pays-ci sont un vrai printemps. Les champs en jachère étaient tout jaunis par les
panicules du Tanacetum annuum et Vlnula viscosa ornait encore les arroyos.
Sur les talus on voyait les gros capitules roSes de VAcarna gummifera, chardon
sans tige et dont les feuilles sont depuis longtemps desséchées à l’époque
de. sa floraison. La découverte qui me fit le plus de plaisir fut celle de la
Mandragore qui fleurissait en abondance dans les champs et au bord des
acequias. Je desirais*depuis longtemps voir cette plante, autrefois si fameuse
par ses vertus médicinales et surtout par les fables populaires dont elle fut
1 objet; on sait entre autres, qu’au moment ou l’on coupait sa racine, elle poussait
un cri qui donnait inévitablement la mort à tout être qui l’entendait; voici
comment on s’y prenait pour se la procurer sans danger. Il fallait déchausser
avec soin la plante, la couper par la base aux ! trois quarts en faisant bien
attention de ne pas la séparer entièrement, puis attacher un chien de manière
à ce qu’en l’appellant de loin, il donnât une secousse qui finissait d’arracher
la Mandragore; le pauvre animal tombait mort à l ’ouïe du gémissement qu’émettait
la racine et on pouvait alors venir la ramasser; la meilleure était celle
qui avait été arrosée de l’urine d’un pendu. Dans de certaines parties de
l’Espagne les charlatans taillent en figure humaine cette raciue charnue et
épaisse, ainsi que celle de la Bryonia, et complètent la ressemblance en y
plantant des grains d’avoine qui, dans m ilieu humide, poussent des radicelles,
lesquelles simulent de la barbe et dés cheveux ; ils vendent ensuite ces
figures à des paysans ignorants, en leur persuadant qu’elles ont la vertu de
conjurer les maléfices.
Après la venta de Cartama, grand hangar situé à une demi-lieue au nord
du village de même nom, et où se sépare sur la droite le chemin qui mène
aux bains très-fréquentes de Carratraca, nous quittâmes le plat pays pour
nous élever insensiblement le long de terrains argileux qui occupent la base
des montagnes. On y voit des bois d’oliviers et des cultures de blé qui ne
réussissent pas dans les années trop sèches. Quelques Asparagus, le Teucrium
sptnosum et la Phlomis herbaventi ornaient seules ce pays monotone couvert
des tiges desséchées des Cynara horrida et cardunculus et de YEchinops stri-
gosus. Nous laissâmes à deux lieues plus à l’ouest, le grand village de Casara-
bonella qu’on apercevait pittoresquement niché au pied des montagnes, et
nous arrivâmes à Alozayna, d’oii une montée assez rapide d’une heure et
demie à travers les collines, nous conduisit à Yunquera où nous devions
nous arrêter; c’est un bourg situé à plus de 2000 pieds de hauteur sur les
flancs de la Sierra, au milieu d’un plateau fertile et bien arrosé; son air vif
et la belle vue dont on jouit en font un des lieux les plus agréables de toute
la province. Logés là chez un des principaux habitants, ami de M. Prolongo,
nous y passâmes trois jours d’une manière fort agréable, occupés à parcourir
les environs. Tout près du village, au fond d’une gorge pittoresque, est une
des sources du Guadaljore ou Rio-Grande de Malaga; ce lieu encaissé était
encore tapissé d’une charmante verdure. Au-dessus de Yunquera on trouve
une vieille tour qui surmonte une éminence sablonneuse où je recueillis deux
plantes bien rares, mais trop avancées, la Jurinea pinnata et YErodium guttar
mmk Là s’ouvre un vallon entre la Sierra de la Nieve à gauche et une autre
montagne calcaire moins élevée, qu’on appelle Sierra de Yunquera. C’est par
ce chemin, en suivant le pied de la première chaîne, que nous allâmes visiter,
à son revers septentrional, le desierto de las Nieves, jolie vallée solitaire
plantée de vignes dans le bas et entourée de tous les côtés de hauteurs boisées
ou buissonneuses. Au fond, à côté d’un grand parc entouré de murs
et planté de toutes espèces d’arbres, s’élèvent en amphithéâtre de grandes
constructions abandonnées qui furent, jusqu’à ces dernières années, le cou-
vent de Nuestra Sehora de las Nieves. Ce nom fait sans doute allusion aux
neiges qui couvrent pendant cinq mois les sommités de la Sierra; car dans la
vallée située à 35oo pieds de hauteur seulement, elles ne doivent pas couvrir
long-temps le sol; quoi qu’il en soit, la position du monastère avait été admirablement
choisie, solitude complète; air pur et frais, site varié et romantique,
tout se trouvait là réuni. Nous nous arrêtâmes dans un pressoir ou lagar
qui était en activité; de même que dans les autres pays du midi, les vignerons
foulaient le raisin de leurs jambes nues dans un grand bassin en pierre avant de
le porter sur le pressoir. L à , nous nous séparâmes, et pendant que mes
compagnons allaient explorer le parc du Convento, d’où ils rapportèrent une
variété remarquable de YOdontites viscosa, je montai à gauche jusqu’au pied
de rochers perpendiculaires. Je pus juger par les débris que je trouvai, des
richesses botaniques que doit fournir cette localité dans une meilleure
saison, le Sarcocapnos enneaphylla y formait de grandes touffes encore fleuries,
ainsi qu’un joli Galium à feuilles luisantes qui me parut nouveau. Un
peu plus bas les fentes du roc étaient ornées par le Dorycnium suffruticosum,
la Cephalaria leucantha et par l’élégant Buplevrum Gibraltaricum qui, pour la
première fois, se montrait à moi dans une position accessible.
Le lendemain nous partîmes, dans l’après midi, pour monter à la Sierra.
Jusqu’au premier tiers de la hauteur, les pentes sont couvertes de maquis,
la végétation, quant aux espèces, présente beaucoup d’analogie avec celle de