
nomme monp; ils se présentèrent en ordre sous le balcon occupe' par la
Maestranza qu’ils saluèrent, puis se dispersèrent dans l’arène. Au même
instant les trois picadors arrivaient aussi la lance au poing et la tête couverte
d’un e'norme chapeau plat autf bords Circulaires. Ge fut un moment palpitant
d’intérêt que celui du une petite issue ayant été démasquée, le- taureau
s’e'lança dans la lice là fête basse, l’oeil en feu, se battant les flancs
„avec sa queue et faisant voler le sable tout autour de lui. Dès qu’il'
aperçoit le ctieval de l’un des picadors, il prend du champ et s’élance pour
l ’enlever ’ avec ses Gornes. Le cavalier s’affermit sur- ses ptriers et cherche à
arrêter l ’animal d’un coup de lance; il y réussit quelquefois, et telle est la
force du: choc que les deux Antagonistes sont lapcés chacun de quelques pas
en arrière, mais le plus souvent, comme le fer dé la lance est cqurt, il glisse» ‘
ou n’arrête pas le taureau qui'arrive au cheval, lui enfonce ses cornes dans
le ventre et le renverse. Les chulos ou combattants à pied arrivent alors
pour détourner l’attention de la bête furieuse, et pour donner au cavalier
le temps de se; relever*Je n’ai jamais-compris comment il se, trouvait des
hommes qui prissent ce terrible métier, de picador : malgré beaucoupjl’a-
dresse et de force, ils sont toujours culbutés à plusieurs reprises dans le
cours d’une furtcion, et risquent à chaque-instant d’avoir les jambes éc^sées
sous leur propre monture, ou entamées par les coups de corne du taureau.
Quant au cheval, s’il est tué à ce premier assaut on le laisse là et on en amène
un autre; mais,pour peu qu’il, ait la force d e se tenir sur ses jambes, on -le
relève et son cavalier le remonte. Ces malheureux animaux parcourent ainsi
l’arène, en perdant leur sang par d’affreuses blessures/ jusqu’à, ce qu’une nouvelle
attaque-du taureau vienne mettre fin à leur agonie.
On a "Besoin dé détourner lesyeux.,deÙ2e hideux spectacle pour les repôx-
ter sur les jeux gracieux des* chulos qui excitent à l’envi le taureau, se dérobent
à sa poursuite par une course rapide et en sautant cle temps en temps
par-dessus la barrière lorsqu’ils sont sqrrés de trop près,? La souplesse et l’agilité
de ces hommes est étonnante, les uns tenant leur manteau par derrière,
se détournent brusquement de côté au moment où le taureau ya les atteindre^
et son formidable coup de corme ne déchire que l’étoffe légère ; d’au-
tr.eS se tiennent par la main èt laissent passer l’animal entre eux en -relevant
le bras; quelques-uns même sautent par-dessus ses cornes. Réduites à nés
exercices des chulos, les courses y gagneraient sous tous les rapports; mais les
gens du pays qui tiennent surtout à ce qu’elles présentent de sanglant et d’inhumain,
seraient loin d’apprciuver cette modification.
Au bout d’un certain .temps, le taureau se fatigue, il ne parcourt plus furieusement
l’arène, mais reste acculé contré la barrière et se*tient sur la défensive.
Le moment est venu alors d’en finir : le matador se présente^ obtient de
la Maestranza l’autorisation de tuer l’animal, va se poster devant lui tenant
son/nanteau d’une'main et urfe large épée de l’autre. Cette tâche n’est pas
faoile à rempli^ elle exige une grande connaissance de l’art-et des habitudes
du taureau. Si .ce dernier ‘èst de l’espèce qu’on nomme boÿantesy ç*est-à-dire
impétueux et dépourvus de. ruse, le matador n’a qu’à s’effacer légèrement de
coté au moment où l’animafe’élance contre lui, il dirige en meme temps vers
son* épaule la pointe de l’ëpe'e qui s’enfonce jusqu’à la garde. Mais il est
d’autres taureaux bien plus’ dangereux : salis prendre l ’offensive ils restent
immobilëS en regardant fixement leur adversaire ; si l’on hasarde une attaque
imprudente on risque d’être empale' d’un coup de corne, et si d’un autre
■ côté la situation se prolonge, le public s’impatiente et prodigue au malheu-,
reux matador les reproches et les épithètes des plus outrageantes. C’est ordinairement
un espada en renom qui est chargé de cette fonction, la plus importante
de toutes. Son nom est donné d’avance en grosses lettres sur l’affiche
pour attirer la foule, côfnme on ferait d’un Lablache ou d’un Rubini, et lorsqu’il
cède3 sa place, à une, doublure pour une seule suer te, c’est un mécontentement
et un murmure général. Nous avions à Ronda comme matador le célèbre
Montes, la première épée de l’Espagne et la gloire de la tauromachie ; sa renommée
avait puissamment Contribué à attirer aux courses une affluence considérable,
il vint à bout ce jour-là de tous les taureaux auxquels il avait affaire
avec une rare dextérité et au bruit d’applaudissements frénétiques; Six taureaux
et une dizaine de chevaux périrent dans cette funcion qui dura.plus de
trois heures, puis la foule s’écoula, chacun discutant en prenant parti pour le
mérite de tel ou,tel combattant. Pas un seul des toréadors ne fut blessé; dirai
je que je le regrettais presque, tant je trouvais odieux et lâche ce combat
si inégal entre une troupe d’hommes aguerris et exercés qui s’exposent à peine,
et un malheureux animal irrésistiblement condamné à mort et qu’on torture
à petit feu.
On pe peut se figurer à quel point la passion. de ce spectacle est encore générale
en Espagne ; il faut le dire cependant à l’honneur des Espagnols, un
' grand nombre d’entre eux rougissent de ce reste de barbarie indigne d’une nation
civilisée, sentant eombien un tel divertissement, outre sa cruauté, est propre
à familiariser avec la vue du sang un peuple qui n’y est que trop disposé déjà
Mais le temps où l’on verra cesser ces représentations est encore fort éloigné.