulgaire, fait dire au berger C o -
rydon, qui avoit aififté aux jeux du cirque (. EcL>g. VIL „
vef. i 6 , 79 ). ,