Je cueillis dans ce trajet Vicia disperma, Arenaria retusa, Anagyris foetida très-
communes au bord de la route. Plus bas, nous trouvâmes le village d’Ojen,
situé à mi-côte dans cette gorge et dont la position est une des plus pittoresques
que je connaisse. Yues' d’en bas, ses maisons semblent suspendues sur un
précipice qu’on ne fait que soupçonner et que cachent dès massifs de verdure.
Le soleil allait se coucher lorsque nous arrivâmes à l’extrémité de la vallée ;
au tournant des dernières hauteurs nous aperçûmes la mer tout entière et
Marbella ou nous descendîmes à travers de longues pentes incultes. Cette ville
était florissante du temps des Maures et s’enrichissait par la culture de la canne
à sucre qui occupait tous les environs et qui a disparu complètement aujourd’hui.
Marbella est déchue, mais sa position est fomahtique et les beaux
arbres qui l’entourent sont d’un effet admirable au milieu de ses édifices en
ruine. Au bord de la mer je vis les restes d’un vieux château qui se défendit
assez longtemps contre les Français dans la guerre de l’indépendance et dont la
garnison parvint à s’échapper sur un vaisseau anglais.
Marbella n’avait rien qui pût me retenir, et je partis le lendemain pour Este-
pôna. D’énormes lentisques parmi lesquels VAristolochia Boetica et le Smilax mau-
ritanica s’entrelaçaient en festons, ombragent le commencement de la route.
J’observai aussi le Physalis somnifera et le ricin qui y prend les dimensions d’un
arbre. Nous traversâmes d’abord un pays cultivé, rencontrant çà et là quelques
maisons isolées, mais à une demi-lieue de la ville toute trace de. la présence d*e
l’homme avait déjà disparu. Ce n’était plus qu’une vaste‘savane couverte de
cistes,et de palmiers nains et qui s’étendait en pente douce du pied de la
Sierra Bermeja jusqu’à ,la mer. L’agriculture qui occupait jadis la plus grande
partie de ces plaines, les utiliserait ^encore admirablement, et les nombreux
ruisseaux qui les parcourent et dont aucun n’est profondément encaissé leur fourniraient
toute l’eau nécessaire. Dans ce sol sablonneux et au milieu de cès arbustes
dont un des plus abondants était l’Helianthemum halimifolium, je recueillis
VArmeria plantaginea, Pterocephalus lusitanicus, Helminthiâ comosa' Ononis
Picardi et mitissima, Linum tenue, Linaria visçoSa, VInula arabica qui couvrait
tous les endroits humides, et une foule de graminées avec la plus élégante de
toutes, la Briza maxima, dont le moindre vent fait osciller les épis dorés;
l’oléandre bordait les ruisseaux et dessinait au loin leur cours par des lignes
roses et sinueuses.
A mesure qu’on s’approche, en suivant la côte? de ce Gibraltar si redouté des
douanes espagnoles, les. tours de vigie et les postes de carabiniers se multiplient
pour s’opposer autant que possible à la contrebande. J’en comptai cinq
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à six entre Marbella et Estepona, et ce sont les seuls points habités qui interrompent
la solitude de cès lieux. Dans un de ces postes, je trouvai un vieux
soldat de l’indépendance qui avait voyagé en France et qui, après de longues
"innées, était tout, joyeux de trouver quelqu’un qui parlât la langue de
ce pays. Il se rappelait même quelques chansons dont le sens et la prononciation
étaient singulièrement défigurés dans sa bouche. Il m’est arrivé, dans mes
excursions, de rencontrer souvent des paysans ou des pâtres qui avaient vu la
France, comme prisonniers de guerre, ou à l ’e'poque de la bataille de Toulouse,
et tous parlaient avec respect? et affection-de ce pays et de ses habitants,
l’exaltant aux dépens du leur. Il serait difficile de retrouver maintenant, au
moins en Andalousie, des traces de cet esprit de haine et de fanatisme qui animait
lesîiabitants lors de l ’invasion française.
Estepona est une jolie petite ville bâtie au bord de la plage, gaie, moderne
et tout éclatante de blancheur. Chaque maison est enduite, a l’extérieur, d’une
couche de chaux qu’on renouvelle au moins tous les mois et qu’on prolonge
jusque sur le pavé, ce qui-ferait croire, au premier coup d’oeil, que ces habitations,
ont été taillées dans une couche de Craie ; mais si, sortant des deux ou trois
rues qui bordent la nier, on se dirige du côté des collines, on ne trouve plus,
au milieu des figuiers d’Inde, que de pauvres huttes informes et construites en
boue, misérables abris que la sérénité et la singulière douceur du climat rendent
cependant suffisants! pour la classe inférieure. Je m’arrêtai à la posada qui
est à l’entrée de la ville, et je m’y installai dans une grande, salle dont les
croisées donnaient immédiatement sur la mer. Comme si le voisinage de la
ville anglaise, dont nous apercevions le rocher à six lieues de distancé, eût
avantageuseiiiént influé sur cette demeure, tout y était bien disppsé et d’une
propreté recherchée.
Je me préparai pour le lendemain à l’ascension de la Sierra Bermeja. J’étais
curieux de la visiter, afin d’y observer un sapin dont j ’avais vu une branche
sans fruit dans l’herbier de M. Hænseler à Malaga-, et qui me paraissait être
une espèce nouvelle. Tout le monde à Estepona connaissait, sous le npm de
Pinsapo, cet arbre dont on fait usage dans les processions et les fêtes religieuses,
à cause de l’élégance de son feuillage et de ses rameaux qui, disposés à
angle droit dans leurs dernières ramifications, ressemblent à de petites croix.
De la ville même on pouvait distinguer, vers le sômmet de la Sierra, les bois
qu’il formait; leur teinte opaque faisait contraste avec*la verdure pâle etclair-
semée du P inus pinaster qui couvre les pentes inférieures.
H faut, pour arriver au pied de la montagne, s’élever pendant près de deux