sillonnent transversalement de nombreux ravins. A droite, au contraire, s’étend
un pays magnifique, et qui se jle'yeloppe graduellement à mesure qu’on
s’ élève en remontant la valle'e du Guadalquivir sur ses flancs septentrionaux.
Je vis avec intérêt les environs de Baylen, bourgade sans importance, mais
célèbre par la capitulation d’une armée française ; l ’aspect des lieux explique
bien le profond découragement qui dut s’emparer des soldats à la vue de
ces collines âpres, de ces profonds barraneos se succédant les uns aux autres,
et de cet immense labyrinthe de montagnes occupées par les ennemis
et qui leur fermaient le passage. Le jour tombait lorsque nous quittâmes
Baylen, çt nous allions ventre à terre en descendant un chemin creux dans
un bois d’oliviers, lorsque nos chevaux, effrayés par la vue des soldats de notre
escorte qui avaient prisdes devants, nous versèrent brusquement sur un côté
de la route; on put arrêter les chevaux et extraire des débris de la cha-
rette un Espagnol, mon compagnon de voyage, qui s’était démis le pied et
poussait des eris de douleur; je me relevai ensuite sans aucun mal, le sergent de
l ’escorte plaça la moitié de ses hommes en sentinelle pour observer les bandits
très-communs dans les environs, pendant que le reste était occupé à réparer
le malencontreux chariot; cette scène nocturne aux flambeaux, dans ce
lieu sauvage J avait un coté très-pittoresque, mais ne paraissait pas telle au
pauvre blessé qui, dans sa colère contre le postillon, passait en revue tout
le vocabulaire nombreux et expressif des imprécations espagnoles. Nous le pansâmes
comme nous pûmes et trouvâmes moyen de l ’amener jusqu’à Guar-
rôman où de meilleurs soins et quelques heures de repos lui permirent de
continuer le voyage. Le soleil se levait le lendemain lorsque nous arrivâmes
à la Carolina, une des colonies allemandes fondées au siècle dernier par
Olavide, et dont les habitants déjà complètement assimilés aux anciens
habitants, ne conservent plus que par quelques chevelures blondes les
traces de leur origine. L’aspect de ce village me charma,“ les maisons
basses et isolées sont disposées en rues larges et régulières sur un terrain
en pente douce déjà assez élevé sur les pentes de la Sierra, mais où les cactus
et les agaves croissent encore avec la même luxuriance. Je saluai 4à avec
émotion cette belle vallée supérieure du Guadalquivir, ces montagnes de
Jaen et les cimes éloignées, de la Nevada couvertes de leur manteau de
neige et que j ’allais perdre de vue. Depuis cet endroit le danger augmentait,
nous n’avions plus à craindre seulement quelques rateros, mais bien de
nombreuses partidas carlistes qui battaient la Sierra et toute la Manche de
l’autre côté, aussi une compagnie tout entière de soldats vint nous escorter.
La Sierra hierve, la montagne bout, nous dit dans son langage
pittoresque une paysanne saisie d’effroi, dont les carlistes avaient quelques
jours auparavant pillé la maison f et tous ceux que nous rencontrions
faisaient pour notre heureux passage des voeux qui ne contribuaient
guères à nous rassurer. A Santa Elena nous perdîmes définitivement l’Andalousie
de vue et nous descendîmes dans un vallon de la montagne pour
remonter ensuite le Despena Perros. Nous étions alors en pleine Sierra
Morena, au milieu de pentes couvertes d’épais fouillis’ d’arbousiers, de
myrthes, de pistachiers, d’alaternes, de cistes et d’autres arbustes à feuilles
persistantes qui s’élèvent là à une taille que je leur ai rarement vue ail«
leurs ; c’est cette verdure un peu sombre qui a valù, dit-on, à la montagne-
son nom de Morena, noire. Le défilé de Despena Perros .est"une des fentes
profondes et précipiteuses qui coupent transversalement ces montagnes, et
le long desquelles, par une singularité de structure remarquable, plusieurs
cours d’eau, nés sur le revers septentrional, traversent toute la chaîne pour
s’écouler au midi; en remontant ce passage si fameux, on -a à droite un
ravin profond et étroit, à gauche des bandes de rochers .à pic. Quelques
plantes en graines avaient attiré mon attention au milieu de ces anfractuosités,
et sans m’éloigner de l’escorte j ’en recueillis de plusieurs .espèces qui,
presque toutes, se sont trouvées nouvelles, entr’autres une Jasione, le Bras-
sica longirostra et une fort belle espèce de Digitale à feuilles tomenteufesl
Malgré l ’apparence uniforme de la végétation de cette chaîne,, je 'suis sûr que
bien explorée, surtout dans ses parties les plus abruptes, elle offrirait au botaniste
une riche moisson.
Avant d’arriver au Yisillo, premier endroit habité de la Manche, nous
entendîmes sur la gauche une fusillade, et quelques heures après notre entrée
au village, nous vîmes revenir un sous-lieutenant et sa troupe de la
poursuite de Peüasco, un des chefs de bande des environs; c’était le combat
que nous avions entendu et dont le résultat se borna à la prise de quelques
chevaux. Après un repas composé de perdrix extrêmement abondantes dans
cette saison, et qui sont presque la seule nourriture qu’on nous ait offerte
dans la traversée de la Mauche; nous repartîmes pour Santa-Cruz de Mudela
où nous passâmes la nuit, car il n’était plus question de cheminer pendant l’obscurité.
Nous étions déjà arrivés sur le plateau central, quoiqu’ayant monté
tout le jour considérablement le long du revers méridional, nous n’eûmes
presque pas à descendre sur celui-ci, aussi la Sierra Morena, assez imposante,
vue des plaines de l’Andalousie, ne se présente de ce côté que comme