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CHAPITRE V.
M E U B L E S , U S T E N S I L E S , E A S E S , I N S T R U M E N S , &c.
V a s e s . J’ai déjà dit ailleurs que les vafes formoient
la plus apparente &Ia plus riche partie de laameublement
des Anciens : c’eft pourquoi j’ en ai fait defliner un grand
nombre dans ce Recueil. On voit ici fous le n°. 1 ,
VI. C C C L X X 1 , « la collection de tous les vafes que j’ai
trouvés fculptés dans les tableaux hiéroglyphiques de
toute l’Égypte, dit M. Denon (P i. CXV3 nos. 1-39,
pag. xxxv). Les aos. 3 , 6 , 8, 10, !3 & 19 ne font pas
moins élégans que les vafes étrufques, ou pour mieux
dire les vafes grecs trouvés en Italie , 8c qui, comme on
peut le voir, ne font autre chofe que des vafes égyptiens
3 & ainfi peu à peu, les arts des autres nations ne
font que les dépouilles de ceux des Égyptiens. Le n°. 31
èft la jarre, de même forme 8c montée en charpente,
comme celle dont on fe fert actuellement en Égypte
(pag. 239). Les manufactures de Balade, fitué entre
Thèbes & Tentyre, fourniffent ces jarres de terre ( auxquelles
cette ville a donné fon nom ) , non-feulement à
toute l’Égypte, mais encore à la Syrie & aux îles de
l’Archipel ; elles lailfent tranffuder l’eau, & par-là elles
la rafraîchirent 8c l’éclairciffent. La nature en donne la
matière toute préparée dans le défert voilin : c’ eft une
marne gralfe, fine, favonneufe 8c compaCte, qui n’a befoin
que d’ être humeCtée 8c maniée pour être auCtile 8c tenace.
Les vafes que l’on en fait, tournés, féchés Bc cuits
à moitié au foleil, font achevés en peu d’heures par l ’action
d’un feul feu”de paille : auflî peuvent-ils être vendus
à fi bon marché, qu’ on s’en fert fouvent pour çonftruire
les murailles des maifons^ & que l’habitant le plus pauvre ,
peut s’en procurer en abondance : on en forme des radeaux
, que tous les voyageurs en Égypte ont décrits 3
ils fe tranfportent ainfi le long des bords du Nil. On en
débite une partie en Égypté : le refte s’embarque à Ro-
lette & à Damiette pour le faire paffer en pays étranger. «
, Or & Argent. L’or ne de voit pas être rare en
Égypte; car Agatarchide, dont Photius nous a confervé
des extraits dans fa bibliothèque, dit (pag. 1340, edit.
i6y 3 ) que les Égyptiens avoient exploité des mines d’ or
très-riches, fîtuées entre la Thébaide & la Mer-Rouge j
ils les avoient exploitées dans le tems même où l’ ufage
du fer étoit' inconnu j aufïi y trouvoit-on encore quelquefois
des marteaux de tailleur de pierres , qui étoient
de cuivre. M. Fabroni, chimifte célèbre dê'Florence , a
réuflî à purifier l’or par le procédé qu’employoient les
Égyptiens, félon Agatarchide; procédé fur lequel on
avoit élevé des doutes. Il paroît que les Égyptiens fa-
voient employer l’or de toutes lès manières dont nous
l’employons aujourd’hui. « Autour du cou d’une momie
trouvée à Thèbes étoient, dit M. Denon ( pag. xxx >
VI. X C V I I I , nos. 23-^28), fix joyaux de bois doré, dont
la préparation eft la même que la dorure aChielle , c’eft-
à-dire, une impreffion blanche, couverte d’ or battu au
livret ; particularité très-remarquable,, relativement, aux
a.rts. »
, L’argent femble avoir été plus rare chez les anciens
Égyptiens; car M. Denon dit, (ibid.. n°. 34) : « Sur l’eftomac
de la même momie étoit une petite plaque carré«
d’argent laminé, percée aux quatre angles, & coufim
fur les vêtemens. C ’eft le feul morceau d’argent qu’on
ait encore trouvé 3 il attefte à la fois un inftrument de
mécanique d’une combinaifon très-avancée. »
Pa r u r e des femmes. J’ ai peu de chofes à dire fur cet
article. L’examen des planches donnera quelques lumières.
— On peut affurer, d’après le pied d’ une momie que
M. Denon a trouvé dans les tombeaux des Rois à Thèbes
^ qui eft celui d'une fille adulte, &,dont les ongles
font parfaitement çonfervés, que les Égyptiennes des
premiers tems teignoient leurs ongles en jaune-onnȎ
avec le fuc des feuilles de l’ arbriffeau appelé aujourd'hui
henné ou minai ( laufonia de Linné ) , ainfi que le pratiquent
encore les femmes d’Égypte, qui fe teignent non-
feulement les ongles, mais le deflous des pieds & le
dedans des mains.
É v e n t a il . Celui du n°. 2 , PI. CCCLXXI, eft tiré
des deffins,de M. Denon (P i. LX X X I I I3 n°. 1). Les
femmes d’Égypte s’en fervent habituellement. Il eft ab-
folument femblable à ceux que l’on voit dans les peintures
d’Herculanum. On en peut conclure que fon ufage
eft de la plus haute antiquité.
C hasse-mo uche. Le n°. 3, Pi. CCCLXXI, préfenoe
une femme noble d’Égypte avec l’habillement quelle
porte dans le harem 3 elle tient un chaffe-mouche (Du
non y Pi. C l , n°. 8) qui reffemble à ceux que l’on porte
au delfus de la tête des Rois de Perfe dans les bas-reliefs
de Perfépolis, 8c que l’on, voit ici dans le coftume de
ces Rois. Ce meuble eft donc des plus anciens.
Sièges égyptiens. Le fiége du n°. 4 , PL CCCLXXI,
eft tiré des Monument! antiçhi de Winckelmann (n°. 79);
ceux des nos. y , 6 3 7 & 8 , PL CCCLXXI, font peints
dans une des chambres des tombeaux des Rois d’Égypte
à Thèbes (Denon, Pi. CX X X V , nos. 1 4 , 1 6 , 17,18
& S 9 ,
Les portes des temples égyptiens font formées fou-,
vent de deux chambranles qui ont toujours été dépourvus
de cymaife, 8c qui ne font point réunis par le haut. Ces
portes avoient deux battans.
S errure égyptienne, n°. 9', Pi. CCCLXXI; elle eft
repréfentée ouverte, & le pêne tiré. M. Denon (p. n%
Pi. C X X X IX , n°. 1 y ) dit : « Elle ferme la porte de la
ville , celle de la maifon, celle du plus petit meuble ; elle
eft placée ici avec les antiquités, parce qu’elle eft h
même que celle dont on fe fervoit il y a quatre mille ans.
J’en ai trouvé une repréfentée avec line porte de temple
à deux battans dans les bas-reliefs qui décorent les murs
extérieurs des petits édifices qui font à côté du fan&uaire
du temple de Karnak ( Thèbes orientale )• »» Je n*el1
donne point de détail, parce qu’elle eft l'a même que h
ferrure deffinée dans le livre des Meuble s, 8cc. delà
féconde partie de ce Recueil.
( Fr o n t o n . Les édifices n’ayant pas befoin de toit en
Égypte, parce qu’ il n’ÿ pleut jamais, il n’y a point dé
fronton dans l’architecture de ce pays; mais.on eft.aP1®
_ . • >jjs connoiffoient cette partie, qui fit l’or- J rite de chacun des deux tragiques, Efchyle & Euripide,
a|j-olird vul L jfices grecs 8c romains. Dans les bas-reliefs ' - r - - ” • °-~ ■'*
pement des j tem„ie fie Tenzym eft fculpté un
4 r ' “ l i e avec un fronton. M. Denon ( et. CX XtriI,
j|etit ten^ t ^ ce fujet : i La repréfentation de ce petit
“°- Y eft tenue par un peufonuage qui en-fait, une of-
■ f l : c-étoit donc -un temple votif même un temple
T ” rien à en juger par la porte......C eft la feule figi
l ’ ie g e ie q u e f a i e v u e .» _ . : r, ■
-C TORES égyptiennes. Strabon, qui avoit voyagé
tnÉsypte fous Augufte. dit j j —
Vio) • *On'voit fur les murs des,temples de ce pays,
f j es figuresfculptées, qui refl'emblent aux ouvrages
Iles ürufques, & p]u5 encore aux anciens ouvrages des
■ a r a b e s q u e s . ( Voyen la feftion II du chapitre II
des l evpticns. ) J'ajouterai ici l’obfervation fuivante de
M. Denon {pag. 144). ft«! très-précieule pour l’ hif-
tàire de l’Art : Si j’avois eu le tems de deinner tous
» les Méandres qui décorent les plafonds des tombeaux
| Je Thèbes occidentale, j’aurois emporté tous ceux'
I quifont ornement.dans l’archfte&ure grecque, & tous
« [ceux qui rendent les-décorations dites arabejques 3 fi
» friches & fi élégantes. ~ , ,
P o r t e u r s égyptiens. Dans les pompes triomphales
q.ji font fculptées fur les murs des édifices antiques de
i 'f'hèbes, on voit des groupes d’Ègyptiens, au nombre
de vingt & plus, qui portent des brancards.fur lefquels
.font placés les colofies des Divinités, les triompha-
te'urs, &c. Enveloppés dans une vafte draperie, on n‘ap-
gerçoit que leurs têtes & leurs pieds. -— « Dans des bas-
« reliefs pris dans de petits monumens qui font pr.ès des
» pyramides de Gizeh, repréfentant diverfes actions de
«la vie privée, une fuite d’occupations rurales, de tranf-
»■ .port de leurs productions aux marchés des villes, de
bêche, de chaffe, &e. on voit le porteur du n°. x ,
»\pl. CCCLXXII ( Pi. C X X V 3 B ) y il porte de petits
» animaux dans deux cages fufpendues 'à un bâton,
comme les plateaux d’une balance. Le bâton eft place
.« fur fon épaule. (On peut remarquer q ue , lorfque les
»i figures ne font plus hiéroglyphiques ni emblémati-
»‘ .ques, la fculpture perd la roideur de fes pofes; que
I l e mouvement indique parfaitement l’aCtion, & lou-
vent d’une manière très-gracieufe. ) »
| D ’après ce qui vient d’être dit, & d’ après l’obferva-
t|on faite fur tous les monumens des Egyptiens, on peut
tijoire qu’ils ne tranfportoient prefque jamais les petits
& les moyens fardeaux qu’ à l'aide des hommes, fans
employer les chevaux. 11 en eft de même à la Chine,où
yangt a trente hommes portent fur un brancard difpofé à
c|t effet, des fardeaux que nous tranfportons fur des
charrettes ou à dos de mulet. C ’eft à ce grand nombre
dfgyptiens réunis pour porter un fardeau très-pefant,
^ue fait allufion Ariftophane lorfqu’ il fait dire à hacchus
dans les. Grenouilles (yerf. 1453 ), qy’Efchyle a mis dans
“îa a k*tiance deux chars & deux cadavres......
• miardeaii que ne porteroient pas cent Égyptiens, »
Al. Au ciçpetFcc lioiêqy.s K. ny-çà <W«,' .
0«ff , cwi. UctTjôv Aiyvx'JtDL y
dwieSn6 tivalEuripide n’a chargé l’autre plateau que
tOmiaup P.0lds /ort léger en comparâifon. Le-poète
Wr I .2 voulant évaluer pour ainfi dire & fixer le mêles
fait approcher d’une balance, & prononcer chacun
un vers dont 1e. poids doit charger les plateaux. Dans le
vers-d’Efchyle il eft fait mention de deux chars & de
deux morts ; mais Euripide n’a parlé, dans le fîen , que
d’ une lance. Au refte, les Grecs qui employ oient, comme
nous, les chariots & les bêtes de Comme, ont dû éprouver,
à la vue des porteurs égyptiens , le même étonner
ment que les voyageurs européens éprouvent en voyant
les groupes nombreux des porteurs chinois. Audi trouve-
t-oii dans les frefques d’Herculanum & de Pompéia, où
font repréfentés beaucoup de paÿfages égyptiens, une
répétition fréquente de porte-faix femblables à celui du
numéro dont je donne ici l’explication.
A griculture. M. Ne cto ut, membre de ta Commif-
fion qui doit rédiger les Mémoires de l ’expédition d’Égypte
, m’ a communiqué 8e permis d’employer dans ce
Recueil les delfins des peintures relatives à l’ agriculture,
qu’il a copiés à Thèbe s, à Eileithya, à Mini eh, 8e c.
Le premier, que l’on voit .ici fous le «°. 2 , Planché
CCCLXXII3 repréfente un Égyptien remuant la terre
avec un pic fimple, tiré des peintures des fouterrains de
Minieh. Le pic du n°. 3 , PL CCC LXXII, garni d’ une
traverfe, eft tiré des peintures des fouterrains & Eileithya.
C ’ eft la première ébauche de la charrue fimple, que
tiennent pour attribut un grand nombre de figures égyp--
tiennes, principalement celle d’Ôfiris, Divinité que l'on
reconnoiflbit pour 1 inventeur de la charrue, comme
l’ attefte Tibùlle ( 1 , Éleg. 7 ). '
Primas aratra manu folerti fecit Ojcris,.
Les Prêtres 8c les P.ois, félon Diodore ( 1113 cap. 3 )T
portoient un feeptre « qui reffembloit à une charrue....»
rov tS SKKis'IÇiS TV7Ï0V ctço'JçouJij x.aitça'Jet. » Le «°». 4 ,
PI. CCCLXXII y tiré des mêmes fouterrains, repréfenre
la charrue cômpofée,. tenue par un laboureur, traînée
par deux boeufs attelés par les cornes, que fouétte un-
fecond perfonnage. Un troifième , placé à côté des
boeufs, jette devant eux les femences pour qu’ elles-
foient recouvertes par la terre labourée, comme le die
Pline ( X V I I I , cap. 18) : Inarari certum cfi akjecla priiis
femina in ümo digrejft amnis. Dans les peintures des rom-
beaux des Rois à Thèbes on voit les deux femeurs des
n°s. y , PL CCCLXXII3 & i , PL CCCLXXIII. Le fac ou
panier dans lequel ils portent les femences, furtout celui
du premier, eft parfaitement femblable à l’attribut qui
pend fur le dos des figures d’Ofiris, 8c en peut donner
l'explication. Le n°. 2 , PL CCCLXXIII, préfente un-
Égyptien moifTonnant avec une faucille (tiré d’Eileithya).
La figure du n°. 3, PL CCCLXXIII, tirée des tombeau»
des Rois à Thèbes (Denon , P L CLXXXIV, n°. 4 0 ),
prouve que l*on moiflonnoit aulfi avec la faulx.
Les Égyptiens faifoient fouler les gerbes fur l’aire pat
les boeufs. Le n°. 4, PL CCCLXXIII, tiré des fouterrains
de Minieh , préfente l ’efpèce de boiiîeau dans lequel ils-
portoient les grains , & le n°. ƒ , PI. CCCLXXIII, tiré,
des tombeaux des Rois à Thèbes ( Denon, PL CXXXVy.
n°. 15 y , un panier qui,a pu fervir au même ufage.
Les fouterrains d’El-Cab ( l’antique Eileithya) ont
fournrle tableau du n°. 6 , PL CCCLXXIII, où fontrepré-
fentés fix Égyptiens qui foulent les raifins avec les pieds,
fe foutenant à l’ aide de cordes paftées fur une perche
horizontale, 8c le perfonnage du n°. 7 , PL. CCCLXXIII^
qui teille du lin.-