A quelques minutes de la ville règne déjà une solitude.complète; plus de traces
de culture ni d’habitations; rien qu’un amphithéâtre de collines arides, oh
dés par les épines. Le figuier de Barbarie s’est répandu aussi en Europe, dans tout le sud de l’Espagne,
en Italie, dans le Valais, etc., et sur presque tout le littoral de la Méditerranée. M. Bové l’a trouvé aux environs
de Gaza, et M. de Chateaubriand paraît l’avoir observé èn quantité près de Jérusalem ; aussi beaucoup
de personnes doutent qu’il soit réellement originaire d’Amérique, et sont portées à le regarder comme
indigène de l’ancien monde. Nous allons exposer les motifs qui nous empêchent de nous ranger à cet avis.
« Remarquons d’abord que la plante se trouve aussi en Amérique, et qu’elle fait partie d’une famille dont
toutes les autres espèces, sans exception,’ sont originaires de ce pays, ce qui nous dispose d’avance à adopter
l’opinion qui fait provenir celle qui bous occupe de la même patrie que ses congénères.
« Cette première probabilité se trouve confirmée par les noms que l’on a appliqués à notre Cactus. Le
nom de Tuna, sous lequel il a été d’abord connu, est tiré d’un idiome américain , le seul dans lequel cette
plante ait un nom particulier. Au rapport de Schaw (Voy. tom. Ier, p. 294), les Arabes l’appellent Kerjnès
Nassarah, ce qui veut dire figue de chrétiens, et i l èn conclut qu’ils l’ont reçu d’Europe, opinion qui est
aussi la notre et que nous développerons bientôt. Les premiers botanistes la nommèrent Ficus Indien
parce qu’elle venait de l’Amérique, alors plus connue sous le nom de l’Inde occidentale;: nous l’appelions
aussi figuier cFInde ou figuier de Barbarie ; cette dernière dénomination prouve seulement qu’il est
fort répandu dans le nord de l’Afrique. La même plante porte en Andalousie le nom d'Wguera chümba,
figuier bâtard ; enfin en Catalogne on lui donne celui de figues de Mauro, expression qui tire son origine
du goût que montrèrent dès le principe les Maures pour ce fruit,' pu peut-être encore de l’habitude qu’a
souvent levulgaire de donner aux plantes qu’il regarde comme des espèces bâtardes, le nom d’un peuple
non chrétien, c’est ainsi qu’en Alsace oh appelle les fruits du cornouiller Judenkirschen, cerises de juifs.
« Le Cactus opuntia est une plante assez remarquable pour que si les anciens l’eussent connue, il en eût été
fait mention quelque part dans leurs écrits, car ils s’attachaient surtout à décrire les formes bizarres et les
végétaux alimentaires. Nous ne trouvons cependant rien dans l’antiquité qui y ait rapport ; il est vrai que
les deux mots qui composent son nom sont d’origine grecque, mais ils s’appliquent à des plantes toutes
différentes , comme on va le voir.
« Théophraste donne des détails sur le Ficus Indica qui, d’après sa description, doit être le Ficus religiosa
ou le Rhizopkora mangle, puis il lui compare une autre plante de l’Asie mineure, en disant : Huie simile
vel polius quodam modo mirabiliùs si quid ex foliis radicem dimittat qualem circâ Opuntem herbulam esse
quidam enarrant cui dalum est ut et mandi suavitate possit. Il est fort difficile de dire de.quelle plante l’auteur
grec voulait ici parler, mais ce qui est bien sûr c’est que ce n’est pas du Cactus opuntia ; outre que
rien ne s’y applique dans ce peu de mots, les Grecs n’auraient pas appelé noâoiov-ou herbula un végétal aussi
ligneux, eux qui donnaient au troène lui-même, l’épithète de SsySppç.
« Quant au Kàxroç de Théophraste; il est évident que c’était une Gynarée. Quoe autem cactus nuncupala
est in Sicilia tantum nascitur. Hoec enim statim a vadice eau les repentes in terram mit lit folidlato j nique
spinoso.
« Les commentateurs, avec léUr manie de reconnaître tout dans les ouvrages des anciens, ont fait un gâchis
de tout cela. On était dans l’usage alors d’appeler l’Amérique une Inde, aussi sachant que la plante en
question en venait, et qu’on l’appelait déjà figuier dans différents idiomes de l’ancien continent, ils y reconnurent
le Ficus Indica de Théophraste, et par une fausse interprétation des passages ci-dessus, y englobèrent
aussi les deux autres plantes de l’âuteur grec, et composèrent le nom de Cactus opuntia.
« Mais ce qui est plus concluant que tout ce que nous venons de dire, l’arrivée du cactus en "Europe est
une chose bien constatée.
| Lobel (Sfirpium ad versai ta nova 1070) en donne une figure et l’appelle Judoeorum tuna ficifera; il nous
apprend qu’il se trouve spontanément dans les îles de la mer du Pérou et à Hispaniola ; qu’il a été semé en
plusieurs endroits de l’Espagne, de la France, de l’Italie; l’auteur en a mangé des fruits à Marseille.
serpentent quelques sentiers accessibles seulement aux bêtes de somme, et qui
servent seuls de communication avec l’intérieur du pays. A droite s’élève une
haute montagne riveraine nommée Sierra de Lujar; et plus au fond je découvris
avec émotion, par-dessus les premiers plans du tableau, les sommets glacés
de cette Sierra-Nevada si désirée, le Picacho de Yeleta à gauche, puis le
Mulahacen un peu sur la droite. Ainsi abritée par ce rideau de chaînes élevées,
cette côte jouit d’une température aussi douce et aussi chaude que celle des
tropiques ; on en cultive les productions, et le café lui-même y réussit dans
quelques jardins. La congélation de l’eau est inconnue à Motril, et l’on m’assura
que la neige qui couvrait encore à cette époque les pentes supérieures de
la Sierra de Lujar ne s’abaissait jamais sur ses flancs au-dessous d’un point dont
j ’évaluai la hauteur à environ i , 5oo pieds.
Les prémices de la flore Bétique, que je recueillis pendant une herborisation
de deux heures seulement, ne diminuèrent point les espérances que j ’avais
« Commelin (1697) dit qu’on lui a apporté d’Amérique une plante analogue (Rariorum planlar. Hort.
med. Amstel. descript., t. I, p. 1117).
« Miller ( Diction, des Jardins, traduit de la 8me édit., 1785 ) en parle comme originaire d’Amérique, et
dit qu’on le possède depuis longtemps en Angleterre.
« Stapel (Theoph. E r ., i 644) donne une figure et une description du même C. opuntia ; suivant lui on
le nomme vulgairement Ficus Indica ; les Indiens l’appellent tune ou tuna , et il croît naturellement sur
les côtes du Pérou.
« Barthélemy de Diaz et Herrera rapportent que dans la conquête du Mexique les Espagnols furent réduits
à se nourrir d’un fruit appelé tunas, qui croît sans culture. (Roberts., hist. de la déc. de VAmér. t. II,
p. 5 op.) L’attention des Espagnols fui donc dès l'origine portée sur ce végétal ; on sait que tous les aventuriers
de cette nation avaient alors coutume d’envoyer au roi d’Espagne de l’o r , et en outre les plantes et
lés àhimaùxqui leur paraissaient les plus remarquables; le cactus était de ce nombre et fut envoyé en E u rope
dès les premières années de la découverte de l’Amérique, c’est-à-dire avant i 5oo. Dans un ouvrage
espagnol, dont une traduction parut à Leyde en 1715 (les Délices de l’Espagne et du Portugal), nous voyons
qu’entre Cabeças et Puerto Santa-Maria on remarque de grandes haies de figuiers d’I n d e s i cette plante
avait été apportée par les Maures qui, avons-nous d it, la goûtent fort, elle eût été alors répandue depuis
longtemps dans toute l’Espagne, et l’auteur de l’ouvrage que nous citons n’eût pas mentionné sa présence
aux environs de Séville comme Une chose curieuse ; remarquons qu’il ne l’indique dans aucun autre endroit
de l’Espagne, et que c’est' à Séville qu’arrivaient d’ordinaire les flottes du Nouveau Monde.
« Ce fut en 1610 que Philippe 111 chassa les descendants des Maures; il en sortit plus de 900,000 ( Délices,
page 84z ) , qui se réfugièrent presque tous en Afrique. Comme ces peuples étaient cultivateurs , ils
emportèrent avec eux les végétaux qui leur paraissaient les plus intéressants ; et par conséquent lenactus,
qui depuis 120 ans qu’il avait été apporté dans le pays avait eu le temps de s’y propager. Les conquêtes et
expéditions des Espagnols et des Portugais établirent d’ailleurs à cette époque de fréquents rapports entre
les deux côtes. Une fois introduit en Afrique, lê cactus a dû s’étendre rapidement jusqu’à la Mecque à
cause de la fréquence des pèlerinages, puis dans tout le Levant. Il se trouve aussi en Palestine, et si une
nouvelle preuve de sa véritable patrie n’était pas superflue, nous ferions remarquer qu’il n’en est nulle part
question dans les écrits des croisés. »