
y enfumait comme des renards. A partir de la formation calcaire, je commençai
à retrouver les lignes, puis les oliviers, et bientôt après, les Cactus,
les Agave et toute la végétation africaine ; de là, j ’aurais pu remonter en
quelques heures à des sommités glaciales occupées par des plantes qui se retrouvent
en Lapponie et au Groenland ; qu’on juge par-là de la variété que
présente la flore de ce beau pays.
De bonne heure encore dans-la' matinée j ’étais à Cadiar, grand et beau
bourg situe' dans une jolie et vaste vega, au débouche du vallon qui descend
de Berchul ; la Sierra Contraviesa, continuation de celle de Lujar,
s’étend au midi et sépare ce pays de la mer. Les terrains en plaine, arrosés
avec un soin particulier, étaient encore d’une admirable verdure, et le gracieux
Agnuscastus en pleine fleur y ornait le bord des ruisseaux; mais les
collines toutes brûlées n’offraient à l’oeil que des tons blancs et rougeâtres
d’une affreuse stérilité ; elles sont formées de terrains de transport marneux et
argileux et découpées en tout sens par des ravines, elles présentent l’aspect
le plus monotone; un peu après Cadiar dont le ruisseau va encore se joindre
au Rio-Grande , je passai un col qui est le point de partage avec les affluents
de la rivière d’Adra. Ce col n’a pas plus de quelques centaines de pieds d’élévation
au-dessus de Cadiar, et ne traverse que l’arête tranchante d’une de
ces collines marneuses nommée la loma de Yator ; on le représente cependant
dans les eartes comme un gigantesque contrefort, unissant la Sierra Nevada
à la Contraviesa. Son revers oriental est plus allongé que i’autre, parce que
les vallées de ce côté se creusent davantage; on jouit, du point culminant,
d’une vue très-sauvage et très-belle : à droite s’étendent les croupes très-
ado ucies et les vallons verdoyants et parsemés de villages de la Sierra Nevada,
à gauche la Sierra Contraviesa couverte de chênes, puis l’espace intermédiaire
occupé par des collines argileuses et creusées de profonds ravins, contraste
avec le reste par son absence complète de végétation, et présente en
grand l’aspect d’une mer subitement congelée. Le sentier descendu au
bas de la pente ou rambla de Repeni, ne quitte pas les bords d’un ruisseau
presque desséché dont le filet d’eau se perd par places dans le sable. A l’exception
de quelques fermes isolées et entourées de peupliers, tout ce pays est
absolument désert, le Stalice echioides qu’on rencontre fréquemment, est
1 indice d’un certain degré de salure dans le so l, et les terres en jachères sont
couvertes par le Cirsium acarna et par YEryngium ilicifolium, jo li chardon
qu on n’avait encore observé qu’en Barbarie. Après cinq heures de marche
dans cette contrée, j ’arrivai à la nuit tombante àJJjijar, bourg populeux, considéré
comme la capitale de tout l’Alpujarra, et oii se tient une grande foire
annuelle où l’on vient de dix lieues à la ronde. Malgré l ’importance de cet
endroit, nous n’y trouvâmes qu’une méchante posada, et nous fûmes obligés
d’aller acheter nous-mêmes dans la ville ce qu’il fallait pour souper, n’ayant pu
à. aucun prix décider la vieille posadera à nous rendre ce service. Les maisons
d’Ujijar sont pittoresquement disposées sur une hauteur au-dessus d’une petite
rivière, une huerta remplie de bosquets et d’arbres de toute espèce occupe
le fond de la vallée, tandis que les oliviers couvrent les collines d’alentour.
Au nord s’étend, à quatre ou cinq lieues de distance, la Sierra Nevada verdoyante
aux vallons bien arrosés et peuplés de nombreux villages; cette chaîne
dans cette partie occidentale n’offre plus qu’une ligne ondulée de sommités
arrondies; elle ne paraît pas dépasser sept à huit mille pieds de hauteur, et la
neige y a complètement disparu.
D’Ujijar à Berja qui en est distant de quatre lieues, le sentier suit le cours
d’une rivière qui, plus bas, va se joindre au Rio-Adra. Leur lit est profondément
encaissé entre des berges, tantôt couvertes de jardins et de cultures, plus
souvent coupées à pic et quelquefois hautes de plusieurs centaines de pieds.
Les points de vue changent à chaque moment à cause des sinuosités anguleuses
de la vallée ; je ne pouvais me lasser d’admirer sa fertilité étonnante dans
tous les endroits où il a été possible d’y amener de l’eau, les tiges du maïs
avaient six pieds de hauteur, des ceps gigantesques chargés de grappes noires,
des touffes YArundo donax abritaient de nombreux villages groupés sur les
pentes. A quel degré de prospérité arriverait, sous une bonne administration,
cet heureux pays réchauffé par un soleil des tropiques, rafraîchi en même
temps par la brise descendue des montagnes et situé à quelques lieues seulement
de la mer, avec laquelle les cours d’eau ont creusé eux-mêmes au travers
d’un pays montueux des communications faciles qu’il n’y aurait qu’à arranger!
Protégés contre l’ardeur du jour par la hauteur des berges, nous
cheminions agréablement sur le sable humide, traversant à chaque instant le
filet d’eau presque imperceptible que de nombreuses saignées ont laissé à la
rivière, et nous nous apercevions peu de la chaleur du jour; mais nous ne
la ressentîmes que davantage lorsqu’il fallut sortir du vallon et nous engager à
gauche dansles collines qui nous séparaient de Berja ; leur température était celle
d’une fournaise ; la terre rouge et comme calcinée ne nourrissait qu’une Salicorne
et les touffes épineuses et sèches du Sonchus spinosus : pas un arbre ni
même un buisson pour s’abriter, et lorsque mourant de soif au milieu du
plateau assez étendu qui couronne ces collines, nous nous approchâmes avi