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Pendant mon séjour à Malaga, je m’étais occupe' à revoir avec soin l’heiv
hiei de M. ffænseler, qui a, beaucoup herborise' dans la provincey et c?est
grâce à cet examen pendant lequel il m’aidait de ses souvenirs, que j’ai pu
rendre mon catalogue moins imparfait; les plantes qu’avait aussi récoltées, h
diverses reprises, M. Prolongo, furent aussi précieuses pour mon travail. Ce
ne fut pas sans le,plus vif regret que je me préparai a quitter ces deux amis
dont la relation m’avait été si utile et si agréable, et qui n’ont cessé, depuis
mon retour, de m’aider de tout leur pouvoir dans mes"recherches en faisant
1 un et 1 autre des excursions lougues et difficiles. Comme je me proposois dé
traverser dans sa plus grande largeur l’Espagne alors en combustion, et que
les moyens de transport y. étaient très-bornés et difficiles à se procurer, ;je ne
pris avec moi que le strict nécessaire, et renvoyai par mer à Marseille, mon
domestique avec mes récoltes de plantes et presque tous mes effets.
CHAPITRE XV.
Voy-ige-de Malaga à Cadix et de cette ville à Madrid par Séville, Cordoue et la Manche.
Parti le 8 octobre au soir sur un bateau à vapeur anglais, j ’arrivai déjà
de bonne heure le matin suivant à Gibraltar par une mer houleuse qui se faisait
sentir jusque dans le golfe, et rendit notre débarquement difficile. Une
de ces pluies diluviales qui caractérisent l’automne dans cette région, tomba
tout le jour et m’empêcha d’aller, comme je l’avais projeté,, recueillir les
graines de plusieurs plantes rares sur la face orientale du rocher. Je ne pus
visiter que la promenade situee en dehors de la porte méridionale de la ville,
et où je trouvai le Rétama monosperma en fruit. Un Polygonum exotique aux
grimpantes et sarmenteuses était en pleine fleur et tapissait les murs, les
Pélargonium, les arbres à poivre ou Phytolacca dioica fleurissaient aussi de
nouveau et on voyait la verdure renaître à vue d’oeil par l’influence chaude
et humide du climat. Il fallut repartir le soir par une mer plus agitée que
jamais et qu on voyait au loin se briser en hautes colonnes blanches contre
les rochers de la Punta deV Carnero. Le. sort du Von Juan, beau bateau à
vapeur qui venait, quelques semaines auparavant, de se perdre dans ces parages
par un brouillard, effrayait quelques passagers, les Espagnols surtout, moins
habitués aux voyages et à la navigation; la traversée fut cependant heureuse,
sauf un malaise général qui confina bien «vite tout le monde dans les cabines.
C était une chose solennelle que le passage de ce détroit par une
nuit oi*ageuse,;entre les montagnes de Tarifa «et celles plus élevées de la cote
d’Afrique, qui se dressaient à l’horizon comme «de sombres fantômes; par
un beau jour, cette traversée doit être pleine d’intérêt, car la proximité des
deux rivages promet d’en apercevoir tous les détails. Au point du jour nous
étions devant Cadiz ; c’était bien là cette1 cité éblouissante sortant toute blanche
du: sein de l’Océan. Le pied des murailles, des édifices est partout baigné
immédiatement par les ondes,1 «et aucune**grève > aucun terrain intermédiaire
ne vient gâter cet admirable coup d’oeil. L’intérieur de la ville est en
harmonie avec le dehors, partout des rues admirablement tenues, des
maisons uniformément blanchies, mais sans monotonie, à cause des nombreux
balcons vitrés ou garnis de «rideaux et peints de couleurs brillantes. Cadiz
parait au Voyageur exclusivement peuplé de caballeros, il ne peut découvrir
où se logent lés classes inférieures , tellement tous les quartiers sont également
bien bâtis; qu’on se représente en outre une population nombreuse et active
et surtout une foule de jolies sefioras mises avec un goût parfait et remarquables
par la grâce de leur tournure et de leurs démarche, et on aura quelque
idée de l’aspect de la première ville maritime de l’Espagne. Cette prospérité
et cet arrangement qui distinguent Cadiz de toutes les autres villes a moi connues^:
tient à l’aisance et à la richesse que le commerce y a longtemps développées;
en outre le climat, ce terrain sablonneux qui absorbe de suite
l’humidité, enfin l’absence presque complète de chariots et de voitures
favorisent singulièrement la propreté des rues et des maisons ; : un des plus
grands charmes de Cadiz est encore cette plate dorme en stuc qui fait presque
■ tout le tour de la ville,fet>sur laquelle on peu tse promener des heures entières,
passant successivement en revue lesr aspects les plus variés, d’abord la mer
immense, Sans bornes et semée d?écueils, puis une rade pleine de navires,
puis enfin cette vaste « et riante baie sur tout le pourtour de laquelle de riches
et populeuses bourgades s’appuient contre des «collines/couronnées de bois
de pins. Il est au centre de la ville une haute tour de laquelle tous ces points
de vue réunis forment un panorama d?une rare magnificence ; .de Ce point,
derrière le pourtour des côtes, on voit commencer les premières hauteurs
auprès de Médina Sidonia, puis plus loin les chaînes plus élevées1 des Gaz-ules
et d’Ubrique , èt enfin >un massif de rochers qui reste en vue dans, toute la
navigation du Guadalquivir jusqu’à Séville, et qui n’est autre que le Gerro
de San Cristoval des environs de Ronda.
Pour visiter l’ile de Léon on peut se servir d’omnibus fort élégants, très-
superieurs à ceux de nos villes. Je fis ce trajet avec une grande rapidité