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laissé fermée pour la. facilité de la défense, une seconde l’était aussi, la troisième,
enfin, se trouvait ouverte, mais à demi, et avec quelques sentinelles
en observation. On s’occupait à mettre des pièces en batterie sur la muraille
d’enceinte qui entoure la ville, mais il me sembla voir peu d’ensemble et
assez d’incurie dans tous ces préparatifs; certaines parties fort dégradées du
mur restaient sans défense et on n’avait point placé de gardes avancées, de
sorte que l’ennemi aurait pu approcher jusqu’aux portes à la faveur des maisons
et des arbres dont la huerta est couverte.
Fort curieux d’apprendre d’une manière positive ce qu’il pouvait y avoir
de fondé dans cette terrèur qui régnait partout et quels événements y ; avaient
donné lieu, je m’empressai, après m’ètre installe a la /■ 'onda delas Diligencias,
d’aller voir M. Gauthier d’Arc, consul de France, qui eut l’obligeance de
m’expliquer tout cela. Le petit corps de troupes constitutionnelles qui .défendait
la province avait été battu.-à deux reprises, une première fois dans
les environs d'Alcira où une terreur panique;s?étpit emparée des çhristinos
à la simple rencontre de Cabrera faisant une reconnaissance en personne.
La seconde affaire, beaucoup plus désastreuse, venait d avoir lieu a Pla del
Pô , sur la route de Madrid. Une colonne Christine de deux bataillons
et d’une centaine de; Gavaliers s’étant imprudemment avancée à- la rencontre
de Cabrera qui commandait! des forces bien [-supérieures, ,les (.cavaliers,
presque tous conscrits, ramenés en désordre sur l’infanterie, avaient
porté le trouble' dans ses TangS j . ët il nîétait rentré que quelques centaines de
soldats dans Valence. Deux jours seulement avant mon arrivée, le chef carliste
triomphant était venu déployer ses colonnes à Burjasot, à demi-lieùe de la
ville' et là, preSqu’en vue de là population et au son de la musique militaire,
il avait fait fosiller trente-neuf officiers prisonniers sans qu’aucune Considération,
sans que les riches rançons que lui offraient plusieurs de ces malheureux
eussent pu le fléchir. Tout cela venait de se passer auprès d’une ville: ,de cent
mille âmes, qui compte plus de quatre mille nationales bien, équipés, et la
terreur était telle qu’on n’avait pas eu l’idée de sortir des murailles. Peut-
être avait-on bien fait, car les gardes nationales des grandes villes d’Espagne
sont trop mal exercées pour se battre en rase campagne, ét n’ont malheureusement
servi, jusqu’ici, qu’à forcer des prisons et à faire des émeutes.
Toutes ces victoires avaient donné une grande importance à la faction
de Cabrera qui n’était d’abord qu’un ramas désorganisé de bandits. Ce chef,
simple étudiant en théologie avant la guerre, et aux talents militaires duquel
la cruauté et le fanatisme dont il a donné tant de preuves, ne doivent
pas empêcher de rendre justice, parcourait alors librement la plaine; ses
troupes s’aguerrissaient; pillés et ruinés, les habitants des campagnes ne recevant
aucun secours des troupes nationales, se joignaient en grand nombre
à ces bandes parmi lesquelles régnait l’abondance, et qui leur offraient l’attrait
d’une vie oisive et sans frein. La misère était horrible dans Valence.
Cabrera venait d’anéantir le commerce en condamnant, dans une proclamation,
tout arriero pris sur la grande route, à la confiscation de son mulet et
à la peine de mort en cas de récidive. Il interceptait en même temps les approvisionnements;
les denrées avaient haussé de prix et la ville s’encombrait
de paysans compromis par leurs opinions libérales et accourus de toute la
banlieue. Les ouvriers en soie, fort nombreux à Valence, n’avaient plus
aucune ressource, et c’était un-triste spectacle que ces hommes"décemment
vêtus qu’on rencontrait à chaque coin de rue, aux portes de toutes les églises,
réduits à implorer la charité publique en se cachant la figure dans leur
manteau.
J’ai trouvé les hommes éclairés et de bonne foi du pays, d’accord pour
attribuer la première cause; de.ces malheurs au fractionnement de la cause
libérale en une foule de nuances et de partis. C’est ce qui a produit cette fatale
mésintelligence entre les'autorités dont Valence offrait alors un exemple
dans’sôn gefepoliiico, ou premier magistrat civil, et son capitaine-général, qui
étaient brouillés à mort. Les Bullangacros ou exaltés ont eu toujours ici
beaucoup d’influence quoiqu’ils ne soient pas nombreux, et . c’est à ce
parti qu’il faut attribuer les désordres et les scènes sanglantes dont cette ville
a été si souvent le théâtre pendant cette guerre. Ici, comme partout en
Espagne, les libéraux soupiraient après l’intervention française et maudissaient
le gouvernement de ce dernier pays qui, disaient-ils, n’avait pas hérité à la faire
en 1821 pour leur perte, et s’y refusait maintenant qu’il s’agissait de leur salut.
Au moment de mon arrivée, je comptais m’arrêter à peine à Valence de
crainte d’y être enfermé d’un moment à l’autre par les carlistes ; mais les
choses ne paraissant pas empirer et obligé d’attendre le départ de quelque petit
bâtiment côtier pour l’Andalousie, je passai neuf à dix jours dans cette ville,
privé, à mon grand regret, d’en parcourir les environs et surtout d’aller à Mur-
viedro, l’ancienne Sagonte, qui n’est qu’à quatre lieues, mais où il était impossible
de se hasarder alors. Valence, bien différente de Barcelone, a conservé
toute sa physionomie antique, c’est bien là encore la ville espagnole du
moyen-âge. Ce: labyrinthe de rues étroites, non pavées et si irrégulièrement
tortueuses qu’il est très-difficile de s’y 1 reconnaître, date de la domination