véritable jardin de fleurs vers la fin du mois de juin : j ’y trouvai encore les
Thymus longiflorus et membrcmaceus, Teucrium spinosum, et ce qui me fit plus
de plaisir encore la Jasione foliosa Cav., ressemblant, pour le port, à notre
JErinus alpimis/ et qui tapissait et ornait de ses fleurs bleues les rochers
abrités contre le soleil.
Partout, les populations occupées aux travaux des mines ont l’esprit tourné
au merveilleux, mon séjour sur la Sierra de Gador me fournit plusieurs
exemples de cette disposition. D’abord personne ne voulait croire que je fusse
là pour cueillir des herbes, et j ’étais à chaque moment pris à part par divers
individus qui, me croyant venu dans le but d’explorer secrètement les mines,
me proposaient de me faire connaître de riches filons et de les exploiter avec
moi. Une autre fois, le surintendant d e là mine deBerja, au retour d’une
excursion que je venais de faire, m’avoua moitié riant, moitié honteux, qu’il
m’avait suivi de loin et épié tout le temps, parce qu’il m’avait vu me diriger
d’un côté où, d’après une vieille tradition, existent des métaux précieux, mais
cachés à une grande profondeur dans le sol. On ne devinerait jamais par
q u i, suivant ces braves gens, ce trésor a été découvert: ce n’est rien
moins que par le roi Salomon qui, en chemin pour Ophir, aperçut de sa
flotte des indices significatifs sur les flancs d e là montagne, débarqua, et à
l ’aide de conjurations à lui connues, fit ouvrir le rocher et repartit chargé de
richesses. On s’imagine que le secret de ces paroles magiques, perdu dans le
pays, doit s’être transmis à quelque étrangèr, et le brave capataz m’en croyant
l’heureux possesseur, m’avait suivi pour participer à mon aubaine.
De retour à Berja, le 4 août àu soir, j ’en repartis le lendemain en descendant
le cours du ruisseau, les collines voisines étaient couvertes de Dianthus
serrulatus, charmant oeillet aux pétales roses frangés et tiquetés de taches plus
foncées ; VHypericum Boeticum, YEpilobium parviflorum ornaient le bord des
eaux avec le Cynanchum monspeliacum aux tiges grimpantes, de rares Salicornia
et l’élégante Statice globiilarioefolia, à la panicule aérienne formée de nom
breuses petites fleurs bleues, couvraient les pentes. Nous eûmes bientôt atteint
la vallée plus large où coule le Rio d’Adra dont le courant est à peine sensible
dans cette saison et ne se compose, dans certains endroits, que d’une suite
de flaques. Là, favorisée par la chaleur et une humidité constante, .la végétation
sé présentait avec une luxuriance toute tropicale, des roseaux immenses,
les Agave, les Figuiers d’Inde, YEleagnus au feuillage argenté, de gigantesques
Tamarix Âfricana formaient des haies dans lesquelles s’entrelaçaient les rameaux
du Lonicera canescens, charmant chèvrefeuille aux guirlandes de fleurs
orangées et qui répandaient un doux parfum. Les cultures de maïs étaient
très-abondantes; mais à l’exception d’une usine abandonnée, on ne rencontrait
pas une seule habitation. Peu à peu les collines s’abaissaient des deux côtés et
j ’arrivai bientôt sur une plage sablonneuse en vue des flots azurés ; au détour
d’un monticule le village d’Adra nous apparut avec les lourdes colonnes de
fumée noire qui s’échappent de ses hauts fourneaux. L’aspect de ce lieu est
absolument africain, des cases blanches à un étage seulement, recouvertes
de terrasses, forment une longue rue au bord de la mer, quelques palmiers
élèvent çà et là leur cime gracieuse, et la verdure sombre des champs de canne
à sucre et de maïs, contraste avec le ton blanc et la stérilité des coteaux. La
position d’Adra est mal choisie, on n’y trouve que de l’eau saumâtre et malsaine
; le plus grand obstacle à sa prospérité est le manque d’un port sûr, les
vaisseaux qui viennent charger du plomb sont obligés de rester en rade, exposés
aux violents coups de vent de cette côte, aussi les chargements doivent-
ils se faire avec une grande rapidité, pour être toujours prêt à appareiller de suite.
Recommandé à l’agent d’une maison française, je visitai en détail les usines
dont la plupart étaient arrêtées à cause de cet état de stagnation dont j ’ai
parle.
Le 6 août au matin, je fis route à l’ouest en suivant les sables qui s’étendent
entre la mer et les dernières hauteurs descendues de la chaîne de la
Contraviesa; cette côte Basse s’étend à perte de vue jusqu’à plus de huit lieues
de distance où elle est arrêtée par l ’avance que fait vers le midi la haute Sierra de
Lujar; fort étroite le plus souvent, elle atteint quelquefois un quart de lieue de
largeur, on y trouve quelques cultures partout où on a pu y établir des norias
ou roues d’arrosement; mais elle est en général inculte et couverte des
tiges couchées du Cucumis citrullus et des Euphorbia paralias et peplis ; des
buissons de Tamarix sont à peu près le seul abri qu’on y rencontre. Près
d’Adra les collines de la gauche ne produisent d’autre végétation que les tiges
épineuses .et desséchées du Sonchus spinosus; mais elles vont en s’élevant à
mesure qu’on avance, et leur pente brusque et sillonnée par de nombreux
ravins, se couvre de vignobles. On voit de temps à autre quelques villages,
mais toujours à une certaine hauteur sur la montagne, à cause de l’effroi qu’inspirèrent
longtemps, sur cette côte, les corsaires^africains; le long du sentier
à peine frayé que nous suivions sur le sable, nous ne rencontrions que quelques
huttes en branchages où l’on vend de la mauvaise eau, de l’eau-de-vie et
quelquefois des oranges et des sandias ou melons d’eau ; on est dans l’usage
d’exposer ces derniers quelques instants au soleil avant de les ouvrir afin de leur