
CHAPITRE II.
F I G U R E S H I S T O R I Q U E S G R E C Q U E S E T É T R U S Q U E S .
O N ne fera pas étonné de voir ici réunis dans le meme |
Chapitre les Grecs. & les Étrufques, lorfqu on fe rappellera
que les monumens les plus anciens des Grecs
préfentent le même ftyle que ceux des Etrufques. Je les
ai réunis fous le rapport de l’ Art; mais je n’en veux
tien conclure pour les rapports hiftoriques.
SECTION PREMIÈRE.
Figures militaires des Grecs & des Étrufques.
§ Ie*. Grecs & Étrufques armés y confidérés en général.
» 8c couvert d’un duvet touffu , le lie avec une agraffe,
faifit une forte lance armée d’une pointe d’ airam. » Si
le poète eût ajouté l’épée , il auroit décrit ici tout le cof-
tume des Rois grecs : tels ils font repréfentes fur plu-
fieurs bas-reliefs. Cette Una ou chlamvde differort des
autres feulement par l’épaiffeur l’ampleur; elle n etoit
d’ufage que l’hiver, .& elle convenoit au grand âge de
Neftor. C’ eft encore fur la vieilleffe qu’on doit motiver
le bonnet épais i l g g l dont Polygnotei avoit couvert la
tête de Neftor dans les tableaux de Delphes ( Paujan.
Phocic. cap. 2f
Les héros d’Homère portoient des cheveux courts,
excepté les plus jeunes, tels qu’Achille & Ménélas, que
Philoftrate (Heroic. cap. 6 ) dit avoir conferve l ufage de
i fon pays, de Sparte. De même ils portorentTa barbe des
qu’ils étoient d’ âge à en avoir. — Paufamas dit (façon,
cap. 3) que toutes leurs armes étoient de bronze : hache *
pointes de javelot & de lance, épée entière (
k w h à %**»** ***r«V*‘ ) y &c- Aleee parle , dans
des vers confervés par Athénée ( Deipn. lib. 14 , cap. 6/,
de cafques de bronze avec des panaches de crin, de jam-
barts de bronze, d’ épées de bronze 8c de cuirafles de lin.
_ Dion Chryfoftôme {Ontt. 2 , pag. ïg ) fait oofeuver
qu’Homère ne parle pas avec éloge de l’ ufage des orne-
mens d’o r , tels que bracelets,colliers, ornemens du poi-
; trail & des brides des chevaux.
J’ai décrit avec foin , dans la partie des cofiam.es > les
détails de l ’armure des Grecs. On en trouvera ici l’en-
femble. , . A
A la guerre de T r o y e , les Grecs etoient vêtus &
couverts de cuirafles, de cafques & de bottines lorf-
qu’ ils combattoient ; cependant les artiftes des fiècles
poftérieurs fe plurent à les repréfenter combattant nus
& portant feulement le cafque , le bouclier, l’épée fuf-
pendue fous l’ aiffelle. On en voit fous le »°. 3 , ÿM
CCL,. un exemple qui eft tiré des pierres grayées de la
galerie de Florence (tom.. I I , tab. 3a). Quelquefois ils
ajoutèrent la chlamyde, ainfî qu’on le voit ici au n°. 1.
de la Manche L F . Quelles qu’aient été les raifons qui
leur aient fait adopter T ufage de repréfenter nus les
Grecs des tems héroïques, j’ai dû en donner des exemples.
Dans ces mêmes tems ils combattoient debout fur
des chars qui étoient conduits par leurs écuyers. Une
pierre gravee de la galerie de Florence (tom. I I 3 tab. 263
n°. 1 ) préfente le deffrn du n°. 4 , Pi. CCI. Il n’eft point
fait mention de cavalier à la guerre de Troye ; c’ eft
pourquoi je n’ en parlerai pas encore.
Si l’on en croît Procope ( de Bello Perfico 3 lib. 1 *
tap. 1 ) j les archers, à la guerre de T ro ye, étoient peu
eftimés , n’avoient ni chevaux , ni lance , ni bouclier ; ils
combattoient à pied , & , pour lancer des flèches, ils fe
cachoient fous les boucliers des autres combattans, ou :
derrière des cippes & des tombeaux. Euripide ( Hercui
Fur. verf. 1 f 9 ) dit que les archers étoient les moins eftimés
des foldats. Sur une fardoine de la galerie de Flo-.
rence ( tom. U , tab. 27 3 n°. y ) , on voit une poupe de
navire terminée par l’ *<pA*î«v des Grecs, Vaplufire des
Romains. Un guerrier debout fur la poupe, coiffé d’un
cafque garni d'un panache, n u , prefqu’aufli grand que
Vaplufire eft haut, lance un javelot 8c fe couvre de fon
bouclier. A fon côté eft agenouillé un archer, qui tire,
derrière Vaplufire 3 une flèche. Cet archer porte une
fimple tunique & une efpèce de bonnet, femblable à
celui d’Ulyfle.
Homère ( lliad. X , verf 131 ) dit que Neftor, reveillé
par Agamemnon, fort de fon lit , « revêt une tuni-
» q u e , prend une chauffure précieufe, jette fur fes
* épaulés un manteau (#*•»>«>) pourpre, épais, ample,
§. II. Portraits des héros grecs a la guerre de Troye.
AGAMEMNON. Philoftrate (Heroic. cap. 6 ) dit que
la beauté d’'Agamemnon avoit contribue a lui faire obtenir
le commandement de l’ armee grecque. « Il avoit,
« ajoute-t-il, un air grave, de grands traits , & il pa-
» roiffoit facrifier aux Grâces. ». Dans les tableaux de
Polygnote à Delphes ( Paujan. Phoçic. pag. 072) ,
Agamemnon paroiffoit avec Antiloque, Achille , Patro-
cle Protéfilaüs, & feul il avoit de la barbe 5 il appuvoit
fon aiffelle gauche fur un feeptre, & il tenoit des deux
mains un long bâton.
MÉNÉLAS. Les Grecs permirent à Ménélas ( PhiloÇ.
Heroic. cap. 6) de porter les cheveux longs , comme le
faifoient les jeunes gens , parce que c’ étoit l’ufage des
Spartiates, dont il étoit Roi. Dans les tableaux
lygnote à Delphes (P au fan. Phocic. cap. 1A , pag. 063), |
les deux Atrides avoient des cafques, & Ménélas tenoit
! un bouclier fur lequel étoit peint un ferpent. Sur deux
| bas-reliefs antiques ( celui du Capitole, qui eft delignê
i fous la dénomination impropre a Urne d.1 Alexandre-S e-
I v'ere , & celui de la villa Borghèfe, Monum. ant. n . 1*4),
! qui repréfentent la colère d’Achille contre Agamemnon,
a caufe de l’enlèvement de Briféis , Winckelmann recon:
■ noît Ménélas, qui eft aflis comme Agamemnon, mais qui
n’a ni bandeau royal, ni feeptre, ni marche-pied comme
fon frè re, parce qu’il lui obéiflbit dans l’armee de*
Grecs.
ACHILLE. Sa chevelure étoit blonde ( lliad. X X I I I3
141 ) ; il n’ avoit point de barbe à caufe de fa grande jeu-
neffe. Sa beauté fut .célèbre dans l’antiquité^Philoftrate
( Heroic. cap. 5 ) le dépeint ainfî : « Son nez n’ étoit point
u encore courbé ; mais on voyoit qu’il le deviendroit.
s» Son fourcil étoit arqué, & fes yeux annonçoient la .
» fierté. » Sa lance a été très-célèbre, parce que le talon
guériflbit les bleflures que la pointe avoit faites. Cette
pointe étoit de. diamant ( Philofir. Heroic. .cap. 9 , Il° • 4
8c rien ne pouvoit lui. réfifter Le talon étoit d’airain , &
brilloit comme l’éclair.,Dans une peinture antique (difi.
de l'Art, liv. 4 , chap. y , E ) , Achille étoit vêtu d’une
draperie vert-céladon , probablement pour faire allufion
à fa mère Thétis, qui étoit une divinité de la mer.
PYRRHUS, fils d’ Achille, paroît, dans les tableaux
décrits par Philoftrate ( Uon. cap. 1.), vêtu d’ une tunique
blanche qui defeend jufqu’ au genou, & d’un manteau de
pourpre' qui enveloppe l’épaule & le bras , mais non la
main gauche. On pourroit lui donner une chevelure d’ un
blond-ardent ; car quelques Anciens en tiroient l étymo-
logie de fon nomr
PATROCLE. Dans les tableaux de Polygnote à Th^-
bes, Patrocle n’avoit point de barbe ( Paufin. P hop. cap.
130, pag. 872). Philoftrate ( Heroic. 19, n°. 9) le dépeint
ainfî : « Patrocle étoit blond ; il avoit l’oeil noir , les
» fourcils beaux , des cheveux médiocrement longs. Sa
■ » tête étoit fortement liée avec le c o l, effet de la gym- j
[ >5 naftique. Son nez étoit droit., & fes narines ouvertes
[ » comme le font les nafeaux des courfiers généreux. »
ANTILOQUE nè portoit point de barbe dans les tableaux
de Polygnote à Thèbes ( Paufan. P hoc. 30 ).
I ULYSSE, fur les monumens., porte la barbe & un
bonnet fans bords, à pointe obtufe, tel: que celui des
| marins de la Méditerranée & du Levant. On a cru que
r cette coiffure défignoit fes voyages fur mer ; mais il la
; portoit dans une pantomime décrite par Lucien (de Sali.
! n°. 83 ) , où l’on repréfentoitfa difpute avec A jax.— Un
daupnin tracé fur fon bouclier fert à le faire reconnoître
J; (Câjfandra, Lycopkr. verf 658). Dans Philoftrate (Heroici-
cap. -i o , n°. 1 1 ,5 il eft peint devant Troye. « Dans un âge
»> peu propre aux amours , ayant , le nez légèrement
» aplati, l’oeil incertain à caufe de -fes méditations &
! » de fes foupçons, car il paroiffoit toujours plongé dans
1» la réflexion; il étoit d’ une taille moyenne. »-Hélio-
l' dore ( Æihïop. lib. 5 , cap. 14) trace le portrait d’ Ulyjfe.
F " Je vis en fonge un vieillard dont le corps étoit deffé-
I » ché. Sa. tunique, relevée au deflus du genou, laifloit
i ” voir.les reftes de la vigueur qui l’avoit animé, il portoit
» un. bonnet .de cuir. La prudence & la finefle étoient
peintes fur fon vifage. «
DIOMÈDE étoit, après Achille (lliad. X I F 3 1 1 2 ) ,
le plus jeune des chefs de l’ armée grecque. Philoftrate
( Heroic. cap. 4 , n°. 4 ) le dépeint ainfî : « Il étoit bien
“ fah j avoit l’air joyeux ; fon teint,étoit brunâtre , fon
33 nez droit, fa chevelure crépue & négligée. » Son bouclier.
étoit; rond. .comme celui des Argiens qu’il com-
mandoit... devant Troye. Son. cafque étoit conique ou
al ongé , eiuxdnis ( lliad. X I , 25 5 ) . '
o STHÉ> ELUS. Sthénélus. ( Phi}ofir. Heroic. , cap. 4 ,
n ‘ 4) étoit grand., droit, avoit les yeux bleus, le. nez
recourbé , une chevelure aflez longue , le teint rouge &
animé.
1DOMÉNÉE. Entre les ftatues confacrées à Olympie
( Paufan. Eliac. / , 25 ) étoit celle du petit-fils de Minos.
Le fymbole de fon bouclier étoit un c o q , oifeau confa-
cré au Soleil, parce qu’il annonce fon retour , & qui rap-
peloit l’ origine de l’époufe de Minos, de Pafiphae, fille
du Soleil.
A JA X , fils de Télamon , étoit d’ une grandeur extraordinaire
3 il eft toujours repréfenté fur les monupiens
avec de la barbe & dans un âge mûr.
§. I I I . Apres la guerre de Troye.
Depuis la guerre de T r o y e , les moeurs des Grecs
font mieux connues, ainfî que leurs cofturnes. C ’eft aufli
depuis cette époque que j’ établis une refîemblance entre
leurs monumens & ceux dés Étrufques. -7- Hérodote
(lib. 1 , pag: 80, Weffet) attribue aux Cariens le premier
.ufage des panaches fur les cafques, des emblèmes
tracés fur les boucliers, & des anfes qui fervoient à les
porter. Ailleurs (lib. 4 , pag. 360) il dit que les Grecs
avoient reçu des Egyptiens le cafque, ’& même le bou-
clier. . _ ,
Les R o is, à la guerre, n'étoient diftingués que par la
pourpre & la richefle de leur armure. Du moins n’ai-ie
trouvé qu'un feul cafque orné d’une couronne (PI. L l ,
n°. 6 ) . Antigone, fe plaignant de ce qu’Éthéocle n’ a pas
voulu céder la royauté à fon frè re , dit (Stat. Thebaid,
. ^ 396) :
. .............. Nemque uriiiir alto ■
Corde, quod innumeri comités, quod regia.caffis,
• Jnfiratufque oftro fonipes } quodfulva métallo
P arma micet.....
La & antius ou Lutatius (feholiafte deLStace) expliqua
le régi a çajfis par.- ces mots : Cum diàdemate, avec le diadème.
— Peut-être les Rois grecs portoient-ils à la
guerre la longue tunique, un de leurs attributs. C ’eft
ainfî qifftEdipe aveugle , partant pour fon e x il, & conduit
par fes fils, paroît fur un fragment confervé dans lé
palais Rondinini ( Winckelm. Monum. ant. n°. 103 ). Lé
diadème ceint fes cheveux longs & négligés 3 fa tunique
touche fa chauffure. Sur cette longue tunique eft placée
une forte de cuirafle ou de tuniqüe courte. Une épée
pend à fon côté gauche, & fon manteau très-ample eft
agraffé fur l’ épaule du même côté. Plutarque ( in Timo-
leonte) dit que. les chefs portoient tous des anneaux,
peut-être comme une marque de leur dignité.
Xénophon peint ( Exped. Cyri-, Ho. 1 , cap. 2 , n°. 16 y
les Grecs qui combattoient pour Cyrus lé jeune : « Ils
» avoient des cafques d’ airain, des tuniques rouges, des
» jambarts & des boucliers très-brillans. » Comme il ne
parle point des lances, dont certainement ils étoient armés,
on peut croire qu’ il a pareillement oublié les cuirafles
de métal qu de lin. Ailleurs (ibid. lib. 6 , cap. y 3
n°. 16) il fait méntiôn de leurs lances, des outres pour
porter de l’eau, dés faccoches pour la nourriture, 8c
d’autres uftenfiles dont ils étoient chargés en voyage. Les
cavaliers portoient des boucliers ronds, de longues épées.
& des.cuiraffes particulières 5 armes fort lourdes , dit Plutarque
( Philopoem. Briani , 113 pag* 379 ).
Hors des camps, & ne marchant pas en ordre de bataille,
les militaires grecs ne portoient que l’ épée fie la